Quand les rouges broient du noir

2005

samedi 29 janvier 2005
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Je vous le répète comme cela m'a été dit... C'est le désarroi chez les rouges, tant à Ottawa qu'à Québec. Quant aux bleus du Québec et de l'Alberta, et sans doute de beaucoup d'autres régions du pays, ils sont au neutre : ils attendent Jean Charest !
Cela grouille beaucoup dans les partis et les langues - parfois sales ! - se délient volontiers. Transportons-nous à Québec d'abord, dans la salle du Conseil des ministres. Après la gaffe du financement des écoles privées juives, les ministres s'attendaient à des explications, voire des excuses pour ne pas avoir été consultés. Eh bien, croyez-le ou non, le chef a piqué une sainte colère et les a carrément engueulés !
"Tout cela ne serait pas arrivé s'il n'y avait pas eu de fuite", de lancer Jean Charest, promenant un regard accusateur tout autour de la table. C'est tout juste si le premier ministre n'a pas demandé que ses ministres partagent la responsabilité des mauvaises décisions auxquelles ils ne participent pas.
La morosité est palpable parmi les libéraux du Québec au point où ils ne cherchent même plus à cacher leurs états d'âme. Je dois être à peu près le seul dans toute la province à croire encore que, conformément à la tradition, les libéraux obtiendront un deuxième mandat. Des ministres importants, députés de circonscriptions sûres comme ils le sont tous, craignent de se faire renvoyer sur les banquettes de l'opposition. Cela les chagrine d'autant plus qu'ils ne sont pas venus en politique pour cela !
Que craignent-ils au juste ? Ils sont convaincus que Bernard Landry ne restera pas à la présidence du Parti québécois jusqu'aux prochaines élections, qu'André Boisclair interrompra prématurément ses études à Harvard ou, pire encore, que Gilles Duceppe déménagera à Québec après une autre bonne campagne fédérale.
Le simple nom de Duceppe me permet de sauter la rivière des Outaouais et d'arriver à Ottawa en pleine pagaille. Il n'y a guère qu'au Bloc québécois et au Nouveau Parti démocratique que la situation soit relativement calme. Ailleurs, c'est la zizanie totale ! Et Paul Martin, autant que Stephen Harper, en ont plein les bras.
Le gouvernement libéral avait un plan que la Commission Gomery - et surtout Jean Chrétien - sont en train de faire dérailler. En février, le budget sera "vert" grâce au travail de Stéphane Dion qui, me dit-on, s'entend aussi bien avec Martin qu'avec Chrétien. N'oublions pas que l'actuel premier ministre fédéral fut critique de l'environnement dans l'opposition et qu'il assista au 2e Sommet de la terre à Rio en compagnie du ministre fédéral de l'époque... Jean Charest !
Après leur congrès de mars à Ottawa, les libéraux fédéraux vont lancer les assemblées de mise en candidature. Aucun des députés sortants ne verra son siège contesté, bien qu'il y ait toujours des accommodements possibles avec un siège au Sénat ou quelque ambassade ! Il n'y aura donc pas de guerres fratricides comme au printemps de 2004. La première "fenêtre" pour la tenue d'élections fédérales se situerait donc à l'automne 2005, surtout si la Commission d'enquête sur le Programme de commandites publie son rapport intérimaire en septembre, comme prévu.
Au Québec, Jean Charest a récemment présenté une liste de 28 dossiers au lieutenant politique de Paul Martin, Jean Lapierre. Voici comment on voit les choses à Ottawa : l'entente sur la santé a été généreuse pour le Québec. Cela s'est moins bien passé pour la péréquation, mais au moins, le financement sera désormais stable.
On semble tenir pour acquis que les dossiers des congés parentaux, des garderies et des infrastructures municipales seront réglés ce printemps... si le ministre des Finances, Yves Séguin, trouve les quelques centaines de millions de dollars que lui coûteront ces ententes avec Ottawa ! En effet, pour aligner sa politique de congés parentaux sur celle du reste du Canada, le Québec doit trouver 370 millions $. Et, dans les cas des infrastructures municipales, le gouvernement fédéral exige que les provinces y mettent autant d'argent que lui.
"Si, en plus, on fait Bombardier, on va avoir un bilan...", dit Jean Lapierre, qui passe autant de temps à l'organisation de son parti au Québec qu'à son monstrueux ministère des Transports, où il a quatre projets de loi en chantier. "Il est comme Robert !" dit son adjointe d'Outremont qui a déjà travaillé pour M. Bourassa.
Mais tout n'est pas si "rose" que cela (si je puis dire !) chez les libéraux fédéraux. Ceux qui n'ont pas la chance de représenter Outremont ou Ville LaSalle à la Chambre des communes ont hâte que le débat sur le mariage soit derrière eux. Au Québec, par exemple, toutes sortes de nébuleuses - y compris les Chevaliers de Colomb et les Cercles des Fermières - se mobilisent contre eux. Pierre Pettigrew a donc raison de s'en prendre aux "cathos" !
C'est là que mes conversations de la semaine sont devenues intéressantes. Avec ses prises de position sur la question, Stephen Harper a lui aussi perdu toute chance de faire une percée dans la Belle Province. Croyez-vous que les vieux "bleus" du Québec s'en inquiètent ? Pas pantoute !
Les conservateurs du Québec - il en reste plus qu'on ne le pense ! - se sont mis à parler comme ceux de l'Alberta : "Jean Charest sera premier ministre du Canada avant 2012." Comme je devais avoir l'air vraiment incrédule, mes interlocuteurs m'ont expliqué que le mouvement Charest's spécial draft - c'est incidemment le nom d'une bière brassée il y a quelques années par la Big Rock Brewery de Calgary - est déjà en marche.
Cela ne tient peut-être pas debout, mais cela s'explique : Charest s'ennuie à Québec. C'est pour cela qu'il ne s'intéresse guère qu'aux relations fédérales-provinciales et aux affaires internationales. Il laisserait volontiers Philippe Couillard gérer la grosse Régie régionale de la santé que sera devenue le Québec après 15 ans de coupures fédérales - et libérales !- dans les transferts aux provinces...
Je vous avais prévenu : je vous le raconte seulement comme on me l'a dit ! Ne tirez pas sur le messager...
Mvastel@lesoleil.Com


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