Souveraineté: Marois va offrir un compromis

PQ - XVIe congrès avril 2011



«Dans le plan d'action du Parti québécois, tout ce que souhaite M. Parizeau est déjà là. Cependant, on est d'accord qu'il ne s'agit pas de faire de la stratégie ouverte sur la place publique», a dit hier Pauline Marois, chef du Parti québécois.
Photo: Olivier Pontbriand, collaboration spéciale


Denis Lessard La Presse (Québec) - Inquiète devant l'attaque de l'ancien premier ministre Jacques Parizeau selon laquelle le Parti québécois maintenait un «flou artistique» autour du projet de souveraineté, la chef péquiste, Pauline Marois, va ouvrir la porte à un compromis.
Dans une lettre ouverte publiée dans Le Devoir hier, M. Parizeau a dénoncé le fait que le projet de créer une commission de préparation à la réalisation de la souveraineté ne ferait pas l'objet d'un débat au prochain congrès du PQ en avril. Cette idée sera plutôt intégrée à un «plan d'action» en vue de l'indépendance, a appris La Presse. L'entourage de la chef péquiste veut ainsi endiguer les récriminations qui risquent de faire boule de neige jusqu'au congrès de la mi-avril.
L'idée d'inscrire la création d'une «commission de préparation à la réalisation de la souveraineté» au programme du PQ a été présentée par la femme de M. Parizeau et députée de Crémazie, Lisette Lapointe, en novembre dernier. D'abord adoptée par le comité exécutif de Crémazie, la proposition a été battue par les militants au congrès régional de Montréal puis jugée non recevable par le comité directeur du congrès.
Il y a quelques jours, dans le huis clos du caucus, Mme Lapointe avait, «sur un ton solennel, avec passablement d'émotion», indiqué sa profonde déception à l'égard du fait que ses propositions ne puissent pas même être débattues sur le parquet du congrès. Mme Marois avait alors, confiera un témoin, souligné qu'elle n'avait pas dit son dernier mot, qu'elle cherchait une formule pour satisfaire tout le monde. Il reste à savoir si Mme Lapointe se satisfera de ce compromis.
De passage à Montréal hier soir pour recevoir le prix Louis-Joseph-Papineau, Mme Marois s'est défendue de maintenir un «flou artistique» sur ses intentions et projets d'avenir quant à la souveraineté.
«Je crois que M. Parizeau doit être rassuré. Nous allons travailler à faire avancer notre projet de souveraineté. Nous l'avons toujours fait, a-t-elle déclaré. M. Parizeau n'a pas à s'inquiéter parce que mon rêve, c'est de faire du Québec un pays et je crois qu'ensemble on y arrivera.»
Dans sa lettre ouverte, M. Parizeau a insisté sur la nécessité de mener dès maintenant des études sur les questions qui apparaîtront au moment où le Québec deviendra souverain. Des questions comme: «Quelle sera la monnaie d'un Québec souverain? Comment compense-t-on la suppression de la péréquation? Y aura-t-il des forces armées québécoises? Quand le Québec récupérera tous ses impôts, quelle part sera réservée aux régions et aux municipalités?»
Selon Mme Marois, le PQ réfléchit toujours aux questions soulevées par M. Parizeau. «Dans le plan d'action du Parti québécois, tout ce que souhaite M. Parizeau est déjà là. Cependant, on est d'accord qu'il ne s'agit pas de faire de la stratégie ouverte sur la place publique. Mes députés sont déjà à l'ouvrage pour préparer la mise à jour de certaines études. Le parti et des bénévoles de mon parti qui sont des intellectuels y travailleront aussi.»
Mme Marois n'a pas confirmé que la proposition de créer une commission de préparation à la réalisation de la souveraineté serait intégrée à un plan d'action sur l'indépendance. Elle a toutefois défendu le fait que la proposition ne sera pas débattue au prochain congrès du PQ. «Il y a eu beaucoup de débats dans le parti sur cette proposition-là. Cette proposition a été débattue et rejetée dans quelques congrès régionaux. Elle n'a pas passé la rampe, alors moi, je ne dicte pas quoi faire à mes militants. Il ne s'agit pas de faire le débat ou pas. Les militants ont fait ce choix-là. S'ils souhaitent le refaire de nouveau, j'imagine qu'ils pourront le faire.»
Landry appuie les récriminations de Parizeau
Hier, l'ancien premier ministre Bernard Landry a appuyé sans détour le doyen souverainiste. «Parizeau est courageux, franc et lucide. Ce parti qui a été soutenu par des centaines de milliers de militants qui ont fait des sacrifices incroyables n'a pas été fondé pour gouverner la province de Québec», a-t-il déclaré à La Presse.
L'ancien chef souscrit au constat fait par M. Parizeau dans sa lettre publiée hier; pour passer «du rêve au projet» de sortir des stériles «paroles verbales», le PQ doit constituer une commission pour préparer le projet souverainiste, une constituante qui ferait périodiquement rapport au gouvernement sur l'avancement des travaux.
«Le PQ n'a pas été fondé pour satisfaire des ambitions personnelles, mais une ambition nationale qui est aussi d'actualité qu'au moment de la fondation du PQ. Parizeau est constant, il n'a pas changé d'idée, moi non plus» a-t-il soutenu. «Parizeau et moi avons donné notre vie pour ce parti dont l'objectif est l'indépendance, et cela doit être dans le programme», a souligné M. Landry.
«J'ai confiance dans nos militants, je les respecte... mais je pense que l'attitude de Parizeau est une attitude de courage et de lucidité», a-t-il soutenu.
Le député Bernard Drainville avait rappelé plus tôt que la proposition de la femme de M. Parizeau avait été battue lors d'un congrès régional à Montréal. Pour Bernard Landry, l'argument ne tient pas. «Parizeau n'est pas sur les procédures, et moi non plus», a-t-il tranché. En désaccord avec Jacques Parizeau, M. Drainville estime qu'en dépit du verdict de l'ancien premier ministre, la stratégie d'un gouvernement péquiste pour mener à un référendum est limpide. Et ce débat n'a pas été évité depuis un an dans les instances du parti, observe le député de Marie-Victorin.
M. Drainville reste toutefois ambigu sur l'utilisation des fonds publics pour la promotion de la souveraineté, comme le propose M. Parizeau. «On n'en est pas là... On verra», a-t-il dit.


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