Taxe sur le carbone : Un plan «fou», estime Harper

Dion se dit prêt à débattre à la télévision de son plan Tournant vert avec le premier ministre

PLC - le Plan vert



Castonguay, Alec - Ottawa - Le chef libéral Stéphane Dion a lancé hier en grande pompe un débat sur la fiscalité canadienne, qu'il veut rendre plus verte. Un virage majeur qui s'impose étant donné l'urgence des changements climatiques et la nécessité de rendre le pays moins dépendant du pétrole et du gaz, a-t-il soutenu.
Le chef libéral veut inciter les gens et les entreprises à changer leurs habitudes en déplaçant la charge fiscale, question d'utiliser simultanément la carotte et le bâton. Stéphane Dion fait ainsi un pari audacieux et tente d'attirer les autres partis politiques sur son terrain de prédilection: l'environnement.
«Confiant» et «optimiste», M. Dion s'est même dit prêt à débattre à la télévision de son plan Tournant vert avec le premier ministre. «Ce plan est raisonnable et je suis prêt à en débattre à la télé n'importe quand, a-t-il dit. [...] Les Canadiens apprécient les débats respectueux et j'espère que c'est ce qui se produira», a dit le chef libéral en conférence de presse.
De passage en Ontario hier, Stephen Harper a soutenu que le plan libéral est «fou» et qu'il ne faut pas croire M. Dion lorsqu'il affirme que sa politique serait fiscalement neutre. «La population n'est pas stupide», a-t-il dit.
La période de questions aux Communes a d'ailleurs été le théâtre d'une bataille de tranchées sur l'environnement hier. Le ton a monté à plusieurs reprises entre libéraux et conservateurs, ce qui laisse présager un affrontement épique sur le chemin électoral dans quelques mois.
Dans son discours prononcé hier matin devant une foule enthousiaste de députés, de sénateurs et de partisans, M. Dion est allé au devant des coups. «Nous, les libéraux, allons combattre la peur par l'espoir. Nous allons combattre les mensonges par les faits. Et nous allons combattre les attaques publicitaires à la mode républicaine par le courage à la canadienne», a-t-il lancé.
Selon lui, «la classe politico-médiatique sous-estime les Canadiens». «Ce n'est pas un plan complexe. On veut taxer moins ce qu'on veut plus, comme l'innovation et l'investissement, et taxer plus ce qu'on veut moins, comme la pollution et les gaz à effet de serre, a dit le chef libéral. Je sais que les Canadiens sont prêts à faire leur part pour être des citoyens du monde qui s'attaquent aux changements climatiques. Mais ils ont besoin d'aide et c'est ce qu'on va faire.»
Fiscalement neutre
Le plan Tournant vert s'étale sur 48 pages et trace avec précision la voie que le Parti libéral suivra s'il prend le pouvoir. La pièce maîtresse du plan libéral dévoilé hier est une taxe sur le carbone qui permettrait de récolter, après quatre ans d'une mise en place graduelle, 15,3 milliards de dollars par année. Environ le même montant (15,4 milliards) serait retourné aux particuliers et aux entreprises sous forme de baisses d'impôt, de prestations fiscales et de crédits remboursables. «Ce sera une loi, et la vérificatrice générale va s'assurer chaque année que c'est fiscalement neutre», a dit Stéphane Dion.
À terme, la taxe sur le carbone, qui s'appliquerait lors de la vente de gros aux entreprises, frapperait le diesel, le mazout léger et lourd, le kérosène, le gaz naturel, le propane, le charbon et les sables bitumineux. Chaque tonne de combustible serait taxée en fonction de ses émissions de gaz à effet de serre (GES) lorsqu'elle brûle. Les combustibles les plus polluants seraient donc davantage pénalisés. La taxe passerait de 10 $ à 40 $ la tonne de GES en quatre ans. Aucune nouvelle taxe ne serait appliquée à l'essence à la pompe et à l'hydroélectricité.
