Fête nationale - Le poète

Y aura-t-il un million de Québécois, ce soir, pour entonner en choeur le "Gens du pays" de Gilles Vigneault,

Fête nationale - 24 juin 2010


Y aura-t-il un million de Québécois, ce soir, pour entonner en choeur le Gens du pays de Gilles Vigneault, comme l'ont demandé les organisateurs de la Fête nationale? C'est un beau souhait pour souligner les 35 ans d'une chanson qui a immédiatement trouvé sa place dans notre vie collective, et c'est un joli record, celui de la plus grande chorale, que l'on cherche ainsi à accomplir.
Mais acceptons que ce soit aussi là un hommage à rendre à un poète hors du commun, trop souvent tenu pour acquis alors qu'il est le joyau de notre culture.
Il n'est pas sûr que le Québec comprenne bien la chance qu'il a de compter un Gilles Vigneault dans ses rangs. Depuis le temps qu'on le chante, qu'on l'étudie, qu'on l'entend, qu'on le trouve sympathique, allumé, politique, émerveillé, on ne s'étonne plus de son génie. Il est l'homme de toutes les époques et de toutes les survivances mais jamais l'homme à la mode. Les records de vente ne lui appartiennent pas, les prix de l'artiste de l'année non plus, et ses chansons sont trop immortelles pour qu'on les fasse tourner à la radio.
Gilles Vigneault est un monument, mais c'est le poète qu'on oublie.
C'est Fred Pellerin, faut-il s'en étonner, qui a le mieux dit l'immense bonheur d'avoir un Gilles Vigneault parmi nous. Sur son disque Silence, il reprend Quand vous mourrez de nos amours. En entrevue comme dans le livret qui accompagne le disque, il a expliqué que c'était d'abord en cadeau-hommage à Vigneault, pour ses 80 ans, qu'il avait choisi cette chanson. Et c'est par ce choix qu'il en a constaté l'ampleur: «Quand la seule chose qu'on peut offrir à quelqu'un, c'est ce qu'il nous a prêté.»
Il en a prêté des chansons, Vigneault!, et elles sont totalement devenues nôtres. Le hasard de la parution ce printemps de son disque de duos Retrouvailles (enfin un succès de vente!) permet de le mesurer. Qui, depuis, osera dire que Gros Pierre n'est pas une chanson de Ferland, que Madame Adrienne n'est pas de la main de Lynda Lemay, que Tout le monde est malheureux n'appartient pas à Loco Locass... Et l'homme des cadeaux magnifiques est là derrière ses invités, debout, discret, modeste, en appui, comme il l'est au Québec depuis 50 ans.
Il est grand le poète qui laisse aller ainsi ses plus belles compositions, au profit des artistes qui s'en emparent et des collectivités qui les adoptent. Elle est grande la poésie qui fait oublier le poète pour mieux renaître au fil des interprétations. Qui se souvient encore que la magnifique Mon pays fut d'abord écrite et chantée par un Vigneault comédien pour un film d'Arthur Lamothe, La Neige a fondu sur la Manicouagan. Elle épousait parfaitement le film, cette chanson. Elle s'en est pourtant détachée pour vivre sa vie propre d'hymne à nul autre pareil.
Redisons donc que ce Gens du pays qui est à nous, juste à nous, et que nous chanterons ce soir, est vraiment un cadeau précieux. Et que le poète qui nous l'offre et nous la laisse mérite d'être salué bien bas.
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