Pouvoir de l’opinion ou opinion du pouvoir

Crise sociale - printemps 2012 - comprendre la crise

« La fonction du pouvoir est d’assurer cette mesure de conformité qui est
nécessaire à la survie du groupe; sa source ultime est l’opinion – et qui
peut s’empêcher d’avoir des opinions d’une sorte ou de l’autre? […] Toute
opinion, tout désir fera de nous des participants dans la création de
pouvoir et dans la constitution de valeur économique. Aucune liberté d’agir
autrement n’est concevable. » (Karl Polanyi, La Grande Transformation)
C’est en ces termes que l’historien Polanyi aborde la question de la
liberté dans un système politico-économique interventionniste. L’auteur
soutient qu’il ne suffit pas d’être conformiste et de protéger les arrières
du pouvoir; il faut aussi préserver les libertés de chacun sans faire de
discrimination. C’est d’ailleurs ce qui constitue la différence majeure
entre l’interventionnisme étatique de type fasciste et socialiste. Le
fascisme est fondamentalement totalitaire. Il ne s’intéresse qu’à la
défense du pouvoir et des institutions qu’il contrôle. Le socialisme
authentique, quant à lui, doit préserver les droits des marginaux et des
minorités; ce que nos institutions et les médias de masse ne font
pratiquement plus aujourd’hui.
Comme le précise Jean Fourastié (Les trente
glorieuses
), les hommes de science sont à l’origine de la plupart des
découvertes, mais ils ne forgent pas l’opinion : « Ce sont les hommes de
lettres, les écrivains, les journalistes et les hommes politiques qui la
font. » Ce qui importe, selon Fourastié, c’est « […] d’affranchir l’homme
des liens du despotisme et de l’autorité pour qu’il puisse exercer sa
raison. » Autrement, les citoyens ne maîtrisent plus leur destin et sont
incapables d’instaurer une société juste et équitable.
Personnellement, je
ne suis pas étonné de constater que la liberté d’expression est souvent
bafouée au Québec. C’est comme si l'on était prisonnier à l’intérieur de
l’espace exigu d’un petit cerveau, conditionné par les impératifs des
patrons. Et que disent les patrons à huis clos aux journalistes? Sans doute
que la vérité, l’objectivité, et la diversité des opinions politiques
n’intéressent personne. Pourtant, il me semble que la lorgnette des borgnes
et son filtre idéologique désastreux ont déjà causé assez de malheurs.
On
raconte ici et là que les propriétaires fortunés des médias imposent leur
vision du monde à la population. Imaginez à quoi ressemblera le Québec,
lorsque le gouvernement dictera aux hommes de science, les conclusions de
leurs travaux de recherche. S’il le pouvait, pensez-vous qu’il s’en
priverait? Chers « journalistes », mis à part l’avenue de l’opportunisme et
la déification de la droite politique, qu’avez-vous à suggérer?
Je suis
d’accord avec Lucien Sfez lorsqu’il critique la communication en la
qualifiant de « tautisme » : « Principe qui consiste à prendre la
représentation de la réalité pour son expression. Par ce biais les médias
se copient les uns les autres et cette répétition tend à nous faire croire
qu'elle vaut preuve. Le terme est à la fois un néologisme et un mot-valise,
forgé à partir des mots tautologie et autisme (maladie de
l’auto-enfermement communicationnel dans laquelle le patient n’éprouve pas
le besoin de communiquer) […] Sfez a particulièrement bien choisi son mot,
car il évoque par assonance la totalité, la vérité totalisante et le
totalitarisme. » (http://blog.legardemots.fr/post/2009/07/29/Tautisme)
J’exhorte les journalistes dignes de cette profession à nuancer leur propos
et à disserter sur autre chose que les aventures de la droite politique,
s’ils en sont capables. Parce qu’actuellement, dans le genre crétinisation
et valorisation de la bêtise humaine, on ne fait pas mieux.
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    14 mai 2012

    Monsieur Cloutier,
    J'ai déjà mentionné votre idée de chambre citoyenne issue d'un tirage au sort dans certains commentaires que vous avez peut-être lus.
    Je m'excuse de ne pas toujours avoir dit que c'est vous qui m'aviez donné l'idée.
    Ceci dit, je partage votre idée là-dessus; ce que je veux dire en parlant d'abstention concerne les prochaines élections provinciales.
    Car je doute que le tirage au sort sera en vigueur à ce moment-là.

