Québec-Ottawa, la relation retrouvée

Sans être d’accord sur tout, les deux gouvernements s’entendent mieux

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Quand on porte des lunettes roses



On a beaucoup entendu le « Canada is back » lancé par Justin Trudeau à la communauté internationale. Mais il y avait aussi une version locale de cette formule : « Le Québec est de retour à Ottawa », disait le premier ministre en avril. Vraiment ? Tour d’horizon après un an de gouverne.





« À quoi ça sert d’avoir un lieutenant du Québec quand t’as un général du Québec ? » En prenant le pouvoir en novembre dernier, Justin Trudeau rompait avec une vieille tradition voulant que le premier ministre nomme un bras droit pour le Québec. L’ancien professeur de théâtre allait jouer ce rôle lui-même.


 

Et il allait en cumuler un autre : celui de responsable des Affaires intergouvernementales. Les deux gestes visaient à bien marquer sa volonté d’offrir un « vrai partenariat provincial-fédéral » après une décennie de relations plutôt froides entre Stephen Harper et les provinces — particulièrement avec le Québec. Une province où la popularité du premier ministre libéral va croissant depuis les élections, d’ailleurs.


 

Nouveau ton, nouvelle relation, donc. Et résultats relativement bons, estime aujourd’hui le ministre québécois responsable des Relations canadiennes, Jean-Marc Fournier. « Il y a du positif, du très positif… mais il y a aussi des attentes imposantes devant nous », dit-il en entretien.


 

Le positif se décline selon lui en plusieurs volets : notamment l’entente sur les infrastructures (« ça s’est fait correctement, dans le respect de nos priorités ») et la reconnaissance de la « diplomatie climatique et économique du Québec » par le premier ministre Trudeau.


 

C’est-à-dire ? « On voit le lien avec la Californie et les avancées sur le marché du carbone [Ottawa a choisi de forcer les provinces à taxer le carbone, sauf celles qui ont déjà un mécanisme en vigueur, comme au Québec] », souligne M. Fournier. Et par diplomatie économique, il fait référence à l’accord de libre-échange Canada-Union européenne, dont la reprise des négociations en 2007 fut « initiée par le gouvernement du Québec [Jean Charest] », rappelle-t-il.



« On parle ici de compétences partagées où Justin Trudeau voit la voix internationale du Québec comme un avantage pour le Canada. On n’est plus dans la guerre des drapeaux sur les autos. On voit bien qu’on peut travailler ensemble », indique M. Fournier, reconnu comme un des fédéralistes les plus convaincus du gouvernement Couillard — il fut conseiller de l’ex-chef libéral Michael Ignatieff.


 

« Avec Québec, il y a une nette démarcation par rapport au gouvernement Harper en ce qui concerne l’ouverture au dialogue, le ton et la capacité d’exprimer mutuellement nos préoccupations », soutient un influent stratège libéral fédéral. « Mais c’est sûr qu’il y a toujours un deuxième plan plus difficile, des dossiers bilatéraux où on ne peut pas dire oui à tout et où on n’est jamais assez généreux pour les provinces… »


 

Pas besoin de chercher bien loin pour trouver la principale pierre d’achoppement entre Ottawa et Québec depuis un an. Les nominations au Sénat et le dossier du financement de Bombardier sont certainement au nombre des irritants.


 

Dans un avenir rapproché, le débat identitaire et l’intention de Québec d’adopter le projet de loi 62 sur la neutralité religieuse et les accommodements religieux pourraient peut-être froisser la fibre pro-Charte de Justin Trudeau ? Tous les acteurs de coulisses interrogés par Le Devoir en doutent fortement. « Les deux gouvernements ont beaucoup de latitude pour avoir une position différente là-dessus », souligne l’un d’eux.


 

Non, c’est vraiment la question des transferts en santé qui s’impose comme l’éléphant dans la pièce.


 

Dans une lettre envoyée à Philippe Couillard durant la campagne électorale, Justin Trudeau promettait de « convoquer une rencontre fédérale-provinciale afin de convenir d’une entente à long terme sur le financement des soins de santé ». La volonté apparente des libéraux de revoir l’entente imposée aux provinces par le gouvernement conservateur (hausse des transferts arrimée à l’augmentation annuelle du PIB, avec un minimum garanti de 3 %) avait été bien reçue par Québec.


 

Mais si Ottawa a bel et bien organisé des rencontres de discussion avec les provinces (il y en a une prévue mardi), il n’est plus question de modifier l’entente des conservateurs pour les transferts. Et Québec est fâché. « Il y a un problème d’interlocuteur, lance Jean-Marc Fournier. Le problème, ce n’est pas la santé, ce sont les transferts. Notre interlocuteur devrait être le ministre des Finances, pas de la Santé. »


 

M. Fournier y voit une forme de test de la réelle volonté de collaboration d’Ottawa avec les provinces. « Si on prend les dossiers du marché du carbone ou des infrastructures, il était facile de collaborer parce que c’était des enjeux identifiés par le fédéral et les provinces. On allait dans la même direction. Mais la santé est un enjeu identifié par les provinces. »


 

Pour la professeure Geneviève Tellier (École d’études politiques de l’Université d’Ottawa), « il est normal et inévitable de voir des frictions dans un dossier qui implique l’argent du fédéral ». Mais elle juge qu’au-delà de cette question, la qualité des relations Ottawa-Québec s’est certainement améliorée depuis un an. « J’ai l’impression qu’on revient un peu à la vieille façon de faire libérale, avec un gouvernement plus centralisateur. Mais l’écoute est assurément différente, plus ouverte. »







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