Québec et Pétrolia s’affrontent sur Anticosti

Tandis que le gouvernement évoque un éventuel retrait, l’entreprise avertit qu’elle ne se laissera pas «saboter»

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Le virage vert de Couillard est peu convaincant. Que magouille-t-il ?

Même si Philippe Couillard affirme clairement son opposition à l’exploitation d’énergies fossiles sur Anticosti, Pétrolia entend bien faire respecter « intégralement » le contrat qui oblige l’État québécois à investir près de 57 millions de dollars dans la recherche de pétrole et de gaz de schiste sur l’île. Des études commandées par le gouvernement et rendues publiques au cours des derniers jours mettent pourtant en lumière les risques financiers et environnementaux liés au projet.

La pétrolière a visiblement été irritée par les propos du premier ministre, qui est allé jusqu’à évoquer vendredi un retrait du financement des forages en cours. « Contrairement à ce qui a été dit par le premier ministre, il n’y a rien dans les ententes qui donne au gouvernement du Québec le droit de se retirer ou de se soustraire à ses obligations. Ces contrats ont été signés de bonne foi avec le gouvernement du Québec et homologués par décret du Conseil des ministres », a-t-elle fait valoir dans un communiqué diffusé lundi.

Pétrolia, dont le premier actionnaire est le gouvernement du Québec, a d’ailleurs vivement dénoncé la sortie publique de M. Couillard. « Les déclarations publiques du gouvernement selon lesquelles il n’entend pas respecter ses engagements contractuels sont sérieuses et hautement préjudiciables. » L’entreprise estime donc « nécessaire de rappeler que ces ententes existent, qu’elles s’appliquent et qu’elles ne sauraient être occultées ou, pire encore, sabotées ».

Il n’est toutefois pas possible de vérifier si Québec pourrait effectivement se retirer du projet d’exploration qu’il a accepté de financer à hauteur de 56,7 millions de dollars. Les contrats signés par le gouvernement péquiste de Pauline Marois avec Pétrolia et Corridor Resources n’ont jamais été rendus publics. Est-ce que Pétrolia envisage des recours judiciaires pour s’assurer que Québec maintienne son engagement financier dans les forages prévus sur Anticosti en 2016 ? L’entreprise n’a pas répondu aux questions du Devoir.

Fracturation en 2016

Trois forages avec fracturation hydraulique doivent être réalisés l’an prochain, à la suite de l’analyse des résultats des 12 forages menés en 2014 et 2015 dans différents secteurs de cette île sise en plein coeur du golfe du Saint-Laurent. Et comme le révélait récemment Le Devoir, les sites des forages prévus en 2016 ont déjà été choisis. Selon Pétrolia, ces travaux devraient d’ailleurs permettre de « confirmer le potentiel commercial ».

Le premier ministre Philippe Couillard a pourtant manifesté son opposition à l’exploitation pétrolière et gazière sur Anticosti. « Moi, je n’en veux pas de développement des hydrocarbures sur Anticosti », a-t-il laissé tomber vendredi dans le cadre d’une entrevue à la station de radio 98,5 FM.

Après avoir affirmé qu’il ne souhaite pas être responsable du « délabrement » de l’île,il a répété que son gouvernement avait hérité d’un contrat signé en 2014 par les péquistes. « On est pris avec un contrat où il y a des forages qui doivent être terminés, mais sans fracturation hydraulique, a-t-il ajouté. La ligne qu’on a faite dans le sable, c’est : écoutez, faites votre forage normal, avec des carottes sans injection dans le sous-sol. Mais avant de passer à la deuxième phase, un instant, on va faire des vérifications. »

Il s’agit là d’un changement de cap majeur pour le Parti libéral, qui était au pouvoir lorsque Hydro-Québec a cédé ses permis d’exploration sur l’île à Pétrolia, en 2008. Sous le gouvernement libéral de Jean Charest, Québec avait aussi autorisé des entreprises à mener des forages avec fracturation hydraulique dans la vallée du Saint-Laurent, entre Montréal et Québec.

Études environnementales

Il faut dire que le gouvernement, qui est le principal bailleur de fonds pour le projet d’exploration sur Anticosti, a également lancé une évaluation environnementale stratégique (EES) pour l’île. Plusieurs des études commandées dans le cadre de cette EES ont d’ailleurs finalement été rendues publiques au cours des derniers jours, soit près d’un mois après la fin des consultations publiques tenues dans le cadre de cette EES.

Selon ce qu’a constaté Le Devoir, certaines de ces études mettent en lumière des risques financiers et environnementaux significatifs liés à l’exploitation de pétrole et de gaz sur l’île d’Anticosti, dont le potentiel demeure pour le moment hypothétique.

L’étude Avantages et désavantages concurrentiels de l’exploitation des hydrocarbures au Québec, menée par le Canadian Energy Research Institute, soulève carrément des questions sur la rentabilité de l’exploitation. Le document souligne ainsi que le coût de production du pétrole pourrait dépasser les 95,50 $ par baril, ce qui rendrait l’extraction tout simplement non rentable.

Qui plus est, l’étude insiste sur les coûts élevés des infrastructures qui seraient nécessaires pour exploiter le pétrole et le gaz. À titre d’exemple, le transport du gaz de schiste supposerait à lui seul des dépenses estimées entre sept et dix milliards de dollars.

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