Si ce parti n'est pas capable de se renouveler...

La souveraineté ou rien

PI - Parti indépendantiste

Texte publié dans Le Devoir du 4 juillet 2007 sous le titre "La souveraineté ou rien"

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Au rythme où Pauline Marois, depuis sa mise-en-candidature au PQ, s'éloigne de quelque démarche indépendantiste concrète que ce soit, ce parti sera plus fédéraliste que Jean Charest d'ici quelques semaines.
Bien sûr, il faut laisser à la nouvelle cheffe le temps de définir sa stratégie. Mais, de jour en jour, de déclaration en déclaration, on ne voit déja plus très bien quelle marge de manoeuvre elle se garde pour avancer de façon pratique vers la souveraineté. En effet, au départ et avant d'être élue, Mme Marois parlait de recentrer le discours sur le '' pourquoi '' et non le '' comment '', et ce sans s'enfermer dans un calendrier référendaire précis. On remarquait bien, au fil des entrevues et sorties publiques de la candidate, un certain crescendo dans l'éloignement du référendum, mais sans plus. Déja, cependant, un vague parfum de pensée magique flottait : Le PQ allait dialoguer avec la population tout en gouvernant, jusqu'à ce qu'un référendum soit '' désiré '' par l'électorat. La belle affaire. Gérer l'état provincial, douloureusement cela va presque de soi, en tentant de susciter les... conditions gagnantes ! Parlez-en à Lucien Bouchard...
Malgré la béatitude apparemment générale au PQ, il y avait déja de quoi faire sourciller. Mais c'était avant que, tout juste élue par acclamation, Mme Marois aille beaucoup plus loin : Le PQ pourrait traverser non pas un, ou même deux, mais bien trois, oui oui, trois mandats sans faire de référendum, et n'engagerait aucun argent public dans la promotion de l'objectif indépendantiste. On a même entendu la nouvelle cheffe reprendre sans ménagement son discours sur les '' turbulences '' post-souveraineté, dans une entrevue radiophonique.
Je ne peux pas croire que ces récentes sorties n'engendrent pas une certaine consternation dans les rangs péquistes. Et pas seulement chez les célèbres '' purs-et-durs ''.
Quelle est la caution permettant à Mme Marois de prendre de telles libertés -- inimaginables pour quiconque avant elle depuis Parizeau -- quant à l'article Un du programme péquiste ? La défaite électorale de mars dernier. On se souvient des nombreux analystes qui se mirent alors à rivaliser d'images et d'épithètes spectaculaires pour nous dire à quel point l'heure était grave pour le PQ. Quelques péquistes et Mme Marois elle-même ont joint leur voix à ce concert mélodramatique, affligé me semble-t-il d'une enflure verbale un peu grotesque.
On voit bien dans ces moments-là que le PQ, c'est un peu nos Canadiens De Montréal de la politique. Véhicule d'un trop-plein d'aspirations nationales frustrées, accablé par une soif et une obligation de succès qu'il peine à livrer, organisation au passé glorieux qui ne se ressemble plus tout-à-fait. On voudrait la coupe Stanley à chaque année et c'est le drame parce que ça n'arrive pas. René Lévesque, Maurice Richard, même combat. (Boisclair, ce serait plutôt Brisebois, ou un de ces jeunes francophones que l'on villipende et fout à la porte parce qu'il n'est pas le meilleur de l'univers tout entier, avant qu'il n'ait pu faire ses preuves... )
Ainsi, après un référendum haut en émotions, huit ans de pouvoir, une défaite assortie d'une forte désaffection à l'égard de la social-démocratie péquiste, la montée spectaculaire de la droite et de l'ADQ, on aurait voulu que le PQ triomphe sans avoir vraiment renouvelé son image dans l'électorat, avec un nouveau et jeune chef plutôt mal aimé et méconnu, et ce dans un système où depuis un siècle, presque tous les gouvernements, y compris les pires, sont installés au pouvoir pour deux mandats !
Un analyste le moindrement compétent aurait-il pu croire à ce genre d'invraisemblance ? Non. Le PQ a pourtant fait à-peu-près le même score que les deux autres partis, avec une promesse ferme de référendum, et ce, même en cas de gouvernement minoritaire !
Alors, catastrophe, râclée ? Franchement, froidement, dans les circonstances, ce résultat me semble quasiment honorable.
Aussi, doit-on conclure que le calendrier référendaire a été pour le PQ un handicap au même titre que son programme social-démocrate -- et que les autres obstacles évoqués ci-haut -- ? C'est ce que s'empressent de faire Marois et cie sous le simple prétexte que les sondages disent que les Québécois ne veulent pas de référendum. Or, jamais il n'en fut autrement depuis des décennies. Il est absolument normal qu'un référendum sur un enjeu qui n'est pas consensuel, qui ne rallie pas une très forte majorité, suscite son lot considérable de réticences. Il en est ainsi surtout parce que chaque camp ne veut pas offrir à l'autre une chance de régler la question en sa faveur. Cet outil démocratique est un animal ainsi fait.
Et si, au contraire, cet engagement clair avait permis au PQ de garder, au moins, le vote des indépendantistes motivés, pendant que de nombreux nationalistes bifurquaient vers l'ADQ ? Ne s'agit-il pas, en tant que seul moyen largement accepté à ce jour d'accéder à l'indépendance, du plus bel atout garantissant un certain plancher d'appuis au PQ ? N'est-ce pas justement ce qui rend le PQ unique, ce qui le préserve potentiellement du sort réservé autrefois à l'Union Nationale ? On dirait que ces rengaines sur le référendum-qui-fait-peur-au-monde ont de l'emprise sur ce parti à cause de je-ne-sais-quelle culture de la peur d'avoir peur qui semble y régner depuis 1995.
Les gens du Parti Québécois comprendront-ils que c'est en étant fidèles à leurs convictions, pour peu qu'ils en aient encore, qu'ils avanceront le plus, et feront avancer davantage le Québec ? Ils ont dans l'histoire de leur parti un exemple spectaculaire de cette évidence : dans les années quatre-vingts, en plein creux de vague historique, alors que l'indépendance semblait absolument hors-circuit, Jacques Parizeau -- qui n'a jamais été un champion de popularité, soit dit en passant -- et le PQ entreprirent de marteler sans relâche le message indépendantiste, et prirent des engagements de plus en plus clairs à cet égard. S'ensuivit un crescendo jusqu'au référendum de 1995, dans une suite d'événements dont le PQ n'aurait évidemment pu être le seul maître d'oeuvre, mais au coeur desquels son orientation sans équivoque fut un facteur essentiel.
En ce moment, la situation du mouvement indépendantiste, malgré tout, est plus rose qu'en 1987 ou 88. Les Québécois ne voient pas très bien l'indépendance sur l'écran radar, mais ils n'en ont plus peur comme autrefois. Les mentalités ont changé; même Jean Charest, champion fédéraliste, admet calmement la faisabilité de la chose.
Si le PQ, en comparant la donne actuelle avec ce qu'il a déja vécu, ne trouve plus aujourd'hui de raisons d'être fier et déterminé, il ne mérite pas qu'on vote pour lui. Il est totalement contre-productif de se dire '' souverainiste '' et démontrer du même souffle que cette souveraineté n'est pas nécessaire en proposant de gouverner sans volonté concrète de la réaliser. Même au strict plan de l'intérêt électoral, le message que cela envoie est mauvais.
Si ce parti n'est pas capable de se renouveler sans jeter le pays avec l'eau du bain, qu'il disparaisse. D'autres, plus jeunes et fringants, prendront sa place.