  • Archives de Vigile Répondre

    14 mai 2012

    M. Benoit,
    La seule vraie et unique question que les citoyens doivent se poser est fort simple, mais tout le monde l'oublie. C'est celle d'Aristote : qui détient le pouvoir et au profit de qui?
    Nous ne vivons pas en démocratie et nous n'avons jamais vécu en démocratie. Nous vivons sous un régime de gouvernement représentatif, dans lequel les citoyens élisent leurs maîtres, les politiciens professionnels.
    Dans un tel régime, les citoyens ne sont jamais au pouvoir. Ce ne sont pas des véritables citoyens, mais des électeurs, car une fois élus, avec l'aide de ceux qui les financent, les maîtres font ce qu'ils veulent et les citoyens n'ont aucun moyen de les récuser, avant une autre élection.
    Si nous voulons une véritable démocratie, il faut avoir la lucidité et le courage de remettre en cause l'élection et de la remplacer par le tirage au sort, pour des mandats courts et non renouvelables.
    Si vous avez le courage et la lucidité de sortir du cadre du régime de gouvernement représentatif dans lequel nous vivons, vous allez vous rendre compte qu'il y a tout un monde nouveau et captivant qui s'ouvre à nous. Si vous restez dans ce cadre, vous allez tourner en rond, comme nous le faisons actuellement.
    Message à Didier.
    L'abstention de vote n'est pas une solution et c'est une abdication de son statut de citoyen responsable qu'on doit acquérir.
    Il faut se battre pour remplacer la démocratie de représentation (l'élection) par autre chose, qu'on appelle la démocratie directe et la démocratie participative.
    Et cela commence par l'écriture d'une constitution par et pour les citoyens et non pas, comme maintenant, par et pour les hommes au pouvoir, car ces derniers ne voudront jamais lâcher une parcelle de leurs pouvoirs et privilèges, pas plus que l'aristocratie n'a voulu abandonner ses privilèges avant la Révolution française. Les nouveaux aristocrates modernes sont les politiciens professionnels. Une fois que vous avez compris cela, vous avez tout compris.
    La cause des causes de tout ce que nous vivons de malsain dans notre système de fausse démocratie, c'est l'élection qui tire sa légitimité d'une constitution rédigée par et pour les hommes de pouvoir.
    Vous aurez beau vous battre sur les conséquences de cette oligarchie et elles sont nombreuses vous n'arriverez jamais à rien si vous n'avez pas le courage et la lucidité de remettre en cause le régime de gouvernement représentatif (l'élection).
    Seule une constitution rédigée par et pour les citoyens peut changer les choses. Le reste c'est juste du bavardage et une perte de temps.
    Pour en arriver à une véritable démocratie, il faut couper la tête (symboliquement) de ces nouveaux aristocrates (les politiciens professionnels et leurs alliés objectif, les forces du marché) comme les révolutionnaires de 1789 l'ont fait avec la monarchie et l'aristocratie.
    La révolution de 1789 n'a par ailleurs jamais été une révolution citoyenne. Elle a été d'abord et avant tout une révolution bourgeoise, celle d'une nouvelle classe, les riches marchands qui s'opposaient aux privilèges de la monarchie et de l'aristocratie.
    Les révolutionnaires de 1789 n'ont jamais voulu une véritable démocratie dans laquelle les citoyens exerceraient directement le pouvoir. Ils ont accouché d'un gouvernement représentatif contrôlé par les pouvoirs de l'argent.
    Et ce n'est pas le PQ, ni QS qui vont changer cela, pas plus que le PS en France.
    Pierre Cloutier

  • Archives de Vigile Répondre

    14 mai 2012

    Et pour revenir à ce que je viens de dire dans l'autre commentaire, cela démontre que les élections ici au Québec et au Canada ne sont qu'une arnaque destinée à perpétuer le statu quo social, économique et politique.
    Ainsi, il n'est pas exact de dire que nous vivons en démocratie.
    Un article de monsieur Michel Rolland avait attiré mon attention en février dernier.
    Son article était intitulé: "En lisant Monsieur Nestor...
    Contre la dictature… Pour l’abstention !"
    Monsieur Rolland suggérait que la seule solution était de s'abstenir d'aller voter.
    Car de toute façon, seuls les "satisfaits" de la société vont voter en grand nombre. Les autres n'y vont pas beaucoup.
    Mais si le taux de participation aux élections devenait très bas, la légitimité du pouvoir en serait évidemment affectée.
    C'est dans ce sens que j'avais compris l'article de monsieur Rolland.
    http://www.vigile.net/Contre-la-dictature-Pour-l

  • Archives de Vigile Répondre

    14 mai 2012

    Monsieur Benoit,
    Vous avez raison de dire que la liberté d'expression n'est pas si grande que ça au Québec.
    Monsieur Pierre JC Allard dans un récent article dit craindre que même les médias alternatifs soient mis au pas afin d'éviter les opinions dissidentes par rapport à l'opinion de l'élite qui doit être celle de tout le monde.
    Monsieur Allard cite le genre de commentaires que l'on publie dans les médias mainstream comme celui-ci:
    "Vendredi 11 mai, en pleine crise étudiante, voici ce que nous dit Ligulaire : « Le mouvement étudiant tient le même discours que Québec Solidaire. Quel pourcentage du vote croyez-vous que QS va obtenir aux prochaines élections? »
    http://www.centpapiers.com/quebec-solidaire-cherche-des-candidats/97108
    Ça vous donne une idée...