Il y a un débat qui ne se fait pas actuellement au sein de la société du Québec: celui portant sur le projet d’achat de certains actifs d’Énergie NB par notre société d’État, Hydro-Québec, au prix de 3,2 milliards de $ selon une nouvelle entente datée du 20 janvier 2010.
Il est très intéressant de lire le texte de Richard Le Hir intitulé “ HYDRO-QUÉBEC / ÉNERGIE NB: les grandes manoeuvres “ paru le 3 de ce mois sur la Tribune libre de Vigile. L’auteur étudie le projet d’achat par Hydro-Québec sous la lunette d’un scénario de privatisation que je situerais à moyen terme.
Explorons encore cette hypothèse vraisemblable de privatisation d’Hydro-Québec et posons la question: combien vaut la Société d’État Hydro-Québec ?
Nous avons besoin d’hypothèses pour faire notre évaluation et utilisons les chiffres de la 1 ère entente du 29 octobre 2009 d’achat d’Énergie NB par Hydro-Québec (H.-Q.) au coût de 4,75 milliards de $. Pour ce prix, H.-Q. prenait possession d’une entreprise présentant un bilan actif-passif de 5 milliards de $ arrondi et contenant une dette à long terme de 3,5 milliards, soit 70% du bilan total. Il y a un autre élément à considérer, c’est l’origine de la production de l’électricité qui est à 33% hydraulique avec les centrales situées sur le fleuve St-Jean. Donc, un prix convenu au pair du bilan avec ses conditions.
Regardons maintenant les chiffres comparable d’Hydro-Québec pour la même période du bilan. En 2008, le bilan d’H.-Q, est de 67 milliards de $ avec une dette à long terme de 35 milliards, soit 52% du bilan total. L’autre élément important à considérer est la qualité de l’origine de la production de l’électricité, soit à 92% hydraulique. À cause de ce fort pourcentage en énergie renouvelable, nous apportons un facteur X2. Ce facteur s’explique par la valeur des stocks en matière première disponible pour la production future de l’électricité d’H.-Q. privatisée. Ici, on pense à la qualité renouvelable de l’eau dans les cours d’eau du Québec et on pense à la faible émission de GES de l’hydroélectricité versus les centrales électriques aux énergies fossiles et nucléaire. Le facteur X2 est contestable. J’ai choisi celui-là parce qu’il peut difficilement être inférieur. Mais il peut être supérieur.
Le prix de vente au privé d’H.-Q., en utilisant la règle du pair appliquée à la 1 ère entente du 29 octobre 2009 ajusté du facteur X2 au bilan d’H.-Q. donne: 67 milliards X 2 = 134 milliards de $.
Une autre approche est celle de l’actualisation des bénéfices futurs. En 2008, H.-Q. a généré 3 milliards de $. Actualisons à perpétuité ce bénéfice à 5%, donnant un facteur X20. Nous obtenons une valeur de 60 milliards. Cependant, nous avons négligé de qualifier le 3 milliards de $ de bénéfices en 2008. Avec la privatisation d’H.-Q., je parie qu’il y aurait une révision à la hausse des tarifs, donc hausse des bénéfices. Il y a aussi le facteur fiscal de la nouvelle compagnie privée d’électricité. L’un avec l’autre, je crois qu’il est conservateur de doubler le 60 milliards à 120 milliards de $. La valeur se situerait, selon nos hypothèses, entre 120 et 134 milliards de $.
Qu’est-ce que les québécois font avec ce pactole ? On réduit d’un coup ou presque notre dette nationale et on dégage un 8-9 milliards annuels du service de la dette du Québec.
Alors, est-ce que ce sera le paradis au Québec ? Aurons-nous changer nos habitudes de gaspillage de l’eau, des emballages inutiles, de la consommation de l’énergie en général, de notre mollesse envers nos responsabilités sociales ? Non. Les médecins spécialistes, les juges, les policiers et tous les autres vont réclamer leur part du gâteau et nous retournerons à la case zéro.