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7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    4 juillet 2007

    "D’ici à ce que notre nouveau parti parvienne à convaincre les Québécois(e)s à l’élire et à entreprendre ce processus vers l’indépendance, il se consacrera à la promotion de l’indépendance." (Luc Bertrand)
    Ce n'est pas suffisant de faire la promotion de l'indépendance, pendant que nous ne sommes pas au pouvoir.
    Nous devons se bâtir une force de pression puissante pour faire plier tout gouvernement qui ira contre les intérêts du peuple.
    Sans celà, il ne nous restera plus de pays. Ils auront tout dilapidé. Ils en sont déjà dans le processus.
    Nous devons agir sur tous les fronts. Défendre nos institutions, nos entreprises, nos terres, nos ressources, nos droits, etc...
    Il nous faut une force mobilisatrice efficace et des moyens.
    Pour çà, il nous faut toucher à ce qui est le plus précieux pour le peuple et s'en faire les défenseurs.
    Donc, ce n'est pas tant la promotion du Québec futur, indépendant, qu'il faut vendre, mais le Québec réel et actuel que nous voulons défendre.
    Commençons par défendre ce qui appartient au peuple et lorsqu'on aura la confiance du peuple que nous servons bien cette tâche, alors nous gagnerons leur confiance de nous en élire les gardiens (indépendance).
    Le PQ a perdu cette confiance après 96.
    Non seulement il ne promeu plus l'indépendance mais il ne défend plus les intérêts du peuple.
    La campagne du 26 était claire sur ce point. L'ADQ a défendu les intérêts du peuple à chaque occasion. Pas le PQ.
    Et c'était incroyable de voir à quel point les indépendantistes étions otages du PQ car nous étions désarmés à défendre le peuple sans la machine péquiste. Nous ne pouvions que subir le silence et l'innaction du PQ.
    Nous donnions l'image de l'impuissance devant des attaques répétées envers le peuple que nous prétendons être cappable de libérer!
    Pas étonnant que même des péquistes-indépendantistes "durs" ont rejoint les rangs de l'ADQ.
    Commençons par construire une base solide.

