L'ouverture manifestée hier par le premier ministre Charest devant la réaction populaire aux nouvelles taxes en santé ne réglera pas le problème de fond. Même modifiée, la future franchise annoncée dans le budget Bachand reste un mauvais moyen pour financer le réseau.
En réponse aux questions des journalistes à la clôture du conseil général du PLQ, hier, le premier ministre Charest a ouvert la porte à l'introduction d'un facteur de progressivité dans le calcul de la future franchise santé qui devrait entrer en vigueur en 2013. Il n'a pas donné de détails, mais on devine qu'au lieu de compter 25 $ par visite médicale, par exemple, certains paieraient 10 $ et d'autres 35 $. Ce qui ne changerait rien à l'obligation de payer en fonction du nombre de visites chez le médecin.
Rappelons que, dès cette année, tous les adultes dont le revenu dépasse 14 040 $ devront s'acquitter d'une première taxe de 25 $ nommée «contribution santé», qui passera à 100 $, puis à 200 $ en 2012. Compensée partiellement par un «crédit de solidarité», cette taxe uniforme et régressive a pour but de «faire prendre conscience que les soins de santé ne sont pas gratuits». Quelqu'un en doutait-il? En fait, cette taxe ne vise qu'une chose: engranger le plus d'argent possible en taxant le plus grand nombre de personnes à la fois, sans toucher à la progressivité de l'impôt tant décriée par la droite.
L'autre taxe, celle qui a retenu l'attention du premier ministre hier, c'est la «franchise santé» prévue pour 2013 à laquelle le chef libéral fédéral, Michael Ignatieff, s'est aussi opposé mercredi dernier, une semaine après avoir pourtant jugé «les propositions de Québec conformes à la loi nationale sur la santé». Ce n'est pourtant pas parce qu'elle contreviendrait à la loi fédérale, ce qui n'est pas prouvé, qu'il faut s'opposer à cette taxe.
Empruntée au rapport du groupe de travail Castonguay, l'idée consiste à faire payer 25 $ par visite médicale jusqu'à concurrence de 1 % du revenu annuel. Un couple dont le revenu est de 60 000 $ devrait payer 275 $ pour 20 visites médicales à cause du plafond de 1 %, mais presque autant, soit 250 $, pour seulement 10 visites dans l'année.
Question: en introduisant un facteur de progressivité comme le suggère le premier ministre, ce couple paierait-il encore plus cher pour être soigné étant donné son revenu «élevé» de 60 000 $? 250 $ pour la franchise santé, 400 $ pour la contribution santé, sans compter les médicaments, les soins dentaires...
D'un pays à l'autre, les moyens de financer la santé varient en fonction de l'histoire politique et des rapports de force. En France, il existe bien une forme de ticket modérateur souvent donnée en exemple par ceux qui défendent cette formule pour le Québec. Mais ces gens oublient de préciser qu'en France, à peine 7 % des dépenses totales pour la santé sont assumées directement par les individus contre 15 % au Québec. Les faits contredisent ceux qui prétendent que les Québécois sont des enfants gâtés par la gratuité: ils assument 30 % des coûts totaux de la santé directement ou par une assurance privée comparativement à 15 % au Danemark, 17 % au Royaume-Uni et 21 % en France.
La franchise santé proposée dans le budget Bachand relève du concept fourre-tout d'utilisateur-payeur: tu es malade, tu paies! Comme si ces gens avaient le choix entre la maladie et un nouveau téléviseur!
Même en protégeant les plus pauvres, il est évident que ce sont les personnes âgées, les femmes enceintes et les malades chroniques qui paieront la quasi-totalité des 600 millions prévus. Dès lors que la maladie sévira, ceux et celles qui vivent déjà à la limite de la décence financière verront leur vie transformée à cause du prix des médicaments et de cette nouvelle franchise qui s'ajoutera à la contribution santé.
D'autres moyens existent qui permettraient d'éviter l'introduction de ces deux nouvelles taxes, mais Québec refuse de les envisager pour des raisons idéologiques. L'augmentation de l'impôt sur le revenu en est une, de même que l'introduction d'une contribution annuelle calculée en fonction du revenu, comme en Ontario. Mais la première mesure à prendre, avant d'augmenter les impôts, consiste à reporter le moment d'atteindre le déficit zéro. L'Ontario a fixé l'échéance à huit ans, pourquoi faut-il que le Québec y parvienne deux fois plus vite?
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j-rsansfacon@ledevoir.ca
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