Requiem pour le Tournant vert

PLC - le Plan vert



Lorsqu'il a lancé son Tournant vert au mois de juin, Stéphane Dion allait à l'encontre de tous les préceptes politiques en choisissant de faire reposer sa stratégie électorale sur une hausse de taxes.


Son initiative téméraire reposait sur un pari. Serait-il capable, grâce à sa rigueur et à ses convictions, de vendre sa taxe sur le carbone? Ce pari, M. Dion l'a déjà perdu. En trois mois, il a si peu été capable d'expliquer son projet que les Canadiens ne lui font pas plus confiance qu'à Stephen Harper sur les questions environnementales.
Que s'est-il passé? Des problèmes de forme: M. Dion est trop porté à l'abstraction pour simplifier les choses et rendre son complexe projet plus digeste. Et surtout, des problèmes de fond: le Tournant vert avait des lacunes, qui auraient dû être corrigées et qui ne l'ont pas été.
Au départ, la démarche de M. Dion repose sur un postulat valide et sensé. La réduction des émissions de gaz à effets de serre ne sera possible que si le Canada fait un geste fort pour forcer les consommateurs et les entreprises à modifier leurs comportements. M. Dion l'a fait avec une taxe sur le carbone, comme le proposent bien des spécialistes. L'approche ne fait pas consensus et d'autres spécialistes préconisent plutôt un système de plafond et d'échanges. Dans tous les cas de figure, le principe est le même: il s'agit de mettre un prix sur le carbone et d'accepter qu'il faudra payer. Ce n'est pas le principe qui est en cause, mais la façon dont on l'a mis en oeuvre.
La première erreur, c'est d'avoir proposé, pour que le projet soit fiscalement neutre, que les 15 milliards d'une taxe sur le carbone soient redistribués en baisses d'impôt et en politiques de lutte contre la pauvreté. Cette idée de faire d'une pierre deux coups a été un désastre. Parce qu'elle contribue à rendre le projet difficile à comprendre. Et parce que c'est une sorte de détournement qui fait oublier la finalité de l'initiative et nous éloigne de ce qui devrait être au coeur du débat.
La seconde erreur découle de la première. Parce que l'argent sert à baisser les impôts, le Tournant vert se prive des moyens pour développer une véritable politique environnementale. Il aurait été plus logique, plus efficace et plus cohérent d'affecter massivement ces sommes pour accélérer les changements qui permettront une réduction des émissions de GES: transports en commun, développement de nouvelles technologies vertes, soutien dans certains cas à la transformation d'industries, aide aux consommateurs pour modifier leurs équipements, faciliter le passage à des véhicules moins énergivores. La taxe sur le carbone punirait, mais elle proposerait aussi des options. Elle resterait fiscalement neutre, mais elle deviendrait un formidable levier et un accélérateur.
Le résultat, c'est un plan passif et statique. Il dit aux Canadiens qu'ils vont payer lorsqu'ils polluent. Mais il leur dit aussi qu'ils vont récupérer cet argent en baisses d'impôt. Pourquoi changer si ce qui nous a été ôté nous est redonné? Ce caractère statique mène d'ailleurs à une contradiction de taille. Si le plan fonctionne et que les Canadiens réduisent leur production de carbone de façon significative, les revenus de la taxe sur le carbone vont fondre. Comment réussira-t-on alors à financer les coûteuses baisses d'impôt promises par le Tournant vert?
À cela s'ajoute une lacune évidente. Le chef libéral a été incapable, jusqu'ici, de dire quel serait l'impact de son plan sur les émissions de GES. Le Tournant vert ne comporte pas de prévisions de résultats ni de cibles à atteindre. Le débat autour de Kyoto nous a pourtant montré que sans cibles précises, les politiques environnementales deviennent du bavardage.
Enfin, un autre problème, dont on a peu débattu, mais auquel le premier ministre Harper a fait allusion cette semaine, c'est qu'un tel plan modifie de façon importante l'équilibre entre le gouvernement fédéral et les provinces. Quinze milliards de plus dans les coffres fédéraux, et 15 milliards de plus en politiques fiscales, en lutte contre la pauvreté. Le résultat est peut-être fiscalement neutre, mais il ne l'est pas politiquement.
La politique est l'art du possible. L'important, ce n'est pas d'avoir raison, ou d'avoir le meilleur projet. L'important, c'est de pouvoir agir. Un plan vert n'est utile que s'il est mis en oeuvre et que s'il donne des résultats. Pour cela, il faut gagner des élections. Avec sa stratégie risquée, M. Dion ne s'est pas rapproché du pouvoir. Le résultat net, c'est qu'il a sans doute donné un coup de pouce aux conservateurs. Est-ce vraiment un progrès pour la cause environnementale?


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