Le français au Québec

Cohérence oblige

Forum mondial de la langue française du 2 au 6 juillet 2012 à Québec


Il est essentiel d’écouter ce que les jeunes ont à dire quand ils causent du français. Leurs propos mêlent belle assurance et troublantes contradictions. Mais on y trouve de l’optimisme pour le Québec… à condition d’opter pour les solutions adéquates. Hélas, ce n’est pas ce vers quoi les orientations libérales nous entraînent.
Il est facile de glisser, doucement, à pas feutrés, vers l’assimilation — enfin, avec « gros guillemets », comme le signale Gabrielle, 21 ans, dans notre dossier sur le français. Mais il suffit de voir comment l’anglais, la langue elle-même et sa culture — artistique, scientifique, sociale… —, s’immisce partout pour comprendre qu’un effacement linguistique est plausible.
Après tout, qui, il y a cent ans, aurait pu prévoir que des deux piliers du Canada français, la langue française et la religion catholique, celle-ci serait effacée de la vie quotidienne du siècle suivant ? C’était de l’ordre de l’impensable. Avec la langue, on peut l’imaginer.

Car comment résister à la force d’attraction de l’anglais, qui séduit la planète entière, et dans tous les milieux. Comment demander à de jeunes Québécois d’être plus vertueux que de jeunes Français, ou Allemands, ou Japonais? Oui, bien sûr, il y a l’histoire, la survivance, le Québec-île dans un continent. Mais jouer avec les mots, mélanger les langues, mordre dans ces sonorités, c’est un plaisir — qu’ici, en plus, on maîtrise mieux qu’ailleurs ! Au nom de quoi s’en priver ?

Il faut tenir compte de cette réalité quand on se penche sur une (nécessaire) continuité à la loi 101. Les solutions de demain ne peuvent se concevoir comme celles des années 1970. D’abord parce que les jeunes refusent la coercition. Mais ils voient le malaise qui s’installe entre les envies individuelles et le souci collectif, et ils ont soif de cohérence. Il y a donc là une assise sur laquelle travailler. Sauf que pour le moment, nous avons pris le pari de la contradiction.

Ainsi, il est démesuré au Québec de répondre à l’anglais omniprésent par l’apprentissage intensif et obligatoire de cette langue au primaire, que le gouvernement Charest implantera cet automne. Évidemment, les immigrants n’en seront que plus perplexes devant la schizophrénie de nos discours officiels et des mesures qui les contredisent ! Les enfants, eux, verront confirmer le message qu’Internet — par la musique, les vidéos, les jeux — leur véhicule déjà : il y a l’anglais pour l’espace public, et il y a les autres langues pour la sphère intime.

Car dans la réalité, il n’y a pas que le français qui soit menacé comme langue publique dans le monde. Ainsi, dans l’Europe aux 23 langues officielles, on se réunit officiellement, débat politiquement et fait affaires en anglais. On appelle cela une diversité culturelle qui se perd.

En tant que fondateur et signataire de la convention sur la diversité culturelle de l’UNESCO, Québec devrait se préoccuper au premier chef d’un tel état des lieux. Et répondre par la solidarité : l’obligation, au secondaire, d’apprendre les rudiments d’une troisième langue. C’est d’ailleurs ce multilinguisme que réclamait cette semaine dans nos pages le groupe de travail créé par Abdou Diouf, secrétaire général de la Francophonie. Mais au Québec, l’école secondaire n’offre même pas partout l’espagnol, langue d’Amérique de surcroît voisine de la nôtre.

Et il faut insister sur la qualité même de notre français. Le conflit étudiant nous a fait connaître des leaders éloquents, à la langue nette. C’est heureux. Mais cela ne doit pas occulter les approximations dont le vocabulaire de tous les jours, des jeunes comme des vieux, est émaillé et les erreurs qui se multiplient à l’écrit. Six mois de français intensif, appuyés de romans, de films, de chansons, seraient bien de mise dans nos écoles !…. On est loin d’une telle prise de conscience, mais il faut se réveiller.


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