Réplique à M. Robert P. Godin

Sur "l'égoïsme" des aspirations nationales

Le nombre supposément croissant de défis auxquels fait face l’humanité est précisément ce qui motive bon nombre de souverainistes à préférer le pays à la minorisation.

Tribune libre - 2007

Dans son édition de lundi le 2 avril 2007, Le Devoir publiait dans sa page Idées un texte intitulé [« L’Heure n’est plus aux aventures romantiques »->5766]. Son auteur, Robert P. Godin, incite de façon peu originale le Parti québécois à délaisser sa vocation souverainiste afin de devenir un parti de « centre-gauche dont la mission serait essentiellement la protection de notre environnement, de nos ressources, de la qualité de l’air, de l’eau, de la protection de nos forêts et de nos ressources naturelles ». Il aurait été difficile de mieux décrire la mission actuelle du PQ. C’est à se demander s’il n’est pas allé tirer cette phrase directement de la plateforme électorale péquiste!

Bien entendu, M. Godin insinue que ces deux options sont inconciliables pour quiconque se soucie de la dégradation de son « habitacle » (sic), lire la planète Terre, sans toutefois mentionner pourquoi. Faudrait-il comprendre que le débat national québécois a empêché le Canada d’enfin s’unir pour vaincre une fois pour toute les « génocides » et « maladies infectieuses » du monde? Lorsque l’on comptabilise les milliards accordés à l’achat d’équipement militaire ou que l’on constate le piètre bilan des mesures environnementales d’Ottawa, il apparaît plutôt que la souveraineté est en parfaite symbiose avec le mandat qu’il souhaite que le PQ adopte.

Le nombre supposément croissant de défis auxquels fait face l’humanité est précisément ce qui motive bon nombre de souverainistes à préférer le pays à la minorisation. Faut-il le répéter : l’accession à la souveraineté accorderait une tribune historiquement inégalée au point de vue unique du Québec qui pourrait enfin se faire entendre partout dans le monde (hormis peut-être le Conseil de la Fédération), en particulier au sein de toutes les instances auxquelles sa participation lui est présentement défendue à titre de province. Pour favoriser l’implication active des Québécois aux enjeux mondiaux, la souveraineté n’a tout simplement pas d’égal.

On trouve là un parfait contraste avec le statu quo provincial, auquel il faudrait se résigner au nom de toutes les souffrances de la planète, alors que celui-ci condamne les Québécois aux chicanes sempiternelles qui perdurent depuis plus de 40 ans déjà, comme il le souligne lui-même lorsqu’il rappelle les « vendeuses chez Morgan qui ne parlaient pas l’anglais ». Or s’il y a eu une désapprobation claire le 26 mars dernier, ce fut celle du statu quo.

Deux nationalismes, deux mesures

M. Godin estime quant à lui que les électeurs auraient « exprimé clairement » l’impertinence de l’option souverainiste; il omet évidemment de mentionner que les Québécois ont chassé 24 tenants du statu quo de l’Assemblée nationale. De plus, pas moins de 77 députés ouvertement nationalistes siègent désormais à Québec.

Or si « l’autonomisme » du Québec que préconise l’ADQ apparaît, aux yeux de plusieurs péquistes, utopique et irréalisable dans le contexte canadien, c’est en grande partie à cause de la manifestation répétée d’un nationalisme canadien-anglais qui s’oppose systématiquement à tout accommodement raisonnable consenti à sa minorité québécoise, tenant coûte que coûte à l’uniformité de ses politiques coast-to-coast et leur conformité aux velléités de la majorité qui est, bien entendu, la sienne.

En parfait accord avec les motifs sous-jacents de l’autonomisme, la souveraineté que propose le PQ implique d'abord et avant tout la responsabilisation des Québécois et l'élimination d'une bureaucratie gouvernementale inefficace. Par la maîtrise de toutes ses ressources fiscales, Québec aurait la souplesse de pouvoir intervenir efficacement selon le désir de sa majorité afin, entre autres, d’éteindre ce « feu [qui serait] pris dans notre maison », comme l’illustre M. Godin sans préciser de quel feu il s’agit. Si l’on suppose qu’il désigne la difficulté croissante du Québec à boucler ses budgets et de se trouver les moyens lui permettant d’assumer ses ambitions, permettez-moi de souligner que, trop souvent, les pyromanes œuvrent au nom d’Ottawa.

Il est tout particulièrement ironique d’entendre M. Godin évoquer « l’égoïsme » des aspirations nationalistes alors que l’essentiel du message fédéraliste des dernières années consiste à inciter la renonciation à nos valeurs collectives en fonction du fait qu’on en « reçoit plus qu’on en donne » et comment il fait bon vivre au « meilleur pays du monde ». De toute façon, enchérit-on avec mépris, nous n’aurions pas les moyens ou le savoir-faire de nos ambitions.

Ne tenant pas compte de la patience exemplaire (sinon excessive) des Québécois, M. Godin rappelle que les nationalismes sont à l’origine des pires atrocités dans le monde. Il a peut-être raison. Mais n’est-ce pas là une raison de se réjouir de ce que la démarche d’accession du Québec à la souveraineté que propose le Parti québécois est pacifique et démocratique, et son aboutissement ne constituerait-il pas en soi un exemple à diffuser dans tous ces coins du monde où les citoyens se sentent mal représentés?