  • Luc Bertrand Répondre

    3 juillet 2007

    À mon avis, les choses sont très claires: le Parti Québécois a fait une croix sur la souveraineté tout simplement parce que ses dirigeants ne sont préoccupés que par leur réélection à court terme.
    Si l'appui à la "question dure" n'a, somme toutes, pas progressé depuis 1973, même lorsque le PQ formait le gouvernement, et que le PQ en est réduit, aujourd'hui, à jongler avec les humeurs de l'électorat pour tenter de retrouver un tant soit peu de crédibilité, non pas pour réaliser l'indépendance, mais même simplement pour se faire élire comme gouvernement provincial, nous n'avons plus de temps, d'argent et d'énergie à perdre avec cette bande d'opportunistes.
    Je préfère que nous repartions à neuf autour du M-E-S avec comme seul programme de gouvernement le mandat de procéder au rapatriement intégral de tous les pouvoirs fédéraux à l'Assemblée nationale si une majorité de député(e)s clairement identifiés comme indépendantistes est élue lors d'une élection. Il devra être compris que ce mandat sera par le fait même une période de transition le temps que devienne effective la pleine détention des pouvoirs par l'Assemblée nationale, ce qui devrait être annoncé par la dissolution de la Chambre et la convocation de la première véritable élection NATIONALE québécoise. La campagne électorale qui se déroulerait permettrait aux différents partis de présenter leur vision de la société qu'ils entendraient proposer à la population québécoise, maintenant que le gouvernement disposerait enfin de tous les pouvoirs d'un véritable État. C'est à ce moment que les choix de décentralisation du pouvoir vers les régions, de sociale-démocratie, la politique d'occupation et de mise en valeur du territoire, la politique extérieure du Québec, le rôle des Forces armées québécoises, etc. pourront être débattus lors de cette élection et des élections subséquentes.
    D'ici là, tout véritable projet de société est prématuré, puisque sa réalisation repose sur la détention de tous les pouvoirs de l'État. Le gouvernement de transition que nous devrons proposer de former se devra de mettre en garde la population qu'il ne contrôle pas le calendrier du transfert des pouvoirs, donc celle-ci devra faire preuve de patience, mais également de vigilance, pour veiller à ce que les négociations progressent rondement. Le meilleur moyen sera assurément d'élire notre nouveau parti et / ou la coalition souverainiste avec la plus grande majorité possible et d'élire également le maximum de député(e)s bloquistes à Ottawa pour forcer le gouvernement fédéral à négocier de manière honnête et équitable avec le gouvernement québécois.
    D'ici à ce que notre nouveau parti parvienne à convaincre les Québécois(e)s à l'élire et à entreprendre ce processus vers l'indépendance, il se consacrera à la promotion de l'indépendance. Le rôle d'opposition des député(e)s de ce parti sera de faire valoir les actions concrètes qu'un gouvernement québécois vraiment national pourrait faire en lieu et place des options provincialistes proposées par le gouvernement et autres partis fédéralistes.
    En somme, nous n'avons que faire de la gestion de la province avec les moyens que la constitution de 1982 nous laisse. Ce sera à nous de faire preuve d'imagination et d'anticipation pour prévoir ce que nous pourrons offrir aux électeurs une fois le Québec souverain, pour peu que ceux-ci acceptent de faire les sacrifices nécessaires. Nous y arriverons lorsque nous aurons réuni une équipe compétente dans l'administration publique, un programme clair, réaliste et non complaisant et un discours déterminé, cohérent et incorruptible envers l'attrait immédiat du pouvoir provincial.

