Situation économique - Un attentisme pernicieux

«Les indignés» dans le monde

Le Québec, comme le Canada et les États-Unis, est en récession. Pour mieux affronter cette situation, le premier ministre Jean Charest a demandé aux Québécois, l'automne dernier, de lui confier seul le gouvernail. Il a obtenu la majorité qu'il demandait sans toutefois que cela ait vraiment changé les choses. Peu à peu s'installe l'impression d'un gouvernement absent. Danger.
L'attitude adoptée par le gouvernement Charest depuis sa réélection force les comparaisons. Le gouvernement Harper, qui vient lui aussi d'être réélu, est sur la brèche et a présenté, sous la pression de l'opposition, un budget de relance. Aux États-Unis, le président Obama est sur tous les fronts. Certes, Jean Charest n'est pas Barack Obama. Il n'a pas, même s'il n'en est pas dénué totalement, son charisme ni l'avantage de la nouveauté. Un parallèle est pourtant à faire puisque tous deux ont été élus au même moment avec, comme principale préoccupation, le redressement de la situation économique. Alors que l'un multiplie les actions, l'autre continue de gouverner comme si de rien n'était. Comme s'il n'y avait pas urgence à faire des gestes et à donner des orientations.
Les signaux qu'envoie le gouvernement Charest depuis sa réélection sont pour le moins confus. Pendant la campagne électorale, il évoquait sans cesse la tempête à venir, mais depuis, peu de chose. Il n'a pas adopté de plan d'action digne de ce nom et, si l'Assemblée nationale s'est réunie à la mi-janvier pour l'Énoncé économique de la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, celle-ci n'avait aucune mesure budgétaire à présenter. Le budget viendra plus tard, à la fin du mois de mars seulement.
Le mot d'ordre au sein du gouvernement libéral semble être: «attendons». Attendons de voir s'il y a vraiment crise. Le refrain des mois consiste à rappeler qu'un vaste plan de redressement des infrastructures déjà en oeuvre permettra d'amoindrir le choc. En 2009, ce sont 3,7 milliards de dollars qui seront investis et qui contribueront à maintenir ou à créer 47 000 emplois. Sauf que cela n'empêchera pas le chômage d'augmenter. En janvier, il est passé de 7,3 % à 7,7 %. La situation est moins pénible qu'en Ontario, ce qui n'est en rien une consolation, mais les pertes d'emploi s'accroîtront ce prochain mois dans le secteur manufacturier, notamment dans l'aéronautique.
Québec attend aussi de voir l'état réel des finances publiques. En plus d'absorber une baisse de revenus d'impôts tant des particuliers que des entreprises, le gouvernement Charest doit composer avec une réduction de 1 milliard de ses revenus de péréquation, supprimés péremptoirement par le gouvernement fédéral. La perspective d'un déficit est inévitable.
Cet attentisme est pernicieux. On le constate presque tous les jours dans le dossier de la Caisse de dépôt et placement. La situation de cette institution est connue depuis des mois. Tous savaient depuis l'automne que ses pertes financières pour l'année en cours allaient être d'au moins 30 milliards. On a finalement appris qu'elles allaient être de 38 milliards. Le gouvernement a fait le choix de l'opacité en se réfugiant derrière son obligation d'attendre le dépôt de son rapport annuel avant de commenter et d'entamer le processus de renouvellement de sa direction. Résultat, il a fallu le travail de journalistes pour connaître les conditions de départ de l'ancien président, Henri-Paul Rousseau. Des rumeurs de toutes sortes se sont fait jour, la dernière, infondée, ayant trait à un ménage que ferait le gouvernement à la haute direction de la Caisse dès avant la nomination d'un nouveau président. Que sera la prochaine?
Ministres et fonctionnaires du gouvernement ne sont pas inactifs. Ils diront avoir adopté telle et telle mesure, ce qui sera vrai. Manque par contre un message à la fois clair et ferme quant à la volonté du gouvernement de faire, mais aussi de ne pas laisser faire. L'absence d'un tel message autorise tout un chacun à se permettre parfois n'importe quoi. À réclamer des centaines de millions pour sauver un mauvais projet, comme celui d'Attractions hippiques. À donner des indemnités de départ mirobolantes, comme l'a fait l'université McGill pour une vice-rectrice démissionnaire après seulement 19 mois en poste. Ou comme l'a fait récemment le gouvernement lui-même avec un de ses sous-ministres.
S'il est bien vrai que nous faisons face à un sévère ralentissement économique, il est impérieux que la barre soit solidement tenue. Il faut que le capitaine soit sur le pont à donner le cap. Cela, nous ne le sentons pas présentement.


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