Soufflet (SLAPP) et camouflet entre citoyens?

Poursuites-bâillons (SLAPP)



Dans [l'édition du Devoir du 3 août, un lecteur qualifiait de SLAPP->8010] [en modifiant la définition de cet acronyme pour «strategic lawsuit against private projects»] la contestation du projet Rabaska par les 93 citoyens qui s'y opposaient, cette expression qualifiant d'habitude les mesures judiciaires utilisées pour museler les citoyens. Ce lecteur s'interrogeait sur les motifs de l'abandon de la poursuite par les 93 citoyens après la contre-attaque judiciaire de l'entreprise ainsi que sur les motifs initiaux qui motivaient leur opposition. Il laissait ainsi entendre sans plus de procès que ces citoyens étaient mal organisés et que la plupart d'entre eux ont dû changer d'avis au sujet du projet de port méthanier.
Premièrement, ce lecteur confond une mesure judiciaire qui vise à promouvoir le débat public et une autre qui vise à l'étouffer. Deuxièmement, dans cette voie, les questions posées par ce lecteur sont d'autant plus tendancieuses que les principaux intéressés ne peuvent plus y répondre, et ce, tant sur l'abandon de la contestation que sur leurs motifs initiaux. Les 93 citoyens, comme le public en général, sont muselés: même s'ils partagent toujours leur avis initial, d'un point de vue juridique, ils ne peuvent plus répéter leurs arguments en public. Et SLAPP! Voici une véritable strategic lawsuit against public participation [poursuite stratégique contre la mobilisation publique].
Il est donc facile de lancer des hypothèses, de reprocher aux citoyens de n'avoir pas pu amasser les ressources nécessaires pour rivaliser avec des multinationales et de laisser entendre qu'ils ne savent ni compter ni s'organiser. Il est facile de laisser entendre que les opposants auraient changé d'avis devant des arguments qu'on refuse de soupeser dans un débat public. Et ça fait bien le jeu des promoteurs de balayer sans argument aucun les préoccupations sécuritaires et environnementales de nos concitoyens, sans parler du fait de refuser toute mesure pour éviter au débat public ce type de bâillon. Si ce citoyen de Lévis voulait vraiment des réponses à ses questions sur les 93 citoyens, nous pensons que c'est en favorisant un élargissement du débat, et non un musellement des protagonistes, qu'il aurait pu les obtenir.
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Siegfried L. Mathelet, Montréal


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