Retour sur l'oppression à Toronto

La tolérance de la mosaïque canadienne est bien ciblée!

Chronique d'André Savard

Des locaux avaient été aménagés et on avait prévenu les policiers de Toronto de ne pas quitter des yeux les francophones. Après l’arrestation en masse, les francophones ont été sujets d’une détention prolongée. On prétexta une méconnaissance du français et on adressa des menaces bien senties aux Québécois pour les tenir derrière les barreaux.
Si des mesures semblables avaient eu lieu au Québec, le tollé aurait été énorme au Canada. On aurait eu droit à une flopée d’articles sur les pratiques ségrégatives au Québec. L’indignation aurait été telle qu’une commission d’enquête aurait été mise sur pied. Et les Québécois auraient été les premiers à battre leur coulpe.
Vous n’avez rien vu de tel au Canada après l’arrestation des manifestants québécois à l’occasion du Sommet économique. S’il y a ombre possible de procès d’intentions contre le Québec, la population canadienne s’y engouffre avec impatience. Le Canada n’a alors aucune crainte de commettre une injustice.
Si le préjudice est commis contre les Québécois, la logique interne du régime politique canadien ne voit pas la nécessité d’instruire un procès.
Le Canada est très habile dans sa condamnation répétitive du racisme. Il n’échappe qu’à celui qui ne veut pas voir que les indignations sont sélectives. Est-ce le multiculturalisme canadien qui a induit chez les représentants de l’ordre canadien un pareil amour de la différence?
Le multiculturalisme dit condamner le racisme. Il traite néanmoins les races comme des prototypes. Chacun peut manger son plat national, porter le burnous ou le sombrero. La culture est portée par la race et celle-ci a pour vocation de répéter ses signes culturels. Lesdits « signes culturels » se mettent au service de la valeur et du culte de la marchandise, d’où le fait que c’est tout le système capitaliste et non pas seulement le Canada, qui fait du rythme du monde un pur engrenage de production dite culturelle, le mot « culture » ayant subi une extension gigantesque.
Faire du métissage un projet canadien, une victoire de la modernité canadienne remportée in extremis sur les forces obscures du racisme est un pur mythe. Foucault se rapportait dans une interview à la revue Hérodote aux écrits de Mayr qui décrivait l’humanité comme un « pool de gènes
intercommunicants ». Le mythe canadien permet d’alimenter un complexe de supériorité sur la nation québécoise qui aurait moins le sens du partage et qui accorderait ses valeurs de conservation aux mauvais endroits.
Qu’un régime politique comme le système canadien s’attribue les conditions de la rencontre entre les races et se vantent de créer d’une génération à l’autre les conditions du rapprochement entre les « races » a de quoi laisser songeur. Entre-temps, on a à l’œil les francos car le raciste c’est l’autre.
Dans cette interview à la revue Hérodote, Michel Foucault disait :

« Par toute une série de recoupements avec la préhistoire et la paléontologie, on peut établir qu’il n’y a jamais eu de races dans l’espèce humaine, mais tout au plus un processus de raciation, lié à l’existence de certains groupes isolés. Ce processus, loin d’avoir abouti, s’est inversé à partir du néolithique, et, par l’effet des migrations, déplacements, échanges, brassages divers, il a été relayé par une déraciation constante. Il faut concevoir une humanité où ce ne sont pas des races qui se juxtaposent, mais des nuages de populations qui s’enchevêtrent et mêlent un patrimoine génétique qui a d’autant plus de valeur que son polymorphisme est plus accentué ».

Il est bien de parler de la rencontre de l’étranger comme un plus être, et de (vanter) son pouvoir régénérateur. Et il paraît moins intéressé de parler ainsi d’immigration que de dire que c’est pour freiner l’inversion du rapport entre actifs et inactifs.
Mais le multiculturalisme canadien se satisfait d’ilots folkloriques,. Cette valorisation des « signes culturels », anneaux hindous dans le nez et tatouage au henné, ressemblent à un syndrome commémoratif en pays orangiste.
On l’a vu à Toronto. La tolérance de la mosaïque canadienne est bien ciblée!
André Savard


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1 commentaire

  • Serge Gingras Répondre

    23 août 2010

    Faites ce que je dis. Pas ce que je fais. Dixit la majorité silencieuse du Canada anglais.
    Nous glissons, graduellement, vers le fascisme. Petit à petit, l'oiseau fait son nid, dit le proverbe. C'est exactement ce à quoi nous assistons ces dernières années, bien avant Harper. Souvenez-vous du Sommet des Amériques, le piège-à-cons par excellence. Corporate America nous attendait et nous fummes bien reçus : à coup de balles de caoutchou à la tête, grâcieuseté de la GRC, essentiellement.
    Le Canada est encore un beau et bon pays, me rappelait un Rouandais encore dernièrement, mais pour combien de temps? Là est la question. Qousque tandem? Jusques à quand? Nous sommes sur la pente savoneuse, et plus nous tardons à réagir, plus cela va aller en s'accélérant. Un jour, nous serons muselés et éventuellement enfermés pour délit d'opinions. Ça va être beau.