MISE À JOUR
Les Québécois ne peuvent pas savoir précisément où sont allés les quelque 1,5 milliard $ que le gouvernement a investis dans des fonds au cours des dernières années. Ce manque de transparence choque des experts en gouvernance.
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En plus d’investir directement des milliards de dollars, chaque année, dans des centaines d’entreprises, le ministère de l’Économie, dirigé par Pierre Fitzgibbon, confie des sommes d’argent de plus en plus importantes à divers fonds.
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Le gouvernement rend public chaque investissement d’au moins 25 000$ effectué dans une entreprise. Par contre, il refuse net de dire où les fonds ont investi son argent.
«En ce qui a trait à la liste des entreprises dans lesquelles ces fonds ont investi et les montants en cause, il s’avère que ces informations ne peuvent vous être transmises pour des raisons de confidentialité», écrit Investissement Québec (IQ) au Journal en réponse à une demande d’accès à l’information.
«Il y a là un gros enjeu de gouvernance», déplore Saidatou Dicko, professeure de comptabilité à l’UQAM.
Saidatou Dicko, professeure à l’ESG UQAM PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’UQAM
«Il faut qu’il y ait une certaine traçabilité et une certaine transparence, parce que c’est de l’argent public», ajoute-t-elle.
Plus de 1000 entreprises
Tout ce que le gouvernement a voulu communiquer au Journal, c’est que la somme de 1 milliard $ investie depuis 2014 dans quelque 30 fonds a abouti dans plus de 1000 entreprises et que les frais annuels versés aux gestionnaires peuvent atteindre 2,5% du capital engagé, soit environ 25 millions $.
La plupart des fonds auxquels le gouvernement a confié de l’argent présentent, sur leur site web, des entreprises dans lesquelles ils ont investi – dans certains cas, il s’agit de firmes non québécoises. Impossible de savoir, toutefois, quelles transactions Québec a financées.
Certains fonds ont carrément refusé de fournir au Journal une liste des entreprises dans lesquelles ils ont investi. C’est notamment le cas d’Evol, et du Fonds de transfert des entreprises du Québec (FTEQ), pourtant géré par IQ.
«Afin de préserver la confidentialité des informations sur la situation financière des entreprises ayant bénéficié du FTEQ, une telle liste ne peut être partagée», indique un porte-parole du ministère de l’Économie, Jean-Pierre D’Auteuil.
Chez Evol, on évoque des «raisons de stratégie commerciale» pour refuser de fournir une liste des prêts consentis à des entreprises.
«Les contribuables ont le droit de savoir. Le gouvernement ne peut pas simplement utiliser un intermédiaire pour cacher la nature de ses investissements. L’information doit circuler. Pourquoi? Parce que c’est de l’argent qui appartient au peuple, pas aux politiciens», assène Richard Leblanc, professeur spécialisé en gouvernance à l’Université York de Toronto.
Richard Leblanc PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L'UNIVERSITÉ YORK
Un fonds... de fonds
Suivre les investissements du gouvernement est encore plus difficile dans le cas des quelque 320 millions $ confiés par Québec et IQ à Teralys Capital. Cette firme montréalaise n’investit pas directement dans des entreprises, mais dans d’autres fonds.
«Il me ferait plaisir de vous fournir cette liste [des entreprises ayant bénéficié de fonds publics], mais malheureusement, nous avons des ententes de confidentialité avec les différents gestionnaires en portefeuille», plaide Jacques Bernier, associé principal de Teralys.
Jacques Bernier PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE TERALYS CAPITAL
Selon M. Leblanc, les fonds et les entreprises qui reçoivent des fonds publics n’ont pas d’argument valable pour refuser d’être transparents.
«Si vous êtes une entreprise privée et que vous recevez ne serait-ce que 1$ en fonds publics, vous perdez le droit à une confidentialité totale. Si ce n’est pas ce que vous voulez, ne prenez pas d’argent du gouvernement», martèle-t-il.
Mme Dicko se demande pourquoi Québec n’est pas plus exigeant.
«Quel est le pouvoir décisionnel du gouvernement vis-à-vis de ces fonds-là? Autrement dit, est-ce que tu donnes de l’argent et tu fermes ta bouche ou est-ce que tu as le droit de poser des questions sur la gouvernance, sur le fonctionnement, sur la transparence?» dit-elle.
«Si vous voulez être PDG, vous ne devriez pas être en politique. Quand vous êtes politicien, vous devez être imputable. C’est quelque chose que ne comprennent pas toujours les gens issus du monde des affaires», conclut Richard Leblanc.
- Écoutez la rencontre Déry-Montpetit avec Patrick Déry, chroniqueur et analyste de politique publique au micro de Marie Montpetit via QUB radio :
PRINCIPAUX ENGAGEMENTS DANS DES FONDS (MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE ET INVESTISSEMENT QUÉBEC)
- Teralys 320M$
- Novacap 190M$
- Fonds croissance PME Banque Nationale 100M$
- Cycle Capital 100M$
- Fonds Eurêka 100M$