Québec aide les immigrants à parler l'anglais

Le gouvernement paie des cours aux francophones pour améliorer leur employabilité

Le français à Montréal

Québec -- Afin de tenir compte des exigences du marché du travail dans la région de Montréal, l'État québécois paie des cours d'anglais à des immigrants qui souffrent du handicap de ne connaître que le français. Ces cours d'anglais sont offerts par des organismes d'intégration et de francisation de la région de Montréal. Dans certains cas, les professeurs sont fournis par la commission scolaire English-Montréal. Dans d'autres cas, des groupes communautaires obtiennent des fonds d'Emploi-Québec pour offrir des activités afin d'améliorer l'«employabilité» des immigrants, ce qui peut comprendre l'apprentissage de l'anglais.
Enfin, les commissions scolaires anglophones offrent directement des cours d'anglais aux nouveaux arrivants. En vertu des nouvelles règles établies cette année par le ministère des Finances, c'est normalement le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles (MICC) qui doit assumer la note pour les cours donnés à des immigrants par des professeurs des commission scolaires.
Ainsi, Carrefour solidarité Anjou, un organisme chargé de l'intégration des immigrants dans l'est de l'île de Montréal, a reçu 60 000 $ pour offrir à 40 femmes immigrantes des activités d'une durée de huit semaines afin de leur permettre d'acquérir des compétences de base et des «compétences améliorant leur employabilité». Selon l'entente de service qui lie l'organisme et Emploi-Québec et dont Le Devoir a obtenu copie, Carrefour solidarité Anjou donne des ateliers sur «l'anglais parlé de base». Sur les 160 heures étalées sur les huit semaines que dure cette activité, 32 sont consacrées à l'anglais. Toutefois, «une personne ayant un excellent français écrit pourrait passer plus de temps sur son anglais», peut-on lire. Outre l'apprentissage de l'anglais, ces femmes immigrantes, qui n'ont pas d'emploi, participent à des ateliers de recherche d'emploi, de connaissance de soi, d'informatique et de français écrit, précise-t-on dans l'entente de service, en vigueur du 4 septembre 2007 au 16 mai 2008.
Le Centre d'appui aux communautés immigrantes de Bordeaux-Cartierville offre quatre classes d'anglais, le jour et le soir, deux sessions par année. Près de 200 immigrants s'y inscrivent chaque année, a signalé la directrice de l'organisme, Anait Aleksanian. À titre de comparaison, le centre tient 14 classes de francisation qui accueillent 1000 nouveaux arrivants par an.
Selon Mme Aleksanian, les cours d'anglais font partie des mesures d'«employabilité» offertes par l'organisme. Ce sont surtout des immigrants francophones d'origine maghrébine qui suivent ces cours d'anglais. «L'immigrant apprend l'anglais seulement s'il connaît le français. C'est une condition, d'ailleurs», a-t-elle précisé.
Pour Mustapha Kachini, président du Regroupement des organismes en francisation du Québec et directeur général du Centre d'intégration multiservices de l'ouest de l'île de Montréal, le bilinguisme anglais-français aide grandement l'immigrant à se trouver un emploi dans la région de Montréal. «Un candidat bilingue avec les deux langues officielles, c'est vraiment du gâteau», estime-t-il.
M. Kachani a toutefois fait observer qu'il est beaucoup plus facile d'intégrer au marché du travail le nouvel arrivant qui connaît seulement le français que celui qui ne connaît que l'anglais.
L'organisme qu'il dirige ne donne pas de cours d'anglais aux immigrants francophones, une pratique qui serait contraire à la vocation de francisation de son organisme, croit M. Kachani. Toutefois, les nouveaux immigrants n'ont aucune difficulté à obtenir ces cours par l'entremise de la commission scolaire anglaise Lester B. Pearson, a-t-il mentionné.
En outre, ce centre pour immigrants offre des services d'intégration au marché du travail en anglais à des immigrants non francisés.
M. Kachani a reconnu que le taux de chômage chez la population immigrante maghrébine dépasse les 25 % alors que ces nouveaux arrivants sont francophones et souvent très scolarisés. Leurs attentes sont très élevées et ils insistent pour obtenir un emploi qui correspond parfaitement à leurs qualifications. «Dès que l'emploi n'est pas au rendez-vous, ils manifestent certains problèmes de frustration», a souligné M. Kachani, lui-même d'origine marocaine.
Ces immigrants maghrébins «disent: "Si on ne trouve pas de travail, c'est parce qu'on n'est pas bilingues." Ils vont prendre des cours d'anglais pour améliorer leur employabilité», a relaté M. Kachani. «Ils disent: "On a choisi une province francophone." Ils sont surpris de voir que ne pas savoir l'anglais devient un handicap», a-t-il poursuivi.
Au MICC, on a soutenu hier que les immigrants sont maintenant bien informés de l'importance de l'anglais au Québec. «On en parle, maintenant», a signalé le porte-parole du MICC, Claude Fradette. «Il faut être honnête et réaliste.»
«Il y a des Européens qui arrivaient et qui disaient: "On nous avait dit que c'était français [au Québec], mais on ne nous avait pas dit que c'était en même temps anglais", a raconté M. Fradette. «Bien oui! C'est l'Amérique du Nord.» Le MICC veut «s'assurer au bout du compte que les gens puissent bien s'intégrer à la société et à la réalité nord-américaines. Il ne faut pas se le cacher».
Pour décrocher certains types d'emplois, le bilinguisme est essentiel dans la région de Montréal. C'est le cas notamment des emplois en administration et en informatique, a signalé M. Kachani. Il faut aussi noter la présence de nombreuses filiales de compagnies américaines où la connaissance de l'anglais est bien vue.
Comme il s'écoule quelques mois entre le moment où un candidat est sélectionné et son arrivée au Québec, le MICC peut lui suggérer d'améliorer sa connaissance de la langue de Shakespeare dans son pays d'origine avant son départ. «Si quelqu'un est en informatique, c'est sûr que c'est de bonne guerre qu'on lui dise de profiter des prochains mois pour essayer de parfaire sa connaissance de l'anglais», a fait valoir M. Fradette.
Depuis quelques années, non seulement le Québec accueille plus d'immigrants qui connaissent le français (plus de 56 %), mais davantage sont bilingues anglais-français et donc trilingues s'ils ont une langue maternelle autre. Près de 40 % des immigrants récents savent à la fois le français et l'anglais. Ce bilinguisme donne d'ailleurs des points dans la grille utilisée par le MICC pour sélectionner les immigrants.
Les candidats choisis par le MICC ont 28 ans en moyenne. «La plupart des jeunes qui ont 28 ans en ce moment ont une connaissance de l'anglais. C'est normal. C'est exigé et ils le savent. La plupart parlent trois langues. De toute façon, c'est l'avenir», a fait observer M. Fradette, qui parle d'une «réalité internationale».


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