Commission Bastarache - Accessoire

Aux yeux de l’opinion publique, l’affaire est déjà entendue.

Commission Bastarache


Peu importe la rigueur avec laquelle l'ex-juge à la Cour suprême Michel Bastarache mènera les travaux de sa commission, il passera à côté de la vraie bataille en cours: la crédibilité de l'ancien ministre de la Justice Marc Bellemare contre celle de l'actuel premier ministre Jean Charest. Aux yeux de l'opinion publique, l'affaire est déjà entendue.
Michel Bastarache a voulu, lundi, établir clairement les paramètres de la Commission d'enquête sur le processus de nomination des juges qu'il préside, précisant toutefois qu'il n'avait pas le pouvoir d'élargir son mandat.
Cela ne l'a pas empêché, deux phrases plus loin, d'annoncer que son examen des nominations reculera jusqu'au 1er janvier 2000, soit avant l'élection du gouvernement libéral. La précision, inattendue, vise bien plus large que son mandat de départ, qui est «d'enquêter sur les allégations formulées par Me Marc Bellemare», elles-mêmes centrées sur «l'influence qu'auraient exercée de tierces personnes» dans la nomination de juges.
M. Bastarache voit dans ce recul dans le temps une occasion de comparaison; Bernard Landry craint plutôt que les souverainistes se retrouvent happés au passage par une enquête qui ne les concerne pas. Ces craintes sont légitimes, mais il faut bien voir qu'au Québec, personne n'est dupe: la commission Bastarache n'est qu'une arme dans la guerre que se livrent Marc Bellemare et Jean Charest.
Le premier a pour arsenal des déclarations publiques incendiaires, le second fait feu de tous les recours: l'homme Jean Charest y va d'une poursuite en diffamation et le premier ministre en lui crée carrément une commission d'enquête pour terrasser l'adversaire. Riposte de M. Bellemare: il aura lui aussi recours aux tribunaux, pour ne pas aller à la commission Bastarache!
Dans ce combat de coqs, tout le Québec a compris que le fond de la question, soit la nomination des juges, est accessoire. «Ce débat-là est politique avant d'être judiciaire», a parfaitement résumé hier le député de Québec solidaire, Amir Khadir.
Ce qui ne veut pas dire que la commission Bastarache n'aura aucun effet. Le processus de nomination des juges est un thème de discussion récurrent, particulièrement au fédéral où il est soumis à un arbitraire politique qui se défend de plus en plus mal.
Du côté québécois, la sélection des candidatures repose sur un processus sérieux d'entrevues menées par un panel, mais rien n'interdit de le perfectionner, en faisant par exemple passer des tests de rédaction ou d'aptitudes à siéger — ce qui dépasse le cumul de connaissances en droit. Peut-être M. Bastarache aura-t-il des propositions à faire à cet égard.
Mais cette sélection faite, comme le choix final d'un juge reste celui de l'exécutif et que personne n'a proposé de chambouler complètement ce système, ce n'est pas de la courte et très ciblée commission Bastarache que viendra la révolution judiciaire.
Quant à l'allégation d'influence des tiers, elle se bute déjà aux dénégations de M. Charest — que les électeurs entendent avec scepticisme — et à la ferme résolution de M. Bellemare de ne pas comparaître, faisant notamment valoir que l'ex-juge Bastarache n'est pas impartial, ce qui reste à démontrer puisque lui aussi joue sa crédibilité.
Plus fondamentalement, M. Bellemare souligne aussi que la commission s'attarde à un faux problème: ce n'est pas le processus global de nomination qu'il attaquait, mais un système d'influence lié au financement des partis politiques, dans ce cas-ci du Parti libéral. Là-dessus, il a raison: tout le Québec est encore en attente de la commission qui, enfin, se penchera sur cette question.


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