Immigration - Ô ironie

On est impatient d'entendre la réplique des cracheurs de feu québécophobes...



Il fut une époque, pas si lointaine, où des hordes de journalistes venus du Canada anglais se pressaient aux portes d'Hérouxville, bourgade de la Mauricie incarnant, avec son code de vie antilapidation des femmes, l'«intolérance» légendaire des Québécois en matière d'immigration.
En marge de la commission Bouchard-Taylor, où l'on se gratouilla allègrement le bobo identitaire, certaines critiques émanant du «Rest of Canada» n'ont pas été tendres, rappelons-le. On ne tarda pas à y dépeindre le Québec comme une nation xénophobe, sujette à des élans de racisme. Aux côtés de cette province repliée sur soi, que les prés verdoyants du multiculturalisme à la canadienne fleuraient bon l'ouverture d'esprit!
Un sondage en ligne effectué par Angus Reid la semaine dernière remet les pendules à l'heure. Ô ironie, il présente les Québécois comme les citoyens du pays les plus ouverts à l'immigration. Si près d'un Canadien sur deux (46 %) estime que l'immigration a un effet négatif au Canada, c'est au Québec et en Colombie-Britannique que ces citoyens rébarbatifs à l'entrée d'immigrants sont les moins nombreux (35 %).
Qu'on parle de déboulonner quelques mythes! Interrogé sur le manque d'ouverture apparent de son peuple, le ministre fédéral de la Citoyenneté et de l'Immigration, Jason Kenney, n'a pas paru ébranlé par cette légère contradiction entre les beaux discours et la réalité. «Les Canadiens appuient un système d'immigration fort, généreux et légal.»
Légal. Ce tout dernier attribut, à l'image de ce gouvernement obnubilé par les questions de sécurité, n'est pas sans importance: il renvoie tout directement au débarquement, cet été en Colombie-Britannique, de quelque 490 migrants tamouls dont on vérifie toujours la légitimité de leur revendication du statut de réfugié. Incroyable, mais vrai: interrogés sur le sort de ces réfugiés, advenant que leur plaidoyer soit légitime et qu'«aucun lien ne [puisse] être établi entre les migrants et une organisation terroriste», la moitié des Canadiens ont tout de même confié un penchant pour la déportation — à cet égard, le Québec est tout à fait dans la moyenne.
Le portrait global offre une image d'un Canada de moins en moins tolérant, peu importe la province. Cela ne détonne en rien avec les échos venus de la France — l'affaire des Roms — ou encore avec cette incroyable provocation à l'endroit de la communauté musulmane, venue d'un pasteur américain hurluberlu, qui a tout de même forcé le président Barack Obama à formuler hier un appel à l'indulgence. Un peu partout, la toile de fond est la même, inquiétante: la crainte de l'inconnu, alimentée par une surenchère sécuritaire gouvernementale, nourrit l'intolérance.
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machouinard@ledevoir.com


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