Dénigré. Le recensement, version courte et volontaire choisie par le gouvernement de Stephen Harper dans la controverse la plus totale, sera dénigré par certains des groupes de référence en matière de statistique.
Dans un entretien accordé à notre collègue Hélène Buzzetti cette semaine, le responsable de la base de données IPUMS-International (Integrated Public Use Microdata Series International) a clairement indiqué que le recensement canadien 2011, dans sa version édulcorée, serait sans nul doute laissé de côté. Robert McCaa, responsable de l'IPUMS-International, citée comme une base de référence par des chercheurs habitués à manier les stats, a indiqué que les données tirées d'un échantillon volontaire ne «satisfaisaient pas aux critères de qualité». Pour manque de fiabilité, exit le Canada!
Au coeur de la tempête, Ottawa a fait fi des craintes exprimées notamment par les chercheurs, lesquels prédisaient justement la désuétude prochaine des données canadiennes, dépourvues de toute valeur. On voit maintenant que ces pressentiments s'appuyaient sur la conviction que sans représentativité statistique, les recensements n'équivalent à rien. Les données fantoches ne seront d'aucun usage pour les organismes sérieux.
Le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, a lui aussi prévenu cette semaine, lors d'un passage au Globe and Mail, que son institution n'allait sans doute plus se fier aux données de Statistique Canada pour nourrir ses analyses économiques. Cela provoque chez eux une réelle inquiétude.
Rien de tout cela ne devrait résonner comme une surprise. Ce sont les experts eux-mêmes qui ont prédit l'impact catastrophique que pourrait avoir l'implantation d'un semblant de recensement pour l'analyse et la compréhension de la société canadienne. Les acteurs sociaux, avides de données crédibles pour pointer les défis d'une collectivité, n'ont que faire d'un tableau impressionniste.
Ce mépris affiché par les conservateurs pour un portrait crédible et fiable de la population — sa population — constitue une attaque à la démocratie. Vidées de leur sens, ces similidonnées serviront à gouverner à l'aveugle ou cautionneront au gré des politiques publiques l'idéologie de ceux qui auront encouragé le concept de demi-portrait de société. Ne connaissant pas les faits réels, le gouvernement aura beau jeu de faire ce que bon lui semble — apparemment, c'est ce qu'il fait déjà!
Les échos venus de la IPUMS-International ou encore de la Banque du Canada ne font pas que confirmer les craintes appréhendées. Ils annoncent une ère d'obscurantisme qui n'est pas à l'image du Canada. Le gouvernement de Stephen Harper ne peut pas envelopper la société d'un voile d'ignorance. Il peut encore changer d'idée.
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machouinard@ledevoir.com
Recensement
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