Pour renouveler la vision de la souveraineté du Québec

Le Parti Québécois doit faire preuve de pragmatisme

Tribune libre - 2007

Les indépendantistes québécois s'apprètent maintenant à remettre en
question la vision qu’ils entretiennent depuis 1969 sur la souveraineté du
Québec. Cette révision aura du succès si les critères suivants sont établis
et respectés. Les indépendantistes doivent entreprendre cette démarche sans
complaisance pour le passé qui a eu sa part de succès, en évitant le
dogmatisme et en abordant des sujets difficiles jusqu'ici considérés
tabous. Ils doivent le faire également sans remiser la souveraineté comme
un rêve lointain, un objectif idéal plus ou moins réalisable, comme une
douce utopie. La souveraineté doit demeurer un objectif politique de
premier plan au cours du prochain mandat et sa progression mesurable et
indiscutable si le parti veut satisfaire sa base militante. L'opinion
publique québécoise, canadienne et internationale doit sentir le caractère
de plus en plus imminent de l'indépendance au cours de ce prochain
mandat.
Les indépendantistes doivent éviter de centrer cette révision sur
l'opportunité de tenir un référendum dans le prochain mandat alors que
d'autres questions soulevées par les adversaires demandent des réponses
plus urgentes. Qu'il suffise de démontrer que la démarche référendaire est
nécessaire mais pas nécessairement dans le prochain mandat. Le droit à
l'auto-détermination du peuple québécois continuera d'être instrumenté dans
le programme du Parti Québécois parce que cela demeure le devoir d'un parti
politique du Québec de donner sa vision des circonstances dans lesquelles
le peuple souverain exercera son droit à l'auto-détermination. Les partis
fédéralistes seront interpelés sur cette question de façon à ce que la
population sache la vision qu'ils entretiennent à ce propos en relation
avec leurs projets respectifs et leurs intentions véritables de consulter
la population advenant la réalisation de leurs objectifs nationaux et
fédéralistes qui nécessitent la signature du Québec à la Constitution
Canadienne. Pour ce qui est du Parti Québécois, le réalisme commande de
mesurer la tâche de persuasion qui reste à faire avant d'enclencher le
processus référendaire au cours du prochain mandat.
Les objections à l'indépendance sont connues. La plupart qui ont porté
jadis sur la capacité économique de l'état québécois et sur l'existence
même de la nation québécoise ont été largement documentées et les réponses
suffisamment étoffées de sorte qu'il existe aujourd'hui des consensus
importants sur ces matières entre les partis politiques du Québec.
Pratiquement plus personne ne met en doute l'existence de la nation
québécoise qui a reçu tout récemment la reconnaissance du gouvernement du
Canada. Nos adversaires politiques ont concédé que les Québécois disposent
des moyens financiers et des ressources humaines pour réaliser
l'indépendance du Québec. Voilà donc une page importante de ce grand débat
qui se termine à l'avantage des souverainistes qui ont toujours soutenu ces
idées. L'évolution du débat porte maintenant sur de nouveaux aspects
desquels les adversaires de l'indépendance tirent aujourd'hui leurs
principales objections. Elles se résument de deux ordres :
1. Si le Canada est divisible, le Québec l’est tout autant, est une idée
qui choque mais qui trouve des appuis importants. Les indépendantistes n’y
voient qu’une tactique de peur et lui opposent le caractère indivisible du
territoire québécois. C’est une réponse dogmatique peut être juste mais qui
ne pose pas sa contrepartie politique pour apaiser les craintes suscitées
par cette question.
2. La loi sur la clarté référendaire a une portée politique réelle à
laquelle les indépendantistes apportent une fois de plus une réponse
dogmatique peut être juste, quelquefois teintée de considérations
stratégiques, mais qui ne pose dans tous les cas pas sa contrepartie
politique pour rassurer toutes les personnes de bonne foi sur la portée
exacte de la réponse livrée au cours d'un éventuel référendum.
La divisibilité du Québec
Les indépendantistes se font une image surréaliste de l’indépendance. À