Un projet ancré dans le réel

Finalement, à propos du présumé romantisme du projet de pays, le Québec a su tirer son épingle du jeu dans l’économie mondiale malgré les forces antagonistes qui l’ont déchiré depuis 1960. Ces progrès, que l’on doit en grande partie au Parti québécois, mais aussi à tous les nationalistes qui ont mis l’épaule à la roue plutôt que des bâtons, ont conféré au projet souverainiste une faisabilité indiscutable, si bien que certains de ses adversaires les plus obstinés se doivent de l’avouer à l’étranger, et que, paradoxalement, ses supporteurs de longue date perdent leur enthousiasme tellement ils trouvent lassant et pointilleux le débat qui désormais l’entoure!

Je crains, M. Godin, que vous dussiez bien admettre que le pays du Québec ne relève plus du romantisme depuis longtemps, mais bien de la volonté d’agir des Québécois.


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    4 avril 2007

    Québec, le prix de la trahison
    La dégradation de la convergence des Québécois vers la conquête de leur statut de souveraineté nationale dépasse largement les cercles des milieux politiques pour trouver des échos au sein d'une grande partie des élites et de la population. Par ce désintérêt collectif et mimétisme aliénant, le Québec supporte seul des sanctions profédéralistes québécoises (avec des chantages permanents de toute sorte de non coopération bilatérale et le blocage des arrangements fiscaux et commerciaux détenus en exclusivité par le monopole du pouvoir centraliste d'Ottawa), ainsi que des sanctions diplomatiques (contournement systématique dans les instances internationales et les alliances, à commencer par les organismes de tout genre dépendants de l'ONU) et économiques (déficit fiscal galopant, baisse des investissements et des flux financiers, délocalisations, désaffection, vulnérabilité des secteurs de productions primaire et secondaire, de l'alimentation, du tourisme...), s'acharnant --le Québec-- vainement à nier la réalité et continuant à retenir les amarres qui le tiennent captif d'un système fédéral contraire à ses intérêts nationaux.
    De cette réalité de pérennité servile envers un régime fédéral qui tient les Québécois dans une situation de dépendance quasi totale, ne peut sortir autre condition collective que celle qui a été marquée à "feu" à d'autres peuples affranchis, et que l'on peut résumer en ces mots : il n'y a pas de peuple qui soit plus mal enchaîné que celui qui a acheté ses propes chaînes. C'est pourquoi, pour le Québec il n'y a qu'un seul choix cardinal, celui du maintien inconditionnel des souverainistes pour arriver à conquérir l'indépendance nationale, laquelle ne pourra se réaliser qu'à travers le mouvement social, politique et économique indissociable de la doctrine inculquée par la dynamique de la "Révolution tranquille" à une grande partie de la société québécoise qui se retrouve aujourd'hui divisée principalement en raison des décisions politiques erronées.
    En raison de cette conjoncture de division politique vécue actuellement au Québec, et qui nous a fait reculer politiquement aux années soixante, l'effort devant être entrepris par les souverainistes pour combattre cette dissociation ne devrait pas résulter par une fuite en avant des forces indépendantistes en se divisant en groupes d'intérêts partisans prétendant conditionner le spectre politique au Québec. Car seule l'union harmonieuse des souverainistes canalisée par le PQ (l'unique force indépendantiste avec répresentacion parlamentaire au Québec, possédant en plus de solides assises politiques au niveau national) permettra que celui-ci puisse être résolument décidé à faire l'indépendance du Québec, laquelle peut dès lors se concrétiser.
    L'objectif demeure toujours le même. Ce qui doit s'adapter à la conjoncture, c'est la stratégie des souverainistes visant la réalisation de cet objectif national à conquérir, qui n'est nul autre que la souveraineté du Québec. Car le grand défi pour les souverainistes consiste à se doter de liens politiques qui soient des mécanismes stables, efficients et permanents d'entraide et de solidarité organisationnelle, dans la plus grande concentration politique possible. Dans une telle perspective, la poursuite de la souveraineté politique absolue appuyée sur les bases ethniques est un gage de réussite inéluctable. La survie du peuple québécois dans ce monde de dualisme sociéconomique, politique et de mondialisation des marchés ne peut reposer que sur un État souverain, d'où les accords bilatéraux avec des tiers pays deviennent des contraintres réciproques à des échanges culturels et commerciaux procurant dans la balance de paiements des équilibres monétaires ainsi que d'autres avantages politiques et économiques. C'est pourquoi, tel qu'il se comporte depuis 1867, le fédéralisme avec tous ses pouvoirs d'exclusions est un système politique et fiscal pervers allant à l'encontre de l'intérêt général des Québécois. Ce même système établit fondamentalement la prééminence du principe supérieur de la démocratie centralisée à Ottawa sur celui des partages d'équité entre les membres de cette fédération qui n'est au bout du compte qu'une instance arbitraire et génératrice de chantages permanents portés contre le Québec.
    Jean-Louis Pérez (membre du PQ)

  • Jean Pierre Bouchard Répondre

    4 avril 2007

    L'article sur l'égoïsme national est une fausseté. Si l'on ne sait d'où on vient où l'on va. Si une nation de plusieurs millions de personnes ne peut être maître de sa destinée capable de jouer un rôle international. La sauvegarde de la planète ne tient pas davantage..
    Un problème ou un phénomène réduit à une totalité devient totalitaire. Le féminisme exclusif serait totalitaire, le droit des minorités absolu serait totalitaire, le droit complet des majorités le serait aussi. La société transformée en bourse ne serait pas moins totalitaire. Un peu dans le même sens, la considération importante demain de la seule protection de l'environnement au détriment de la variété des enjeux ne serait ni réaliste ni démocratique.