RAPPORT SUR LES FINANCES PUBLIQUES

Sérieux coup de barre à l’horizon

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Comme on devait s'y attendre, la privatisation de sociétés d'État comme Hydro-Québec ou la SAQ est envisagée

Québec — Le gouvernement libéral échouera à ramener le Québec sur la voie de l’équilibre budgétaire en 2015-2016 à moins d’un sérieux coup de barre, avertissent Luc Godbout et Claude Montmarquette. Gel de la masse salariale des fonctionnaires, abandon de programmes « moins performants », pression accrue sur les sociétés d’État, resserrement des crédits d’impôt aux entreprises : l’heure du redressement a sonné.

Les auteurs du « Rapport d’experts sur l’état des finances publiques du Québec », dévoilé vendredi, appellent le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, à ne pas lésiner sur les efforts afin d’extirper le Québec de la spirale de l’endettement.

Plombé par un taux de croissance des dépenses de près de 5 % au cours des 10 dernières années, le Québec, dont l’économie tourne au ralenti, est aujourd’hui aux prises avec un déficit structurel. « Le mur est là », a insisté le président-directeur général du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), Claude Montmarquette, à l’occasion d’une conférence de presse vendredi durant laquelle le directeur du Département de fiscalité à l’Université de Sherbrooke, Luc Godbout, a fait un sombre portrait de l’état des finances publiques du Québec.

M. Montmarquette a, lui, exhorté les Québécois à appuyer une vaste opération de resserrement des dépenses publiques, à défaut de quoi le Québec « continue[ra] à s’enfoncer ». Le choix est simple : « On soutient le gouvernement ou on ne le soutient pas. »

« [L’inaction] pourrait mettre en péril tous les programmes, le futur de tes enfants et de tes petits-enfants », a-t-il mis en garde. La clé : « Tu ne vas pas dans la rue et tu acceptes simplement les modifications qui doivent être faites. »

Les deux experts sont d’avis que le retour à l’équilibre budgétaire en 2015-2016 sera « plus difficile qu’anticipé ».

Déficit démographique

En effet, le gouvernement péquiste prévoyait un déficit budgétaire de 1,75 milliard en 2014-2015, mais, vérification faite, celui-ci atteindrait plutôt 3,7 milliards en raison d’une baisse des revenus (500 millions) et d’une hausse des dépenses (3,2 milliards) anticipées. Malgré cela, « tout est possible [y compris l’équilibre budgétaire l’année suivante]. Mais qu’est-ce qu’on va sacrifier ? » s’est interrogé M. Montmarquette.

Les deux chercheurs — particulièrement préoccupés de l’impact du déficit démographique sur l’économie québécoise — ont proposé quelques pistes au nouveau gouvernement afin de tendre vers le déficit zéro. En plus d’un gel de la masse salariale des fonctionnaires, l’abandon des programmes « moins performants », la demande d’un « effort » accru aux sociétés d’État, ils l’invitent à s’appuyer davantage sur la tarification des services publics. Et pourquoi pas commencer par avaliser l’augmentation des frais de garde prévue dans le budget Marceau, ce à quoi le Parti libéral du Québec s’est obstinément refusé durant la dernière campagne électorale.

« Tous les frais doivent être réévalués », a dit M. Montmarquette, jugeant entre autres les droits de scolarité et les contributions des participants au régime d’assurance médicaments insuffisants. « On entend souvent : “ On en paie déjà assez. ” C’est faux. On reçoit plus de services que ce qu’on paye. Sinon, il n’y aurait pas de déficit », a-t-il dit, pressant aussi l’équipe économique libéral à s’adonner à une gestion pluriannuelle des dépenses et à réexaminer la fiscalité.

Advenant un échec du « contrôle des dépenses », le gouvernement devra même considérer de privatiser partiellement Hydro-Québec et la Société des alcools (SAQ) — en cédant par exemple 10 % du capital — pour alléger le fardeau de la dette. « Il ne reste pas beaucoup d’options. [Cependant] il faut que l’argent soit versé dans le Fonds des générations », a souligné M. Godbout.

L’équipe libérale devra démontrer une volonté politique ferme pour imposer un remède au cheval au Québécois, mais également que celui-ci jouisse de l’« acceptabilité sociale ». « L’acceptabilité sociale d’un programme de réformes est aussi fondamentale. Ça ne sert à rien de demander aux politiciens de faire ce que les gens refusent d’accepter — si on retrouve les gens dans la rue à protester sur tout et rien essentiellement », a soutenu M. Montmarquette, qui enseigne la science économique à l’Université de Montréal. Il enjoint le gouvernement de plancher sur une stratégie de communication. « [Elle] est extrêmement importante. »

Le spectre d’une décote

Le Québec doit agir, avant que les agences de notation ne lui forcent la main — et ajoutent au problème — en tirant vers le bas la cote de crédit du Québec. « Une éventuelle décote du Québec par les agences de notation aurait pour impact direct et immédiat d’accroître les frais d’intérêt de la dette », préviennent les deux experts en économie, finances et fiscalité dans leur rapport de quelque 40 pages remis au gouvernement libéral. « Il faut agir en amont », a répété M. Godbout.

En 2013-2014, le gouvernement aura mis de côté 10,8 milliards pour payer les intérêts sur la dette, c’est-à-dire plus que le budget du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (10,2 milliards).

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Les partis d’opposition réagissent

« Le gouvernement tente aujourd’hui de se sortir par tous les moyens du coin dans lequel il s’est peinturé. Comment vont-ils faire pour appliquer leurs promesses électorales ? »
Nicolas Marceau, du Parti québécois

« On doit viser l’équilibre budgétaire en 2015‑2016. Ça, c’est évident. Sur [la cible] de 2014‑2015, nul n’est tenu à l’impossible. »
Christian Dubé, de la Coalition avenir Québec

« Il est faux de prétendre que le Québec pourrait réaliser des compressions de 3,7 milliards lors de la prochaine année sans dégrader la qualité des services publics. »
Françoise David, de Québec solidaire

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Revenus en baisse, dépenses en hausse

Le déficit budgétaire anticipé pour l’année 2013-2014 ne s’établirait pas à 2,5 milliards comme l’anticipait le gouvernement péquiste, mais plutôt à 3,145 milliards. Le manque à gagner s’explique notamment par une réduction de 480 millions de dollars des recettes fiscales — en large partie les impôts des sociétés (en baisse de 373 millions) —, ainsi que des bénéfices de Loto-Québec (en baisse de 120 millions). Une révision à la hausse des revenus d’Hydro-Québec (en hausse de 300 millions) permet toutefois de limiter les dégâts.


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