Recensement - Les obtus

Recensement 2011



À nouveau, un comité des Communes nous a fait voir le pénible spectacle de témoins soucieux de nuances et de précisions confrontés à des députés conservateurs goguenards, suspicieux, démagogues. Le recensement, objet du débat, était au fond accessoire au regard du triomphe de l'idéologie crasse.
Mais qu'est-ce qu'on fait ici?», a fini par s'exclamer le député néodémocrate Claude Gravelle hier après-midi. Depuis des heures, le Comité parlementaire de l'industrie, des sciences et de la technologie tenait ses audiences sur la transformation du caractère obligatoire du recensement en un geste volontaire. Et les explications des témoins démontraient bien que le drame national de l'été n'était que pure fabrication.
Non seulement dans toute l'histoire canadienne, jamais personne n'a été emprisonné pour avoir refusé de répondre au recensement, mais il n'en tient qu'au gouvernement de lever cette menace de peine de prison. Et s'il trouve le recensement trop inquisiteur, il n'a qu'à le dire et les questions litigieuses seront retirées: il a toute autorité pour agir.
Alors, pourquoi ne le fait-il pas? Le ministre Tony Clement, responsable du dossier, ne l'a pas dit, pas plus que les autres députés de son parti. Le seul argument martelé toute la journée porta sur la liberté du citoyen à protéger, traditionnel sésame de la droite pour se faire entendre des électeurs.
Pour mener à bien leur démonstration, les conservateurs membres du comité, le sarcastique Maxime Bernier en tête, n'ont pas hésité à tourner en bourrique les spécialistes invités. Leur technique était simple: prendre une question du recensement, y ajouter la menace d'emprisonnement («Croyez-vous que le fait de ne pas répondre à une question sur les réparations dont a besoin votre maison doit vous mériter la prison?»), et houspiller les témoins. Dès qu'ils disaient «non», le député les coupait, refusant d'entendre le «mais» qui allait s'ajouter. Les chercheurs, gens qui savent que la réalité n'est jamais en noir et blanc et qui tiennent à l'expliquer longuement, étaient évidemment les perdants de cette brutale joute.
Comme si on pouvait répondre avec rigueur à la bêtise! Ce qu'il faut dire, c'est que ce qui a cours présentement, ce n'est pas un débat scientifique sur la meilleure manière de recueillir des données sur la population. Il s'agit plutôt de tuer, sans vérification, sans préavis, une longue tradition de précision scientifique exemplaire et la réputation internationale de Statistique Canada. Une autre parcelle d'État à faire tomber qui laissera la place aux sondeurs privés.
Toute la journée d'hier suintait le mépris conservateur envers les savants et la fonction publique. On en a pris la pleine mesure lors du témoignage du chef démissionnaire de Statistique Canada, Munir Sheikh. Insistant longuement sur la neutralité de la fonction publique au Canada qui, d'accord ou non, met en oeuvre loyalement les décisions qui relèvent des politiciens, il a souligné avoir été un fidèle soldat jusqu'à la fin.
Quel contraste avec le ministre Clement qui, pour gagner la bataille de l'opinion publique, n'a pas hésité, la semaine dernière, à laisser entendre que le changement décidé par le gouvernement avait reçu l'aval de Statistique Canada. Plongé malgré lui dans la controverse, M. Sheikh a choisi de quitter son poste. Malgré tout, il refusait encore hier de se laisser entraîner dans des attaques contre le gouvernement ou le ministre.
Ce respect de l'État n'a plus de réciproque. Pire encore, le gouvernement s'en moque.


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