Les libéraux reconnaissent que les gens devraient payer plus cher dans certains domaines, notamment le chauffage d'une maison si celle-ci est alimentée au mazout ou au gaz. Par exemple, il en coûterait entre 200 $ (mazout) et 266 $ (gaz) de plus par année pour chauffer une maison moyenne, selon les calculs libéraux. Une bonbonne de propane pour le barbecue coûterait 1 $ de plus à remplir. Le prix de certains produits confectionnés avec du pétrole (plastique et caoutchouc) augmenterait aussi.
«Tout véritable plan de lutte contre les changements climatiques doit accroître les coûts de l'énergie, a avoué M. Dion. C'est pourquoi nous n'allons pas laisser les citoyens se débrouiller seuls. On va compenser les familles par des allégements fiscaux.»
Baisses d'impôt
Les entreprises profiteraient de baisses d'impôt et d'incitatifs totalisant 4,2 milliards, alors que les citoyens recevraient 11,2 milliards de dollars. Les grandes compagnies verraient notamment leur taux d'imposition général diminuer, tout comme les petites entreprises.
Pour les citoyens, les libéraux modifieraient à la baisse les taux d'imposition pour tous ceux qui gagnent moins de 123 000 $ par année. Les libéraux affirment qu'une famille de quatre personnes avec un revenu annuel de 60 000 $ paierait 1300 $ de moins en impôts grâce à leur plan. Un célibataire sans enfant avec un revenu de 50 000 $ recevrait 337 $.
Toutes les familles recevraient 350 $ par enfant en vertu d'une nouvelle prestation fiscale universelle. Pour ceux qui ne paient pas d'impôt, les libéraux ont prévu des mécanismes, notamment un crédit pour l'emploi. Les personnes vivant en région rurale recevraient également 150 $ par année en compensation.
Stéphane Dion fait d'ailleurs un lien entre son plan et la lutte contre la pauvreté. «Les Canadiens avec des revenus faibles ou moyens recevront plus en baisses d'impôt que le coût de la taxe», a-t-il soutenu.
Le plan vert des libéraux sera bonifié en campagne électorale, a promis M. Dion. Des incitatifs à l'achat de voitures moins énergivores verront le jour, tout comme une aide à la rénovation des maisons et la création d'un système d'échange de crédits d'émission de GES, souvent appelé Bourse du carbone.
Le chef libéral estime que sa taxe sur le carbone et l'ensemble des mesures qui seront dévoilées plus tard permettront de diminuer les GES de 20 % d'ici 2020 par rapport à 1990.
Des attaques
Stéphane Dion a dû s'expliquer hier sur sa volte-face, lui qui était contre une taxe sur le carbone pas plus tard que l'année dernière. «J'évolue dans ma pensée. Dans les derniers mois, beaucoup de spécialistes et d'économistes sont arrivés à la conclusion que c'est l'approche à adopter», a-t-il dit, notant au passage que le Québec et la Colombie-Britannique ont déjà imposé une taxe sur le carbone.
Les conservateurs affirment quant à eux que les entreprises vont inévitablement refiler la facture aux citoyens. «Quand les politiciens regardent votre portefeuille et disent que c'est pour votre bien, alors attention!», a soutenu le député et ministre conservateur Jason Kenney.
Pour sa part, le NPD estime que les libéraux font fausse route avec leur stratégie. Selon le député Thomas Mulcair, une taxe n'est pas aussi efficace qu'un marché d'échange de crédits de gaz à effet serre. «Ça va créer une bureaucratie monstre et ça ne donnera pas un sou pour des solutions vertes», tranche-t-il.
Du côté du Bloc québécois, on juge le plan «plutôt faible» parce que la Bourse du carbone arrivera plus tard alors que c'est le meilleur mécanisme, a dit Gilles Duceppe.
Plusieurs grands groupes environnementaux ont bien réagi hier à l'annonce libérale, notamment Greenpeace, l'Institut Pembina et la Fondation David Suzuki. «C'est un pas dans la bonne direction. Il faut absolument mettre un prix sur le carbone pour s'attaquer aux changements climatiques», a dit Dale Marshall, analyste à la Fondation David Suzuki.
Certains voudraient toutefois aller encore plus loin. «Nous croyons que le plan libéral pourrait être sensiblement renforcé», a dit Arthur Sandborn de Greenpeace.


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