Stratégie problématique : entre désarroi et dispersion

PQ - Ce parti aurait-il besoin d'une psychanalyse ?

PQ - gouvernance nationale<br>Conseil national 14-15 et 16 mars








Il se trouve, ces temps-ci, des péquistes qui expriment, sur diverses tribunes, leur frustration à l'égard de ceux qui fondent de nouveaux partis indépendantistes, et plus largement, à l'encontre des indépendantistes qui critiquent le PQ.

D'un strict point de vue partisan, je comprends leur exaspération. Pour le reste, je ne comprends pas grand-chose, ou plutôt, je comprends que, pour peu que ces péquistes aient l'indépendance du Québec comme réel objectif, il doit y avoir quelque chose qu'eux ne comprennent pas.

En effet, comment font-ils pour arriver à ne pas voir l'éléphant dans le salon péquiste ?

L'éléphant, c'est le très très évident recul stratégique ininterrompu de ce parti depuis quelques mois, période au cours de laquelle le PQ est revenu, grosso-modo, au principe de l'affirmation nationale. On parle bien, ici, de nationalisme intra-fédéral, sans aucune espèce d'intention indépendantiste concrète.

Ce parti s'est souvent déchiré sur la place publique pour beaucoup moins que ça. Alors, quelle est donc la cause de cette apparente béatitude générale, qui pourrait valoir au Québec un navrant prolongement de son ratatinement provincial ?

En explorant diverses pistes d'explication, on se rend compte que tout tient à quelques traumatismes. Ce parti aurait-il besoin d'une psychanalyse ?

D'abord, il y a possiblement, chez certains, une peur bleue, si j'ose dire, de nouveaux débats médiatisés, et des désagréments qui les accompagnent. Voilà qui éveille des souvenirs.

Ensuite, on sent bien, il me semble, que la gauche péquiste fait plus confiance à Madame Marois qu'aux Bouchard, Landry et Boisclair. Ces gens-là ne veulent surtout pas rejouer dans le film du déficit zéro.

D'autre part, et c'est peut-être le phénomène le plus intéressant, il y a les anti-référendistes -- soulignons que je ne remets pas en cause la légitimité de leurs réflexions --. Il m'apparaît que ceux-là sont tellement contents de voir le référendum évacué -- eux aussi veulent conjurer le passé -- qu'ils en oublient carrément de voir que le bébé est parti avec l'eau du bain. Remarquons, à cet égard, l'enthousiasme de Gérald Larose, partagé ensuite par d'autres, alors que mme Marois avait pourtant déja remis solidement le couvercle sur la marmite.

Ainsi, pendant qu'on se perd en conjectures et qu'on s'emberlificote entre les gestes-de-rupture, les gestes-de-souveraineté, la gouvernance nationaliste, la souveraineté partielle, minimum, améliorée, de luxe, toute garnie, et quoi encore, on n'a pas l'air de se rendre compte que toute cette belle réthorique s'écrase comme du jello sur le mur du réel : Le chef veut gouverner comme tous les autres premiers ministres auparavant, c'est-à-dire en faisant ce qu'il peut pour ralentir notre marginalisation dans le Canada, en tirant le moins pire parti possible du régime actuel. Point.

D'ailleurs, on note ici que l'éléphant a produit un rejeton, une autre évidence qui passe bizarrement inaperçue : En se disant souverainiste tout en ne voulant pas parler de " mécanique ", le PQ s'arrange justement à coup sûr pour attirer l'attention, dans ses rangs et ailleurs, sur ladite mécanique -- ou son absence --, puisque si on est souverainiste, on doit bien vouloir réaliser la souveraineté d'une façon ou d'une autre, non ? À moins qu'on ne parle que des bouts de souveraineté que nous octroie déja ça et là le système canadien. Alors, on joue sur les mots, et le " souverainisme " du PQ ne veut plus dire ce qu'on croyait jusqu'ici; À moins que ce fut à tort ? Ouf, passons.

Il y a aussi ceux qui pensent qu'il ne faut pas trop s'engager parceque " la population n'est pas prête ". Seraient-ils vaincus psychologiquement par cet argument empreint de grisaille que les adversaires de l'indépendance martèlent systématiquement, à tel point qu'on voit bien qu'ils sont loin d'en être sûrs eux-mêmes ? Ces péquistes en sont-ils rendus à penser que la page éditoriale de La Presse est représentative de l'opinion publique sur la question nationale ? Il faudrait les ramener un instant dans les années quatre-vingt, alors qu'être indépendantiste ou raëllien, c'était presque pareil, ce qui n'a pas empêché Jacques Parizeau de ramer sans relâche vers une souveraineté sans équivoque, contribuant de façon essentielle à la conjoncture ayant mené au référendum de 1995. Sans ce PQ ferme et déterminé faisant pression, aurait-on assisté à la même suite d'événements -- Meech, Charlottetown, fondation du Bloc et avènement spectaculaire de Lucien Bouchard -- ?

Enfin, il y a Louis Bernard. Sujet intéressant. Comment cet homme arrive-t-il à concilier ses vues stratégiques -- référendum dès la prise du pouvoir et refus de la gouvernance provinciale --, avec celles, diamétralement opposées aux siennes, que son parti préconise en ce moment ? Il veut un référendum, son chef n'en veut pas; Il refuse la gouvernance provinciale, son chef ne veut faire que ça. On dirait que Monsieur Bernard n'est pas dans le bon parti.

En fait, il n'est pas surprenant que d'aucuns soient un peu perdus dans la boucane, tant la direction du PQ agite des concepts fumeux, et même fumigènes, depuis quelque temps; Souverainisme sans référendum, mais sans alternative, gestes de souveraineté dans le Canada... On n'est pas loin de la grosse farce d'Yvon Deschamps. Ni de l'autonomisme de l'ADQ, assez comique lui aussi.

Toute cette confusion trouve origine, à mon avis, dans le fait qu'un débat essentiel a été jusqu'ici escamoté, sur une question à laquelle on a répondu avec beaucoup trop de légèreté, en évoquant simplement quelques analyses à chaud au lendemain des dernières élections : Pourquoi ce parti refuse-t-il désormais d'assumer son option ? En d'autres termes, pourquoi ne s'engage-t-il plus concrètement à créer un pays ?








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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    7 février 2008

    Monsieur Payne,
    Je suis d'accord avec 98% de votre texte (je ne m'enfargerai pas dans les fleurs du tapis) mais je me demande pourquoi vous le concluez en accréditant l'idée, après avoir dit le contraire tout au long, que l'indépendance est encore "l'option" du PQ?
    En effet, vous dites que ce parti refuse de réaliser son option, en présupposant qu'il s'agit de l'indépendance.
    Pourquoi entretenir l'ambiguïté que vous dénoncez (fort bien) par ailleurs?