Nous serons encore plus esclaves de nous et des autres, des nouveaux propriétaires de la nouvelle compagnie d’électricité qui s’enrichiront et nous aurons perdu le peu de fierté que nous avions d’avoir bâti, pour plusieurs à leur corps défendant, une entreprise publique financée avec l’argent du public. Continuons à dormir au gaz jusqu’au départ final chers concitoyens! À moins qu’un sursaut de fierté nous réveille au nom de ceux qui ont bâti le Québec d’aujourd’hui et au nom de nos enfants. Eh bouleau noir!
François A. LACHAPELLE Montréal
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3 commentaires
Jean-François-le-Québécois Répondre
6 février 2010Je croyais que le but, à l'origine, de la nationalisation de la production d'électricité et de la fondation d'Hydro-Québec, était que les citoyens québécois, comme nos entreprises, puissent payer leur électricité à bas prix. Et la chose est importante, bien sûr, quand l'on vit sous un climat comme le nôtre.
Johnny C., le petit rouquin fédéraliste de Sherbrooke, est totalement en train de détourner Hydro-Québec. Et j'utilise détourner, ici, au même sens que dans détourner un avion...
Daniel Verret Répondre
6 février 2010Claude Garcia et Paul Desmarais rêvent de privatiser Hydro-Québec (HQ). Ils en rêvent tellement qu'ils n'en dorment plus... Et pourquoi croyez-vous? Quel est l'intérêt des Québécois à une privatisation? Je ne connais pas grand chose à la grande économie mais j'ai suffisament de jugement pour comprendre que si les personnes ci-haut mentionnées sont prêt à mettre de l'argent pour ça, ce n'est pas pour en perdre. Alors si HQ est payant pour le privé il l'est également pour nous tous. Je vois avec beaucoup d'inquiétude l'achat d'Hydro Nouveau-Brunswick (HNB) par HQ car on se fera dire que si c'est bon pour HNB ça l'est aussi pour HQ. HQ pourait devenir Power-Hydro-Québec-Corp ou un éventuel élément d'un Hydro-Canada.
Non merci.
@ Richard Le Hir Répondre
5 février 2010Votre analyse est intéressante et rejoint grosso modo dans ses conclusions l'évalustion qui avait déjà été évoquée par Bernard Landry, ancien ministre des Finances. Dans un texte que l'on retrouve, si ma mémoire est fidèle, sur Vigile, il avance un chiffre qui dépasse les 150 milliards $.
Et pour ma part, je pense que le vrai chiffre est encore plus élevé.
En effet, dans le secteur privé, la mesure employée pour calculer la valeur d'une entreprise est un multiple des bénéfices annuels.
Dans le cas d’Hydro-Québec, le calcul se complique du fait qu’il s’agit d’une entreprise publique qui en plus ne paie pas d’impôt, ni fédéral, ni provincial, mais qui verse un dividende annuel à son actionnaire unique, le Gouvernement du Québec, et qui en plus jouit d’un monopole. Il y aurait donc d’importants calculs à faire (et ils ont sûrement été faits par les parties intéressées) sur les bénéfices que pourrait dégager HQ si elle était privatisée.
La première chose à considérer, c’est qu’une HQ privatisée aurait un chiffre d’affaires plus élevé. En effet, les tarifs seraient relevés au niveau du marché (priced to market), et avoisineraient, sinon immédiatement du moins assez rapidement, ceux de nos voisins (provinces et États voisins).
Ensuite, le monopole ne serait plus tenable. HQ serait donc graduellement morcelée, en commençant par la production qui est déjà ouverte aux petites centrales privées et à l’énergie éolienne. Pensons aussi que Rio Tinto Alcan dispose de ses propres centrales au Saguenay et au Lac-St-Jean. Le fardeau des énormes investissements dans ce domaine serait ainsi partagé dans l’avenir. Resteraient ensuite à régler le cas du transport et de la distribution. Dans ce dernier cas, le monopole n’est pas étanche non plus. Il existe certaines petites coopératives locales de distribution, notamment en Montérégie.
En bout de ligne, on devrait aboutir à une valeur nettement plus élevée que celles qui ont été avancées jusqu’ici, et c’est ce qui assurerait que le Gouvernement du Québec demeure un important actionnaire, toute vente totale devenant une trop grosse bouchée à assumer pour qui que ce soit (au Québec assurément).
Richard Le Hir