Québec autonome - Dans l'antichambre de la souveraineté

Québec 2007 - ADQ

Vive le Québec... autonome! Depuis quelques jours, le chef de l'Action démocratique du Québec (ADQ) essaye de redistribuer les cartes sur la scène politique provinciale en affichant son côté autonomiste dans un univers dominé d'ordinaire par la dualité entre fédéralisme et souveraineté.
Pis, avec assurance, il a prétendu être capable de surprendre son adversaire Jean Charest le 26 mars prochain. Comment? En ralliant un grand nombre de Québécois derrière son projet autonomiste «moderne et d'actualité», a-t-il lancé lors d'un grand rassemblement politique tenu à Rivière-du-Loup dimanche dernier, laissant du même coup perplexes autant le chef libéral qu'une bonne frange de l'électorat, peu ou pas vraiment au fait de cette ancienne option constitutionnelle que Dumont tente désormais de remettre au goût du jour.
«La question de l'autonomie n'est plus posée aux Québécois depuis longtemps, résume le politologue Réjean Pelletier, de l'université Laval. Entre fédéralisme et souveraineté, cette option n'avait plus vraiment sa place. Mais il semble aujourd'hui que l'ADQ cherche à en faire une troisième voie, pour se distinguer du Parti libéral et du Parti québécois.»
L'idée d'autonomie provinciale n'est pas nouvelle. Depuis les années 60, cette quête d'indépendance s'est en effet cristallisée dans le discours d'un grand nombre de politiciens. À travers «rendez-nous notre butin», de Duplessis, «maître chez nous», de Jean Lesage, «égalité ou indépendance», de Daniel Johnson, mais aussi le concept de «souveraineté culturelle» de Robert Bourassa, rappelle le philosophe Michel Seymour, de l'Université de Montréal. Et l'approche de Mario Dumont conserve le tempo.
En prise directe sur cette «démarche historique d'affirmation nationale du Québec», l'autonomie envisagée par l'ADQ s'articule donc autour d'un Québec qui se définirait «à travers sa propre Constitution», qui «portera sa propre appellation: l'État autonome du Québec» et qui «défendra farouchement ses champs de compétence, notamment au plan de ses programmes sociaux et du développement économique», indique le programme de la formation politique.
Tout en estimant que la constellation politique actuelle, avec l'arrivée des conservateurs de Stephen Harper à Ottawa, est favorable à son projet, l'ADQ évoque également dans son programme l'adoption d'un «rapport d'impôt unique», mais aussi l'instauration d'un système de double citoyenneté interne, une mécanique juridiquement complexe qui ferait apparaître une citoyenneté québécoise subordonnée à la citoyenneté canadienne.
Malgré cela, «cette option autonomiste s'inscrit dans une logique purement fédéraliste, résume Michel Seymour. Avec ce projet, l'ADQ fait le pari de pouvoir davantage affirmer notre autonomie dans l'État fédéral en se dotant notamment d'une Constitution interne, qui n'aurait toutefois pas préséance sur la Constitution canadienne.»
Pour le Parti libéral du Québec (PLQ), toutefois, l'autonomisme de l'ADQ, guidée en partie par le contenu du rapport Allaire -- document libéral qui en 1994 prônait un fédéralisme décentralisé --, placerait plutôt Mario Dumont «à cheval sur deux options», pouvait-on lire hier dans le site Internet du parti de Jean Charest. Sans surprise d'ailleurs, selon Réjean Pelletier, puisque le PLQ veut rester tout seul dans «le champ fédéraliste, dit-il. Mais il ne faut pas se tromper. L'autonomisme de l'ADQ ne propose aucune forme de souveraineté du Québec. C'est plutôt la recherche d'un fédéralisme amélioré.»
Une approche qui séduit
La formule pourrait d'ailleurs séduire plusieurs électeurs, peu importe leurs allégeances passées ou présentes, croit M. Seymour. «Il y a effectivement aujourd'hui un terreau fertile pour faire pousser cette idée d'autonomie», avoue l'universitaire, qui ne cache pourtant pas son appui au mouvement souverainiste. «Depuis le référendum de 1995 [sur la question nationale], les Québécois veulent passer à autre chose. Ils ne veulent pas vraiment revivre l'expérience douloureuse du questionnement sur leur identité nationale et s'inscrivent de plus en plus dans une logique de fuite en avant.»
Qu'on l'appelle le clan des ambivalents, des mous ou des désabusés, ce pan de l'électorat pourrait donc envisager facilement l'autonomie du Québec comme un autre moyen «d'évacuer la question référendaire», mais aussi «d'éloigner le plus longtemps possible le recours à l'arme ultime de la souveraineté politique», poursuit le philosophe, qui croit que, collectivement, le Québec serait depuis toujours davantage en faveur d'arrangements constitutionnels à l'intérieur du Canada. «C'est à reculons que nous allons vers la souveraineté.»
Avec son projet autonomiste, l'ADQ tente donc de tirer sur ces cordes sensibles en proposant, en opposition claire au «fédéralisme sans concession et au statu quo du PLQ», dit Seymour, un projet de réforme qui donnerait plus de pouvoirs à la province, mais aussi qui reconnaîtrait le caractère distinct du Québec dans une formule fédérale renouvelée. Formule qui pourrait par exemple reprendre les conditions d'adhésion du Québec à la Constitution canadienne telles que définies dans l'Accord du lac Meech et, pourquoi pas, s'attaquer aux 22 pouvoirs exclusifs pour le Québec réclamés dans le rapport Allaire.
«Poussé à sa limite, l'autonomisme est bien sûr une utopie, dit M. Pelletier. Il est question ici de rétrécir considérablement les champs d'intervention du fédéral. Mais même un gouvernement provincialiste comme celui de Stephen Harper ne pourrait aller aussi loin.»
«Effectivement, plusieurs pensent aujourd'hui que le fédéralisme multinational n'est pas une lubie et peut même fonctionner, ajoute M. Seymour. Mais, en même temps, on a essayé des milliers de fois de modifier la fédération et on a échoué chaque fois.»
L'échec de ces réformes aurait d'ailleurs été, selon lui, à l'origine de la montée du courant indépendantiste au Québec. Et, dans ce contexte, tout laisse donc croire, selon le philosophe, que l'autonomisme affiché et défendu par Dumont ne serait finalement que l'antichambre de la souveraineté. «C'est une bouée de sauvetage constitutionnelle», dit-il, qui comme toute bouée est forcément d'un usage temporaire.


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