Ce qui au départ était un mouvement de grève étudiant est devenu, en l’espace de quelques semaines, un puissant mouvement de contestation sociale. Que s’est-il passé ? L’instauration d’une loi spéciale qui restreint les libertés d’expression, d’association et de réunion pacifique des Québécois n’est certes pas étrangère à cet élargissement du conflit étudiant. Mais la loi 78, aussi abusive soit-elle, n’explique pas tout. L’indignation d’une grande partie de la population couvait en silence.
Depuis une trentaine d’années - et en particulier depuis le milieu des années 1990 -, on assiste au Québec à une transformation majeure de nos institutions publiques. Détournées de façon à favoriser l’accumulation privée de la richesse, elles servent de moins en moins le bien commun. Au nom du « déficit zéro », de la « réingénierie de l’État » ou de la « révolution culturelle », la population se voit imposer des politiques menant à l’appauvrissement (comme la taxe santé) et des coupes dans les services publics. Plus rien ne semble être à l’abri de la « logique » néolibérale, de son état de crise permanente et de son principe de l’utilisateur-payeur.
En inscrivant leur contestation de la hausse des droits de scolarité dans un ensemble d’enjeux beaucoup plus grand, que ce soit la mobilité sociale, l’endettement, la redistribution de la richesse ou encore la privatisation et la marchandisation des services publics, les étudiants ont mis en lumière les conséquences néfastes du modèle néolibéral sur une multitude d’aspects de la vie collective. Leur critique du dégel des droits de scolarité a agi comme un révélateur des fondements mêmes de ce modèle.
Dans la circonstance, leur contestation a trouvé écho non seulement chez les personnes en situation de pauvreté et celles de la classe moyenne, lesquelles se sont appauvries avec la vague de politiques néolibérales des dernières années, mais aussi chez les personnes qui, tout en faisant partie des classes nanties de la société, considèrent les inégalités socioéconomiques comme un grave problème auquel il faut s’attaquer.
La force sous-tendant le mouvement Occupy s’est donc de nouveau manifestée au Québec par ce ralliement à la cause étudiante. Au-delà des droits de scolarité, il faut trouver des solutions qui répondent aux insatisfactions de la population, beaucoup plus consciente des détournements du bien commun par l’élite économique et des impasses de l’ordre néolibéral depuis la crise de 2008.
Un exemple illustrant bien le caractère inéquitable et indécent du néolibéralisme ambiant : pendant que 750 000 personnes au Québec n’ont pas un revenu suffisant pour couvrir leurs besoins de base, le gouvernement s’apprête à subventionner à coups de centaines de millions de dollars des routes dans le nord afin que les multinationales de l’industrie minière puissent s’y enrichir davantage.
Ce que la présente crise sociale montre, c’est qu’une fraction importante de la population souhaite vivre dans une société qui tend vers l’égalité. Améliorer le revenu des personnes en situation de pauvreté, garantir l’accès à des services publics universels de qualité (y compris les études supérieures) et réduire les écarts de richesse, tels sont les meilleurs moyens d’y parvenir. C’est pourquoi il faudra bien, tôt ou tard, repenser le pacte social et fiscal qui définit la relation des citoyens entre eux et avec l’État.
Le gouvernement voudra-t-il s’engager de plein gré sur cette voie ? Un doute subsiste. Mais c’est à nous, travailleurs et personnes sans emploi, étudiants et retraités, habitants des régions et des grandes villes, hommes et femmes, c’est à nous de le contraindre à s’y engager. Certes, il s’agit là d’une lutte de longue haleine. Mais nous la gagnerons.
Ensemble.
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Serge Petitclerc, Porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté
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