Un baroud d'honneur

CAQ - Coalition pour l’avenir du Québec



Ce qu'on retient surtout du passage de François Legault au gouvernement, ce sont les «contrats de performance» qui conditionnaient le financement des universités à l'atteinte d'objectifs mesurables.
Dès le départ, l'idée avait suscité des réactions très négatives. Les universités disaient craindre pour leur autonomie, les associations étudiantes criaient à l'assujettissement des universités aux lois du marché et les professeurs prédisaient que les obligations qu'on voulait leur imposer allaient tuer la recherche.
Face au tollé, M. Legault avait dû mettre de l'eau dans son vin et laisser les universités fixer elles-mêmes leurs objectifs. Après son départ pour la Santé, celles qui ont été jugées moins performantes ont simplement vu le versement de leurs subventions retardé.
C'est ce même principe de performance qui sous-tend le manifeste de la Coalition pour l'avenir du Québec que M. Legault rendra public lundi, mais dont l'essentiel a été dévoilé par le réseau TVA jeudi soir. Le Québec tout entier doit devenir performant.
Placer l'éducation en haut de la liste des priorités d'un gouvernement n'a rien de très original. Tous les partis politiques l'ont fait à un moment où l'autre, mais cela demeure généralement de l'ordre du discours.
Personne ne peut nier que les enseignants jouent un rôle fondamental dans le développement d'une société et que les conditions de plus en plus difficiles dans lesquelles ils doivent oeuvrer ne facilitent ni le recrutement, ni la rétention.
Il est bien possible que leur salaire ne soit pas à la hauteur de leurs responsabilités, mais on peut déjà prévoir que les employés du secteur de la santé, dont les conditions de travail ne sont certainement pas meilleures, diront la même chose.
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La performance a ses exigences. Une hausse de salaire de 20 % à 30 % serait sûrement appréciée, mais la contrepartie implicite est la disparition de la sécurité d'emploi. Il y a des enseignants extrêmement compétents et dévoués, mais il y en a aussi qui ne le sont pas. Certaines carences peuvent sans doute être corrigées par des mesures de rattrapage, mais il faudra accepter le principe d'une mise à pied des éléments irrécupérables.
Dans le secteur de la santé, M. Legault veut reprendre là où il avait laissé quand le PQ a perdu le pouvoir en 2003. Déjà, à l'époque, il déplorait la réticence des médecins à mettre en place des groupes de médecine familiale. Huit ans plus tard, son constat demeure le même. Il partage l'avis du président de la Fédération des médecins spécialistes, Gaétan Barrette: il y a suffisamment d'omnipraticiens au Québec. Le problème est qu'ils ne pratiquent pas assez.
Quand M. Legault avait voulu étendre la formule des «contrats de performance» aux hôpitaux, la réaction syndicale avait été immédiate: les patients allaient inévitablement faire les frais de l'obsession financière du nouveau ministre. On risque d'entendre le même refrain.
D'ailleurs, le manifeste soulève plus de questions qu'il n'apporte de réponses. Que signifierait concrètement «une gestion beaucoup plus rigoureuse des réseaux publics et des sociétés d'État»? Il n'est question nulle part d'une hausse des tarifs d'électricité. S'il faut que le Québec se dote d'un «plan crédible de réduction de notre endettement public», il faudra bien couper quelque part à défaut d'augmenter les taxes.
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Tous les sondages l'indiquent: les Québécois en ont assez des libéraux, mais la perspective d'un gouvernement dirigé par Pauline Marois ne soulève aucun enthousiasme et l'ADQ demeure trop folklorique aux yeux d'une grande partie de la population.
Il existe indéniablement un important bassin de nationalistes «mous», qui seraient trop heureux de plonger la tête dans le sable en s'imaginant qu'on peut mettre la question nationale en veilleuse pour s'occuper des «vrais problèmes», pourvu qu'on manifeste un peu de fermeté — mais pas trop — sur la question linguistique. Le «déni» dont parle le manifeste de la Coalition n'est peut-être pas là où ils le croient.
De la façon dont l'entendent M. Legault et ses amis, «faire des choix» et «remettre le Québec en mouvement» aurait cependant le grand inconvénient de déranger et, pire encore, d'exiger de l'effort.
De nos jours, c'est simple: il suffit de s'opposer à la magouille des libéraux ou au «radicalisme» du PQ. Cela donne bonne conscience et n'engage pas à rien. Lucien Bouchard a mesuré ce qu'il pouvait en coûter de dire que les Québécois devraient se forcer un peu.
Avec l'autorité morale dont il disposait, l'ancien premier ministre aurait peut-être pu convaincre les Québécois de la nécessité d'une nouvelle corvée nationale, comme il l'avait fait en 1996, mais il a préféré la mettre au service de l'industrie pétrolière et gazière.
Malgré toutes les qualités qu'on peut lui reconnaître, M. Legault n'a pas son charisme et, en tout respect, les autres membres de la Coalition feront simplement de la figuration. On est très loin d'une «équipe du tonnerre».
Après le lancement de son manifeste, M. Legault entend faire une tournée du Québec pour prendre le pouls de la population. Vu l'espoir qu'avait fait naître la perspective d'un nouveau parti, c'est le moins qu'il puisse faire, mais cela pourrait bien prendre l'allure d'un baroud d'honneur.
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mdavid@ledevoir.com


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