Questions nationales au FFM - Triptyque d'un rêve d'indépendance

Québec, Écosse, Catalogne: même combat

Livres 2009 - Arts - cinéma - TV - Internet

Ce soir, à 19h, dans le cadre du Festival des films du monde, plusieurs politiciens ou ex-politiciens, souverainistes pour la plupart, de Bernard Landry à Pierre Curzi, en passant par Gilles Duceppe, assisteront à la première d'un documentaire très attendu. Questions nationales, de Roger Boire et Jean-Pierre Roy, met en parallèle le Québec, la Catalogne et l'Écosse, dans leurs aspirations croisées à l'indépendance. L'ancien premier ministre Bernard Landry y prend la parole. Le Devoir l'a interviewé.
À la base du film, un constat: en un demi-siècle, 111 pays, dont plusieurs issus de l'ex-bloc soviétique, ont fait leur indépendance. Alors, pourquoi pas nous? Les cinéastes, dans un film qu'ils ont voulu non partisan, ont tendu le micro à des personnalités politiques, mais aussi à des politologues, remontant l'histoire, jouant avec les pièces d'un puzzle de mille morceaux.
L'originalité du projet, c'est qu'il sort de nos propres ornières pour s'interroger en parallèle sur le sort de l'Écosse et de la Catalogne, dont les velléités d'indépendance n'ont pas non plus débouché sur une sécession. Chacun y va d'explications, au Québec comme ailleurs. Pour le politologue
Louis Balthazar, la prospérité du Québec lui octroya à la fois le pouvoir de rêver et la peur de franchir le seuil. «Avons-nous les moyens de nous offrir le luxe de la séparation?», se demandent sur les trois territoires les voix opposées au projet. En Catalogne, la langue est au centre des débats, comme au Québec. En Écosse, il est plutôt question d'identité globale, d'héritage culturel différent de celui de l'Angleterre. Raison et passion s'affrontent un peu partout. Au Québec, rappelle le chroniqueur politique du Devoir Michel David, les dirigeants du PQ ont tenu sur leurs épaules la gestion d'un rêve. Un poids énorme.
«Pas encore un film sur la souveraineté?» Pour les cinéastes, ce projet fut la croix et la bannière. Ils se sont fait rabrouer tout au long du processus. Impossible de trouver un diffuseur. Les portes se fermaient aussitôt. «"Plus personne n'a envie de parler de ça"», nous disait-on. C'est quasiment devenu tabou, la souveraineté aujourd'hui», constate Jean-Pierre Roy. Une petite somme du désormais défunt Fonds canadien de la vidéo indépendante (44 000 $) leur a donné un coup de pouce. Le projet, né au cours des années 70, tomba à l'eau plusieurs fois. Il doit en partie la vie aux nouvelles technologies: une caméra HD, une équipe parfois souvent réduite à deux, surtout en Europe, la volonté...
Pour Bernard Landry, l'indépendance du Québec devrait avoir eu lieu, mais...
«La logique, il n'y en a pas. Aucun des pays devenus indépendants ne possédait notre pouvoir économique, nos ressources naturelles, notre économie diversifiée», déclare l'ancien premier ministre, qui jongle avec ce profond mystère.
Il tente des pistes d'explication, évoque son grand-père pour qui «le Canada, c'était nous» et qui se serait senti amputé par la séparation. Ajoutez la voie démocratique, lent et cahoteux processus choisi par le PQ. Le bon gouvernement du PQ, en ses années de pouvoir, a également convaincu certains Québécois que des réformes importantes pouvaient s'effectuer à l'intérieur même de la fédération.
Bernard Landry précise que le Parti québécois avait développé des liens avec la Catalogne et l'Écosse. «Des représentants de la Slovénie, de la Slovaquie, de la Croatie communiquaient aussi avec nous. Mais tous s'inspiraient davantage de notre dynamisme, de notre résilience, plutôt que l'inverse, évoque-t-il. Notre projet était plus avancé que les leurs...» C'est l'histoire du lièvre et de la tortue...
Bernard Landry souligne plusieurs points communs entre les hésitations du Québec, de l'Écosse et de la Catalogne, dont la peur des turbulences après un «oui». «Mais il y a aussi de grandes différences: le projet d'indépendance n'est pas si clair pour les Catalans, qui parlent plutôt d'une vaste autonomie face au pouvoir central, ce qui irrite la droite espagnole. Et les Catalans ont connu la dictature. L'Écosse entrerait dans l'Union européenne sans problème le lendemain de l'indépendance...»
Alors pourquoi ne franchit-elle pas le pas? Là-bas aussi, des voix s'élèvent au coeur du film pour craindre l'agitation au lendemain d'un référendum. «Mais tout le monde prédisait que la Slovaquie aurait des problèmes, et l'indépendance lui a fait faire un bond en avant», répond Bernard Landry. À ses yeux, le débat dépasse les contingences de l'histoire pour revêtir avant tout un caractère de dignité à reconquérir.
Dans Questions nationales, le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe apporte un argument percutant pour actualiser la nécessité de l'indépendance. La mondialisation, avec la puissance de l'anglais, lingua franca, ne peut que nous affaiblir, s'inquiète-t-il, et le Québec se voit menacé d'assimilation fulgurante, à la façon des Acadiens, s'il ne prend pas son sort en main. «On ne peut attendre un autre 50 ans.»
Bernard Landry abonde dans son sens. «Les raisons d'être souverains sont les mêmes depuis toujours, mariées aux effets actuels de la mondialisation. Une identité culturelle se préserve davantage au sein d'un pays indépendant. De plus, cette mondialisation fait reculer la démocratie. Voyez Kyoto. Ottawa parle en notre nom auprès des institutions internationales. Le Canada anglais a des sables bitumineux, nous, d'énormes mégawatts d'énergies non polluantes. Le dernier de la classe parle pour le premier.» Son espoir: les générations montantes. «Ça prend un mouvement actif de la jeunesse», estime-t-il, certain qu'un jour...
Roger Boire se dit particulièrement fier d'avoir obtenu une entrevue avec le grand homme politique catalan Jordi Pujol. «À la fin, il est revenu pour nous dire que résister à l'espagnol était difficile, mais rien face au combat contre l'anglais...»
Les documentaristes ont accumulé 50 heures de matériel. Certains grands absents à bord: Jean Charest, Jacques Parizeau, Pauline Marois refusèrent de participer au projet à une étape ou l'autre. Par ailleurs, sur la quarantaine d'entrevues effectuées, la moitié d'entre elles sautèrent au montage. Trop d'informations, dont certaines se retrouveront sur le site du film en ligne. «On veut ouvrir le débat, dit Roger Boire, mais aussi offrir plusieurs pistes de réflexion, qui pourraient servir aux chercheurs.» À la fin du film, il est d'ailleurs écrit «À suivre...».
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- Après le FFM, Questions nationales prendra l'affiche au Cinéma de l'ONF, du 17 au 22 septembre.


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