Multiculturalisme à la française

Forum mondial de la langue française du 2 au 6 juillet 2012 à Québec


J’ai souvent eu l’occasion de l’écrire : une des expressions les plus visibles du multiculturalisme consiste à déchristianiser le calendrier, pour le reprogrammer selon les exigences de la «diversité» (on le voit chaque Noël, évidemment, dans la guerre menée contre le sapin, la crèche ou les chants de Noël). Et cela non pas pour des raisons religieuses, d’abord et avant tout. Mais pour «désoccidentaliser» les identités nationales et les convertir dans la logique de la diversité mondialisée. Ce n’est pas parce qu’il est religieux que l’héritage chrétien est rejeté, mais parce qu’il est «identitaire» et majoritaire.
On vient de le voir à nouveau en France. Selon Europe 1, l’Association nationale des directeurs des ressources humaines vient de proposer de libérer trois jours fériés associés au calendrier chrétien pour les transformer en jours fériés flottant, à la guise de chaque employé. Cela parce qu’il faudrait, nous dit-on, respecter la diversité, notamment celle des croyances. Si on se fie à cette association, les entreprises pourront se délivrer des congés fixés hérités de la tradition nationale et fixés par l’État et se fier seulement aux préférences de leurs employés. On devine ici la pression des communautarismes et autres lobbies identitaires qui fonctionnent dans les paramètres du multiculturalisme.
Ce que cela veut dire, c’est évidemment qu’encore une fois, on assiste à l’inversion du devoir d’intégration. S’intégrer à une société, cela ne veut plus dire en prendre le pli culturel, en intérioriser les coutumes, les habitudes, accepter l’empreinte que l’histoire a laissé sur ses institutions, son paysage mental et physique. Par exemple, on n’accepte plus que le christianisme a structuré l’imaginaire, la culture, les habitudes des sociétés occidentales. Ou si on l’accepte, c’est de manière résiduelle. On veut y voir une tradition religieuse parmi d’autres, sans pesanteur culturelle particulière, sans capacité de structurer encore aujourd’hui la vie sociale.
Désormais, on demande à la société de transformer ses institutions et la représentation qu’elle se fait de son histoire et de sa culture pour «accommoder raisonnablement la diversité». Car cette proposition s’inscrit dans le programme plus vaste du multiculturalisme, qui réclame la réécriture de l’histoire de la société d’accueil, l’introduction de mesures associées à la discrimination positive, la neutralisation des contenus identitaires associés à la citoyenneté nationale, et ainsi de suite. La vocation de la société d’accueil, ce n’est plus de s’imposer, mais de s’effacer. Être Français, c’est de moins en moins historique et culturel, et de plus en administratif et juridique. Dans cette perspective, la citoyenneté n’est plus qu’un tampon administratif associé à des droits sociaux et économiques sans obligations culturelles et politiques.
Une dernière note. Je l’ai dit, cette proposition vient de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines. Autrement dit, de la droite patronale, qui est plus souvent qu’autrement néolibérale. Encore une fois, elle fait alliance avec la gauche multiculturelle pour dénationaliser la citoyenneté, pour la vider de son substrat historique et culturel. La droite patronale le fait par individualisme et parce qu’elle croit que la société est un marché où doivent s’exprimer toutes les préférences individuelles. La gauche multiculturelle propose la même chose parce qu’elle veut libérer les minorités d’une majorité dominatrice qui ne respecterait pas la diversité. Dans les deux cas, c’est l’identité nationale qui est sacrifiée.


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