On voit très souvent les idées gravitant autour d’une stratégie d’accession à la souveraineté comme le terrain d’une rivalité. On se dit “encore de la chicane, encore des péquisteries”. Et on se dit qu’on formerait un groupe d’une rare puissance si on s’abstenait de fendre les cheveux en quatre.
Est-ce arbitraire que ce remue-méninges, un réflexe machinal de penseurs indépendantistes ou est-ce une série de conclusions qu’on ne peut ignorer? Par exemple, l’échéancier référendaire a déjà mis le gouvernement de René Lévesque dans l’eau chaude. Il savait que pour la population en général, l’heure des comptes n’était pas arrivée pour le système politique canadien. Les Québécois étaient disposés à croire que ce système serait capable de muter pour faire une place à la nation québécoise. Aujourd’hui, se fixer un échéancier, n’est-ce pas renouveler la même erreur sous prétexte que le contexte a évolué?
Doit-on compter sur une campagne référendaire bien huilée pour remporter une majorité? Ou doit-on penser qu’un référendum doit servir à consolider une majorité plutôt qu’à la produire? Nous nous souvenons des événements qui ont influé sur les résultats du premier référendum, les grandes soirées des Yvette et le grand ralliement de l’Amour pancanadien de 1995. Le moins que l’on puisse dire, c’est que des milliers d’électeurs peuvent baser les décisions politiques sur des impressions vivement senties plus que sur des raisons primordiales.
Et l’expérience nous montre que lorsque l’enjeu est grand, la campagne n’est ni contrôlée ni équilibrée.
On ne peut donc pas reprocher à Pauline Marois de ne pas vouloir montrer d’avance les étapes d’un cheminement, ce qui reviendrait à soumettre son plan aux carriéristes et aux guerriers professionnels qui foisonnent dans les couloirs gouvernementaux d’Ottawa. On ne peut pas cependant reprocher à des gens qui s’inquiètent pour le sort de l’Etat québécois de partager leurs réflexions publiquement.
Nous avons vu deux efforts pour élaborer un plan exposé au cours des dernières semaines. [D’abord Claude Morin->31331], inspiré par ce principe qui veut « prendre la population où elle est et non où on voudrait qu’elle soit » a proposé une Commission parlementaire qui vise à aiguiller les revendications du Québec. Claude Morin note aussi que le Québec a comme devoir collectif de se définir ainsi que ses valeurs et objectifs dans une constitution.
André Binette, le constitutionnaliste, propose un plan A, soit le cheminement référendaire de 1995. Et un plan B, lequel, nous rapporte [Pierre Dubuc dans l’Aut’Journal->32182], a pour but de « tenir compte de certaines réalités ». Le plan B d’André Binette prévoit une Assemblée constituante composée des députés québécois élus au niveau du gouvernement du Québec et du gouvernement fédéral. En même temps, au cours d’un délai imparti, l’Assemblée constituante s’affaire à préparer la Constitution d’un Québec souverain.
Le plan B d’André Binette serait d’une efficacité plus probable s’il se basait sur une union sacrée de tous les élus. Connaissant les mots d’ordre qui prévalent chez ceux qu’on a coutume d’appeler les « fédéralistes », il ne faut pas manquer d’optimisme pour l’envisager. Claude Morin préfère un effort dirigé par le biais d’abord d’une commission parlementaire par crainte des dérapages possibles. Un point qui me paraît inspiré par la clairvoyance.
Ceci a pour but d’éviter notamment ce que j’appelais dans une chronique les “politisations transversales”. Au lieu d’aboutir à une Constitution, on aurait un florilège de ce que tous les groupes de pression veulent voir sacraliser en tant que valeurs communes; des énoncés contre la malbouffe, le droit aux régimes sociaux pour les uns, le dégoût de payer des impôts pour les autres, plus mille autres sujets.
Par ailleurs, si on compare les plans d’André Binette et de Claude Morin, on voit que ce dernier n’incline nullement à fixer des dates et à restreindre l’action du gouvernement au sein d’un parcours balisé. En effet, trop de dates et on s’amusera à juste titre, au sein de la population du surencadrement, un butoir annuel avec objectifs trimestriels.
Peut-être qu’une commission parlementaire nous dispenserait de vouloir tout fixer d’avance. Les réponses ne brillent pas d’une telle évidence comme on le voit. C’est trop facile d’attribuer le remue-méninges à un penchant pour les vaines querelles.
André Savard
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1 commentaire
L'engagé Répondre
8 novembre 2010Un citoyen convaincu sera un citoyen engagé dans la construction du nouveau pays. Un citoyen convaincu par la raison et par le biais d'une longue conversation interpersonnelle ne changera pas son fusil d'épaule.
Avant le moment crucial, il convaincra ses voisins. L'accession à l'indépendance doit se faire par un travail de longue haleine, laquelle mobilisera la base. Mais ce moment crucial doit permettre de créer le rapport de force le plus fort possible. La bataille doit déjà être gagnée dans les coeurs.
Une masse critique assez alerte pourra commencer à rendre coups pour coups en se servant des campagnes des médias qui nous sont défavorables pour les contraindre au silence.
D'ici là par contre la politique du catimini montre simplement que l'on ne fait pas confiance en la base, pourtant, la victoire ne pourra arriver que par la base.