(Ottawa) Le racisme systémique et la discrimination au sein des Forces armées canadiennes nuisent à leur capacité opérationnelle, et la sécurité nationale est menacée par la présence de membres liés à des groupes d’extrême droite qui sont de plus en plus difficiles à déterrer.
La ministre de la Défense nationale, Anita Anand, a en main depuis plusieurs semaines le rapport produit par un Groupe consultatif créé en 2020. On y prévient que si cette « toxicité n’est pas rapidement maîtrisée et éliminée, ses répercussions persisteront pendant des années et entacheront la réputation de l’Équipe de la Défense au point de repousser les Canadiens et les Canadiennes à se joindre à ses effectifs », notant que « les données données de recrutement suggèrent que c’est déjà le cas ».
À l’issue de son étude, le panel formule une série de recommandations : redéfinir la relation entre l’Équipe de la Défense et les peuples autochtones, accueillir les membres transgenres de l’Équipe de la Défense, lutter contre la suprématie blanche et les autres formes d’extrémisme violent à caractère idéologique, favoriser le recours à l’indemnité parentale dans les Forces armées canadiennes.
Mais d’entrée de jeu, les auteurs écorchent l’institution – des rapports comme celui-ci qui vient d’être remis à la ministre de la Défense nationale, Anita Anand, et au chef d’état-major des FAC, Wayne Eyre, on en a vu plus d’un. Ainsi, nul besoin « d’attendre qu’une équipe externe comme ce Groupe lui dise quoi faire, et n’ont pas besoin de nouvelles recommandations pour lutter contre le racisme et la discrimination ».
« Au cours des 20 dernières années, les rapports de 41 enquêtes, sondages sur le climat et examens ont entraîné la production de 258 recommandations visant à aborder la diversité, l’inclusion, le respect et la conduite professionnelle au sein du [ministère] et des FAC » et « un grand nombre de ces recommandations étaient mal mises en œuvre, mises de côté ou abandonnées », reproche-t-on dans le document de 131 pages.
La ministre Anand a assuré qu’elle était à la hauteur. « C’est un défi institutionnel majeur, mais nous devons accomplir cette mission, elle est tout simplement cruciale pour nos employés, nos militaires, et donc, la sécurité de notre pays. Nous devons en faire plus, et ce rapport nous aidera à le faire », a-t-elle déclaré en conférence de presse lors d’un évènement virtuel qui se déroulait à Ottawa, lundi matin.
« Je sais ce que c’est d’être une femme racialisée au sein d’une grande institution, et de subir de la discrimination et du racisme systémique », a mentionné la ministre d’origine indienne, qui attend un autre rapport sur son bureau en mai – celui de l’ancienne juge de la Cour suprême du Canada Louise Arbour, qui a mené un examen sur la façon dont les FAC gèrent les plaintes d’inconduites sexuelles.
Suprémacisme blanc
Le panel composé de membres retraités des Forces armées a été mis sur pied après que des allégations de racisme et de possibles liens entre des militaires et des groupes d’extrême droite et de suprématistes blancs ont fait surface.
À ce sujet, le groupe consultatif a constaté que « l’adhésion à des groupes extrémistes est en croissance, elle devient de plus en plus clandestine, et les avancées technologiques telles que le réseau « Darknet », ainsi que les méthodes de cryptage posent des défis importants quant à la détection de ces membres ».
Or, le leadership militaire manque d’agilité afin de s’attaquer à ce « problème moral, social et opérationnel urgent », notamment car il y a une « absence d’une compréhension globale de la manière de reconnaître les symboles affiliés à l’extrémisme : tatouages, écussons et logos », et parce que les membres associés à ces groupes « trouvent des moyens de répondre de façon subreptice aux questions pendant leur entrevue de recrutement », indique-t-on dans le rapport.
Abus de pouvoir et violence sexuelle
L’abus de pouvoir est le « lien sous-jacent commun » aux cas de racisme et de discrimination, ont conclu les auteurs du document. Ils n’ont « eu aucune difficulté à [en] recenser », et ils n’ont pas non plus eu de peine à compiler des témoignages d’agressions sexuelles. « La violence sexuelle, y compris le viol, est une réalité au sein de l’Équipe de la Défense », écrivent-ils avant de décrire une inquiétante « tendance » au sein des FAC.
« Le Groupe consultatif a été troublé d’entendre parler d’une tendance : des femmes maltraitées par leur époux militaire ayant subi des blessures de stress post-traumatique se font dire que leur violence devrait être accueillie avec compassion parce que leur époux a servi son pays. On exerce une pression sur ces femmes pour qu’elles « fassent leur devoir de soutenir » un conjoint blessé. On les encourage à « se sacrifier pour le bien de l’équipe », relate-t-on.