Québec solidaire déçoit. Avant le scrutin de lundi dans Richelieu, Françoise David, dans une entrevue radiophonique, disait qu’elle n’avait que des espoirs limités dans la circonscription électorale de Richelieu. D’autant, précisait-elle, que son parti n’avait même pas encore d’organisation de comté. Une déclaration fort étonnante de la part d’une des deux têtes d’affiche de la direction bicéphale de ce parti de gauche.
En effet, comment expliquer qu’après dix ans d’existence, Québec solidaire en soit encore à s’organiser — électoralement parlant — dans une circonscription près de Montréal, au passé militant nationaliste et syndicaliste ; en somme, tout ce qui est censé être la base de la gauche québécoise ?
Le fondateur d’En lutte !, Charles Gagnon, avait mis le doigt sur une des difficultés historiques de la gauche québécoise, quand, en 1999, il écrivait qu’« inévitablement, une organisation qui se présente comme un parti, au sens courant et commun du terme, mais qui stagne dans les marges pendant des années ou des décennies devient progressivement mais définitivement marginale ou tout simplement folklorique ». Il ajoutait ceci : « une organisation, un regroupement qui se donne des objectifs très généraux, qui ne manquent pas d’être perçus comme vagues et abstraits par plusieurs (la lutte pour le socialisme, la justice, la démocratie, l’égalité des sexes…) et qui, faute de présence, d’appuis et de visibilité, ne peut pas donner une forme immédiate à ces objectifs historiques, [doit] prendre acte de ce que deux des caractéristiques majeures d’un parti lui font défaut, c’est-à-dire la capacité de mobiliser et l’aptitude à susciter et à entretenir le débat public sur l’orientation à donner à l’action de la gauche. » QS correspond parfaitement à ce portrait réaliste et pas très reluisant d’une gauche sans histoire que Gagnon peignait à l’aube du nouveau millénaire.
Contexte favorable
Le contexte politique, économique et social actuel devrait aider à ce que ce parti de gauche ramasse le paquet : les libéraux de Philippe Couillard en proie à leurs turpitudes habituelles, les péquistes en quête d’un sauveur, les caquistes toujours aussi brouillons, une fronde syndicale et populaire contre les mesures budgétaires du gouvernement libéral, des pertes d’emplois à répétition, des profits faramineux des banques, des pétrolières, des minières, des pharmaceutiques… Enfin, tous les ingrédients nécessaires étaient là pour favoriser le vote de gauche.
Si les membres de Québec solidaire ne s’interrogent pas sur l’échec électoral dans Richelieu, si la direction de ce parti de gauche est incapable de fournir une explication valable, voire apodictique des résultats aussi faméliques que ceux qu’il a obtenus dans cette élection partielle, il faudra se résoudre à conclure que les militants de QS oublient qu’ils sont au premier chef des citoyens critiques ; critiques d’abord des stratégies et des tactiques que la direction de leur parti propose. Il faudra cesser d’accorder aux orientations politiques que la direction de ce parti inspire à ses affidés l’aura qu’ont en général les parangons de vertu.
Faux espoirs
Finalement, il faudra en arriver à remettre en question l’existence même de ce parti de gauche, en tout cas, si sa pertinence existe vraiment. Si ses performances médiocres sur le plan électoral restent les mêmes, si son influence infinitésimale sur le peuple demeure, si sa marginalité continue d’entretenir de faux espoirs sur son profil de gauche, il faudra se demander si tout cela n’est pas qu’une illusion. Cela devrait-il inciter ses membres à cesser de croire à des gains éventuels, dans un lointain avenir, et à prendre conscience qu’ils ne se concrétiseront jamais ?
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