Martine Desjardins - Présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec - À l’Université de Montréal, en avril 1961, une cinquantaine de recteurs, représentant des universités du Québec, d’Europe et du Maghreb, avaient décidé de fonder une association des établissements d’enseignement supérieur francophones afin de renforcer leurs échanges et sceller ainsi une coopération universitaire en français.
Cinquante ans plus tard, l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), qui travaille sous l’égide de l’Organisation internationale de la Francophonie, regroupe aujourd’hui près de 800 universités membres sur les cinq continents.
L’oeuvre accomplie quotidiennement au sein de l’AUF permet la coopération des universités du Nord et du Sud, elle contribue à réduire la fracture scientifique entre les États occidentaux et les régions moins nanties. Par ses actions, et en favorisant l’émergence de réseaux d’enseignants et de chercheurs, elle entend faire de la communauté scientifique francophone une référence sur la scène internationale.
Alors que l’anglais s’impose comme la langue hégémonique de la recherche - avec, pour conséquence, l’absence des principales revues savantes francophones dans les grandes banques de données scientifiques -, l’AUF et ses universités membres contribuent à défendre la place du français dans l’enseignement et la recherche, mais il faudrait faire plus pour encourager davantage la recherche francophone et assurer sa pérennité.
Favoriser la formation de la relève scientifique…
Outre la promotion d’une communauté scientifique francophone, l’AUF soutient la formation des jeunes chercheurs. À cette fin, elle distribue chaque année quelque 2000 bourses afin de permettre à des étudiants et des enseignants de se perfectionner à l’étranger et ainsi renforcer leurs champs d’expertise. Mais c’est encore trop peu. Plusieurs étudiants-chercheurs ne peuvent avoir accès à un financement adéquat.
… en assurant l’accessibilité aux études supérieures
Au Québec, près de 70 000 étudiants sont inscrits aux cycles supérieurs. Ceux-ci prennent une part active à la recherche : comme l’a démontré Vincent Larivière, professeur à l’École de bibliothéconomie et de sciences de l’information de l’Université de Montréal et chercheur associé à l’Observatoire des sciences et des technologies de l’UQAM, les doctorants participent à la rédaction de près de 50 % des articles scientifiques en physique, 43 % en recherche biomédicale, 40 % en chimie, 35 % en psychologie. Dès lors, concluait-il dans un texte d’opinion publié dans Le Devoir le 10 avril dernier, la baisse du nombre de doctorants va non seulement réduire « la capacité de recherche actuelle des universités, mais [va également] hypothéquer celle de demain en réduisant le nombre de nouveaux chercheurs formés ».
À la lumière de ces conclusions, il apparaît donc que la meilleure façon de soutenir le développement et la qualité de la recherche scientifique est bien d’assurer l’accessibilité aux études de cycles supérieurs.
Double menace
Dans une situation souvent précaire, avec un endettement moyen de 16 187 $ en maîtrise et de 23 660 $ au doctorat, et alors que les gouvernements de Québec et d’Ottawa ont annoncé leur volonté de couper dans les budgets des fonds subventionnaires, tout porte à croire que l’augmentation draconienne des droits de scolarité annoncée par le gouvernement Charest va peser lourdement sur la volonté des étudiants d’entamer ou de poursuivre des études supérieures.
Il suffit, pour s’en convaincre, de se remémorer les conséquences du dégel des droits de scolarité décrété au début des années 1990 par le premier ministre Bourassa, puisqu’au fil de la décennie, le nombre des étudiants inscrits au doctorat avait chuté de 13 %.
En somme, la hausse des droits de scolarité fait planer une double menace sur les universités : celle, d’une part, de décourager les étudiants à poursuivre des formations aux cycles supérieurs, privant en cela la société québécoise de ses meilleurs talents, et, d’autre part, celle de condamner, à moyen terme, la capacité de recherche et d’innovation des établissements universitaires québécois dans le contexte actuel de l’internationalisation des savoirs.
Les étudiants internationaux, une richesse
Les établissements universitaires québécois doivent tout mettre en oeuvre pour attirer ces étudiants internationaux qui contribuent, par leur culture, leurs connaissances, à l’enrichissement de nos universités et du Québec tout entier. Nombre d’entre eux sont inscrits aux cycles supérieurs, en maîtrise, au doctorat et au postdoctorat et viennent ainsi renforcer les équipes de recherche actives dans les universités. L’intégration de ces chercheurs, provenant de divers horizons et animés par d’autres approches et méthodes de pensée, constitue un atout pour nos établissements.
Si les liens avec la Francophonie sont porteurs de promesses, on est en droit de s’interroger sur l’avenir de la recherche scientifique au Québec et, au-delà du cas des étudiants étrangers, c’est bien l’ensemble des chercheurs qu’il convient de soutenir adéquatement. Dans ce domaine, la hausse des droits de scolarité annoncée par le gouvernement Charest risque d’avoir, à plus ou moins long terme, des effets désastreux sur les universités.
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Soutenir la recherche francophone
L’Agence universitaire de la francophonie est un réseau mondial d’enseignement supérieur dont le siège est à l’Université de Montréal.
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