Le PQ n'a pas tardé à faire connaître sa réaction à la suggestion de Jacques Duchesneau. Il ne veut rien entendre d'une sorte de préenquête à huis clos menée par un trio de juges, qui serait le prélude à une enquête publique sur la corruption dans l'industrie de la construction.
«On a eu assez de cachotteries. Ça prend une enquête publique. On veut entendre les questions et les réponses, on veut savoir qui témoigne», a lancé le député de Marie-Victorin, Bernard Drainville.
C'est de bonne guerre. Depuis quelques mois, le gouvernement semblait être en mesure de se dérober. Maintenant que le dossier est revenu à l'avant-plan de l'actualité, le PQ n'allait tout de même pas lâcher le morceau aussi facilement.
On ne sait pas exactement combien de temps pourrait durer cette préenquête, mais elle ne serait sûrement pas terminée avant les prochaines élections générales. Pas question de permettre au premier ministre Charest de refaire le coup de la commission Bouchard-Taylor, qui avait permis de noyer le poisson des accommodements raisonnables à la veille de la campagne du printemps 2007.
Pour une raison ou une autre, la perspective d'une enquête publique n'a jamais semblé enthousiasmer François Legault. Certes, il a promis d'en déclencher une s'il prend le pouvoir, mais cet engagement ressemblait plutôt à de la résignation. Pas étonnant que le compromis proposé par M. Duchesneau lui ait tout de suite plu.
M. Duchesneau est un fin renard, qui sait distinguer le possible du souhaitable. Il a bien compris que M. Charest ne céderait à aucune pression visant à lui forcer la main. On peut voir l'idée d'une enquête à huis clos comme une porte de sortie offerte au premier ministre, mais aussi comme une façon de lui faire mettre le doigt dans l'engrenage. La réaction du gouvernement a été plutôt circonspecte. S'il rejette catégoriquement cette proposition, il sera jugé encore plus sévèrement.
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Lors de son passage à Tout le monde en parle, le patron de l'Unité anticollusion du ministère des Transports a expliqué qu'il est très difficile de prouver hors de tout doute raisonnable l'existence d'une collusion qui résulte d'une entente secrète entre deux personnes.
La commission Cliche, à laquelle on fait souvent référence, avait suivi exactement la démarche qu'il propose. «Nous avons travaillé à huis clos durant quelques mois pour recueillir la preuve. On assignait des témoins et nous les écoutions à huis clos», expliquait Guy Chevrette dans une entrevue accordée à La Presse en novembre 2009.
Pourtant, la commission Cliche bénéficiait déjà d'une masse d'information accumulée par la Commission d'enquête sur le crime organisé grâce à l'écoute électronique. Les autorisations nécessaires sont infiniment plus difficiles à obtenir aujourd'hui.
«Quand on allait devant le public, on savait exactement ce qui sortirait», disait M. Chevrette. Une commission d'enquête publique sur la corruption devrait faire ce débroussaillage elle-même, avec tous les risques que cela comporte pour les réputations. Tous ceux qui seraient appelés à témoigner deviendraient aussitôt suspects aux yeux de la population. Certes, la justice doit être publique pour être exemplaire, mais une commission d'enquête n'est pas l'endroit indiqué pour aller à la pêche.
À partir du moment où une étape à huis clos sera nécessaire, peu importe le format retenu, ceux qui veulent réellement aller au fond des choses ne devraient pas s'opposer à la proposition de M. Duchesneau, pour autant que cette première étape soit bien suivie d'une autre.
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Tous ceux qui ont entendu M. Duchesneau critiquer le travail des médias ont compris qu'il visait d'abord l'empire Quebecor, et plus particulièrement TVA, dont un journaliste avait lui-même laissé entendre que le patron de l'Unité anticollusion était responsable de la fuite de son propre rapport. Il est plutôt rare de voir un journaliste réclamer avec une telle insistance la tenue d'une enquête sur une fuite dans un média, fût-il un concurrent.
On peut facilement comprendre que M. Duchesneau dérange bien des gens, mais la rumeur qui lui prête l'intention de tenter un retour en politique, après sa candidature malheureuse à la mairie de Montréal, est bien antérieure à la partie de golf, apparemment imaginaire, qu'il aurait jouée avec François Legault.
Au cours de la dernière année, le chef de la Coalition pour l'avenir du Québec a pris contact avec presque tous ceux qui pourraient rendre son futur parti plus attrayant. Qu'il ait sondé directement ou indirectement un personnage aussi en vue que l'ancien chef de police de la Ville de Montréal n'aurait rien d'étonnant, ni de scandaleux.
De toute évidence, les propos de M. Duchesneau ont piqué la curiosité des membres de la commission parlementaire qui l'entendront cet après-midi. Il ne faudrait cependant pas perdre l'essentiel de vue. Celui qui a le pouvoir de décider si la lumière sera faite ou non demeure le premier ministre.
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