Monsieur Raymond Bachand.
Le gouvernement du Québec proposera bientôt les paramètres de son nouveau budget pour l'année 2009-2010. Le monde de la recherche attend avec impatience l'annonce de ces nouvelles orientations budgétaires.
La situation économique commandera certainement des choix globaux et des investissements particuliers, qui doivent favoriser la relance de notre économie. Ces choix favorisent souvent une politique fondée sur le renouvellement des infrastructures routières, portuaires ou immobilières, qui ont un effet de levier sur l'économie. C'est la voie empruntée récemment par le gouvernement fédéral. En regard du monde de la recherche, les effets concrets de ces choix sont cependant très limités. En effet, multiplier les infrastructures physiques ne garantit pas la poursuite des travaux de recherche qui s'y déroulent. Cette orientation n'assure pas la pérennité des centres de recherche et des laboratoires, non plus que le développement d'une véritable relève en recherche.
Il faut au contraire profiter du prochain budget québécois pour asseoir les conditions financières d'une politique ambitieuse qui dépassera les limites de cette politique « du béton » et nous permettra de voir plus loin, bien au-delà de la crise économique actuelle.C'est la voie sur laquelle l'ACFAS et le milieu de la recherche vous incitent à engager le gouvernement du Québec, du fait de vos responsabilités comme ministre responsable de la recherche. Cette occasion nous est fournie lors du prochain budget.
Ces orientations s'inscrivent d'ailleurs dans la continuité de la Stratégie québécoise de la recherche et de l'innovation, qui arrive à son terme en 2009. Elles permettent surtout de nous assurer que la société québécoise maintienne les compétences qu'elle a su développer en recherche, dans la foulée des politiques antérieures, et continue à tenir sa place dans le monde scientifique.
Or, en regard de cette grande ambition, il faut maintenant passer en quatrième vitesse. À cette fin, deux grandes orientations doivent immédiatement être envisagées. Elles ont une incidence directe sur le prochain budget.
La première de ces orientations concerne le renouvellement rapide de la Stratégie québécoise de la recherche et de l'innovation. Il ne faut pas attendre trois ans et créer un effet «creux de vague». La continuité est la condition indispensable de la stabilité des équipes et des projets qui ont été développés sous l'impulsion de la première stratégie.
La prochaine stratégie doit d'ailleurs envisager la recherche sous toutes ses formes, non seulement la recherche appliquée, utile à court terme, mais également la recherche fondamentale. Cette recherche prépare les innovations dont nous tirerons profit collectivement dans 10 ou 15 ans, innovations qui distingueront la société québécoise des autres sociétés du savoir. Touchant toutes les dimensions de la connaissance, ces travaux doivent servir à orienter dans un même mouvement nos prochaines politiques sociales, nos pratiques en matière de santé et l'adaptation de nos systèmes de production industrielle. Cette stratégie devra s'étendre sur cinq ou six ans, suivant ainsi le rythme des grands chantiers de recherche.
La seconde orientation concerne la nécessité d'augmenter de manière soutenue les budgets annuels alloués aux trois fonds de recherche du Québec.
Avantage concurrentiel
Ces fonds donnent au Québec un avantage concurrentiel important et ont largement favorisé, au cours des années, la concertation scientifique et le développement de la recherche fondamentale et appliquée. Dans un contexte où les sources privées de la recherche risquent de se tarir, le financement public de la recherche reste souvent le seul moyen de garantir la poursuite des projets entrepris et le maintien au Québec des expertises et des équipes qui y ont été constituées au cours des années.
Si on fait exception des montants directement liés à la dernière Stratégie québécoise de la recherche et de l'innovation, le budget annuel des trois fonds subventionnaires est essentiellement le même aujourd'hui qu'en 2003. Il s'ensuit qu'une partie de la relève que nous tentons de former au sein de nos équipes ne peut être soutenue adéquatement.
De même, chaque année, la stagnation des budgets fait qu'un nombre croissant de projets, dont la valeur scientifique est reconnue, ne peuvent être financés. La recherche de fonds nouveaux devient ainsi, pour les chercheurs établis, une activité à part entière. Ils y investissent du coup une énergie considérable, énergie qu'ils ne peuvent utiliser pour faire leur métier de chercheur. Il faut sortir de cette logique et pourvoir enfin le FQRSC, le FQRNT et le FRSQ de budgets concordant avec les efforts qu'on exige du monde scientifique lui-même.
La société québécoise étonne par sa capacité de se renouveler. Mais cette capacité tient largement à la mise à jour continuelle de ses connaissances et au développement de ses expertises. Un immense effort doit aujourd'hui être fait dans ce sens. Il faut un signal clair qui oriente notre collectivité pour les décennies à venir. [...]
Il faut donc que le prochain budget reflète ces orientations, de manière à garder au Québec les penseurs, les chercheurs et les expertises dont nous avons besoin. C'est parce que nous savons qu'il s'agit là de la vision que vous entretenez vous-même que nous vous incitons à poursuivre avec plus d'ambition encore la direction tracée par la dernière Stratégie québécoise de la recherche et de l'innovation: faire de la recherche, de la connaissance et de l'innovation les outils privilégiés de notre développement.
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Pierre Noreau, Président de l'Association francophone pour le savoir (ACFAS)
Lettre ouverte au ministre du Développement économique
Québec doit continuer d'investir dans la recherche
Budget de MJF - mars 2009
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Pierre Noreau, Président de l'Association francophone pour le savoir (ACFAS)
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