Je ne sais pas si Henri-Paul Rousseau, Brian Mulroney et Frank Zampino se connaissent personnellement. Mais mon petit doigt me dit que s'ils se rencontraient pour un petit dîner privé au chic Toqué!, loin des vilaines commissions d'enquête, au bout de quelques scotchs pur malt et un ou deux cigares raffinés, ces trois hommes finiraient bien par se trouver quelques points en commun...
1- Le premier est leur recours systématique à la technique typiquement judéo-chrétienne du mea-culpa. "Désolé, bon peuple, mais oups!, j'ai commis une ERREUR." Faute avouée à demi pardonnée, n'est-ce pas? M. Rousseau pour la perte de 10 milliards de dollars à la Caisse de dépôt pour cause de mauvaise gestion. M. Mulroney pour avoir accepté 225 000 $ cash dans des enveloppes brunes, non déclarés à l'impôt pendant des années, pour du "travail" non facturé pour Karlheinz Schreiber, un lobbyiste douteux aux poches débordantes d'argent comptant devant servir à acheter des faveurs au Canada pour ses clients puissants comme Airbus, dont Air Canada avait acheté pour 1,8 milliard de dollars d'avions en 1988 sous le régime Mulroney. Et M. Zampino pour ses vacances passées sur le yacht luxueux d'un entrepreneur richissime au moment où la Ville de Montréal, dont il était le "numéro 2", lui accordait un contrat faramineux de 355 millions.
2- S'ils plaident l'"erreur", celle-ci, par contre, n'est JAMAIS de LEUR faute. Appelons ça une "erreur" sans responsabilité. Pourquoi? Parce que leur "erreur" est TOUJOURS de la faute des AUTRES ou de circonstances hors de leur contrôle! M. Rousseau dit avoir été victime de la "tempête parfaite" de 2008 et de gestionnaires de la Caisse dont l'expertise faisait défaut /sic/! M. Zampino se voit en victime des médias. M. Mulroney, lui, est victime de tout: du climat hostile contre lui, de procureurs qui ne lui ont pas posé les "bonnes" questions, de ses avocats qui lui ont ordonné de ne pas fournir d'information volontairement, des "mensonges" de Schreiber et de l'acharnement du Globe and Mail et de la CBC!
3- Étant d'innocentes victimes, ils refusent évidemment de rembourser ce qu'ils ont empoché malgré leurs "erreurs". Talk is cheap. M. Rousseau gardera son indemnité de départ de 405 000 $ et toutes ses primes de "performance". M. Mulroney ne remboursera pas les 2,1 millions payés en 1997 par les contribuables pour couvrir ses frais d'avocats, même s'il avait "omis" d'informer les enquêteurs de l'argent comptant reçu de Schreiber dans sa poursuite gagnée contre le gouvernement Chrétien qui avait évoqué de possibles "pots-de-vin" versés à l'ancien PM par Airbus. Faut croire que, contrairement à M. Mulroney, ses propres avocats, eux, produisaient des factures officielles! Et des salées.
LA VRAIE QUESTION
La vraie question n'est pourtant pas de savoir s'ils ont commis ou non des "erreurs". La question est de savoir POURQUOI ces hommes réputés brillants et sophistiqués les ont commises? Était-ce par arrogance, incompétence, par appât du gain ou pis encore, par corruption? Chacun, dans sa conscience, a sa réponse. Mais ils ne vous la diront jamais! Car même si leurs ego en prennent pour leur rhume ces temps-ci, chacun retournera bientôt se reposer sur de beaux coussins de satin pendant que les contribuables, eux, paieront pour les pots cassés. Et s'ils ont zéro imputabilité, c'est que, hormis quelques petits interrogatoires publics un peu gênants tenus pour distraire les citoyens en colère, les gouvernants actuels laissent faire... Encore et encore. M. Rousseau en a même récolté un poste de rêve chez Power Corporation...
Mardi, il faisait néanmoins un aveu étrange. M. Rousseau disait n'avoir rien vu venir et, surtout, ne pas s'être inquiété de la crise en 2008 parce qu'il pensait que si le ciel devait tomber sur la tête des financiers, les "pouvoirs publics" viendraient les sauver! Comme aux États-Unis. Comme en Grande-Bretagne et ailleurs. Mais oups! Il a encore commis une "erreur" de jugement. Une autre. Pauvre lui. Surtout, pauvres nous.
Pourtant, la "tempête parfaite", la vraie, ce sont les citoyens qui la vivent en ce moment avec ces questions qui s'accumulent sur l'éthique et la gouvernance de leurs deniers! Car ici comme ailleurs, on assiste depuis des années à un relâchement certain dans le département de la probité et de l'imputabilité. Autant dans le milieu de la finance que dans la gestion des fonds publics. Et qu'on ne nous dise pas que ça prendrait plus d'"argent" encore pour attirer les "meilleurs"! Sinon je vous reparle des Rousseau, Mulroney, Zampino et Cie...
Ce que ça prend, c'est de la compétence, un sens des responsabilités, de la probité et un désir de contribuer à sa propre société sans chercher à en tirer des avantages particuliers, pour soi-même ou ses "amis". Je sais. Ça fait vieux jeu. Mais on ne peut pas toujours réinventer la roue... Bref, ça prend surtout une nouvelle mouture de gouvernants prêts à passer l'aspirateur!
(*) Inspiré du titre français du film de Woody Allen Take the Money and Run (1969).
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