  • Lionel Lemay Répondre

    30 juin 2007

    Je ne comprends pas le refus des dirigeants du PQ à faire la promotion de la souveraineté qui est la raison d'être du parti.
    Il serait si facile d'expliquer au peuple que le Québec a perdu tous ses pouvoirs au profit du Canada anglais depuis 1982 et que la souveraineté est le seul moyen pour s'en sortir avec dignité.
    Si on expliquait aux gens les désavantages et inconvénients du système actuel qui nous maintient en état d'infériorité dans un Canada anglais et si on leur exposait le projet de pays pour un Québec indépendant, avec tous les avantages qui s'y rattachent, on pourrait certainement rassembler une majorité en faveur de la souveraineté.
    Au lieu d'un référendum, il pourrait y avoir une coalition des partis indépendantistes et le prochain scrutin pourrait être une élection référendaire. Le PQ pourrait proposer aux électeurs que si une majorité de plus de 50% votent pour les partis indépendantistes, ils pourront faire la souveraineté du Québec en toute légitimité.
    Il y a certainement des personnes influentes à l'intérieur du parti qui pensent comme nous. Ils ont eu amplement de temps pour écouter le peuple et il faut qu'ils passent à l'action maintenant, sinon je ne vois qu'une solution, fonder un autre parti formellement engagé à faire la souveraineté.

  • Archives de Vigile Répondre

    30 juin 2007

    Madane Lachance,
    Vous dites que le PQ a gardé les indépendantistes en otages. Rien de plus vrai. Mais qui aura le courage de passer à autre chose. Le PQ nous a tellement gardé en otages qu'il n'a jamais posé la véritable question dans les deux référendums.
    Pire encore, après la commission Bélanger-Campeau, ce parti, qui était dans l'Opposition, a demandé à Robert Bourassa de faire une référendum sur la souveraineté et rien d'autre.
    Si Bourassa l'avait fait, il aura gagné (eh oui!!!) avec un score de 65 %. Mais il a eu peur...comme tous les peureux du PQ.
    En 2003, je n'ai pas eu peur.
    Je me suis présenté comme indépendantiste dans le comté de Matane. J'ai essuyé les foudres de tout ce qu'il y a de péquisterie conformiste. J'avais empêché, selon eux, l'élection du candidat péquiste. Etc....
    Si les indépendantistes ne se regroupent pas ailleurs, je vous annonce que je referai dans ma circonscription ce que j'ai fait en 2003. Et je souhaite trouver au moins 99 autres braves qui imiteront mon geste. On en a assez d'être berné par une classe politique sans colonne vertébrale. Et qui cache constamment sa raison d'être.
    Nestor Turcotte
    Matane

  • Archives de Vigile Répondre

    30 juin 2007

    Monsieur Bousquet,
    LE PQ a déjà changé depuis belle lurette d'option. Les deux référendums ont porté sur le mandat pour négocier une nouvelle confédération. On n'a jamais voté sur l'indépendance du Québec.
    Reliez les deux questions des deux référendums. Le PQ n'a jamais été indépendantiste.
    Nestor Turcotte
    Matane

  • Archives de Vigile Répondre

    30 juin 2007

    Monsieur Payne,
    Il est quand même curieux de voir que Madame Marois se soit prononcée sur l'état de l'opinion publique sans lui avoir posé clairement la question. A-t-elle un don, une boule de cristal? De plus, son "verdict" arrive après des années de silence sur l'indépendance. Je ne comprends pas les péquistes de la laisser ainsi mettre l'indépendance de côté, sans que personne n'ait été consulté sur la question.
    De plus, Madame Marois se préoccupe davantage des adversaires de l'indépendance que de ses promoteurs. Il en va ainsi au sein du PQ: vous perdez votre qualité de citoyen, de membre de la population, dès que vous êtes indépendantiste. Car lorsque Madame Marois (et ses prédécesseurs) parlent de la "population qui ne veut pas de référendum", il est évident qu'elle n'a pas les indépendantistes en tête. Ainsi, elle ne se préoccupe que d'une seule catégorie de citoyens: ceux que l'indépendance effraie. Les autres n'ont pas d'importance à ses yeux.
    Voilà ce que c'est que de demeurer l'otage de ce parti.
    Suzanne Lachance

  • Archives de Vigile Répondre

    30 juin 2007

    Se renouveler comment ? En tirant plus à gauche ou à droite ? La souveraineté n'est ni à droite ni à gauche. La souveraineté est un choix constitutionnel point à la ligne.
    Actuellement, la souveraineté pure, dans le programme du PQ, sans association de 1980 ni partenariat de 1995, selon les sondages, est environ à 30 %.
    Est-ce que le PQ devrait changer la souveraineté pour une vraie confédération ? Ça, ce serait un renouvellement...de l'option.