les entendre, la victoire référendaire devrait constituer un aboutissement
politique qui ne restera plus qu’à célébrer alors que la réalité est tout
autre. Le Québec indépendant vivra un problème d’unité nationale au moins
aussi important que le Canada. Il faut admettre que de nombreux Québécois
sont et demeureront profondément attachés au Canada. Le défi du Québec
indépendant sera de mieux résoudre ce problème que le Canada n'a su le
faire. C’est en ce sens que l’idée de M. Stéphane Dion sur le caractère
divisible du Québec prend tout son poids politique. Bien entendu, le Québec
indépendant continuera à défendre l’indivisibilité du territoire québécois
comme le Canada le fait actuellement mais les indépendantistes rêvent en
couleur s’ils croient que l’indépendance nous dispensera de ce problème.
Le Québec souverain a cependant des atouts que le Canada n’a pas dans sa
lutte contre le séparatisme québécois. Le territoire québécois a une
dimension qui confère à son économie une plus grande homogénéité et par
conséquent des intérêts communs plus évidents. Le Québec a une communauté
nationale également plus homogène et des valeurs communes mieux ciselées.
Ainsi le Québec a longtemps été décrit comme une grande famille bien
encline à la chicane ! Le Québec aura l’opportunité de se doter au départ
d’une Constitution moderne qui est conforme à ses aspirations et à ses
besoins. Pour sa part, le Canada qui a déclaré son indépendance en 1931
aura vécu 50 ans sous l’emprise d’une loi du Parlement britannique. Le
rapatriement de 1981 n’aura pas encore permis de doter le pays d’une
constitution moderne et le pays se trouve aux prises avec une formule
d’amendement qui freine très certainement sa capacité d’établir son unité
nationale. Le Québec possède en outre toutes les données de l’expérience
canadienne et des erreurs commises par le Canada dans sa lutte au
séparatisme québécois.
Voilà aussi l’explication pourquoi les Québécois ne veulent pas un nouveau
référendum. Les attentes et les réponses du Parti Québécois à ces
objections sont perçues tout à fait irréalistes. L’argument des adversaires
fédéralistes sur le caractère diviseur de la démarche référendaire a un
impact politique négatif sur la population qui nécessite une réponse
politique. Mais pour donner une telle réponse, il faut tout d’abord
commencer par reconnaître le problème.
Les éléments de réponse ne manquent
pas. L’histoire canadienne en livre quelques-uns. Les référendums de
Terre-Neuve, le plébiscite sur la conscription ont produit des décisions
légitimes malgré des résultats controversés. Et tout indique qu'un
référendum fédéraliste sur un projet menant à la signature du Québec de la
Constitution Canadienne trouvera également un résultat controversé. Puisque
la décision sur l'avenir du Québec se trouve entre les mains du peuple
québécois et puisque le peuple québécois demeurera partagé sur son avenir,
il y a lieu de croire que cette décision sera d'une nature controversée
quels qu'en soient la direction et le moment.
Les fédéralistes possèdent
l'avantage tactique d'inciter le peuple québécois à ne rien décider puisque
dans les faits, le Canada accueille le Québec en dépit de son refus
d'adhérer à la Constitution Canadienne. Mais les fédéralistes se trouvent
ainsi dans les faits à placer la décision de l'avenir du Québec dans les
mains du gouvernement du Canada et à affaiblir la capacité du Québec de
participer au processus de renouvellement de cette constitution. Ne pas
adhérer à la Constitution Canadienne et prétendre en même temps être le
leader des changements constitutionnels du Canada apparaît être une
position tout à fait contradictoire mais telle est pourtant la prétention
des partis fédéralistes du Québec. Dans la mesure où cette période
d'incertitude et d'indécision perdure, et cela dure maintenant depuis 26
ans, cette politique des fédéralistes québécois hypothèque le droit des
Québécois à l'auto-détermination et équivaut à la renonciation de
l'exercice de ce droit fondamental dans la plupart des circonstances. C'est
la perception que le Canada entretient de la position fédéraliste
québécoise et une raison supplémentaire de son peu d'empressement à
accommoder le Québec depuis 26 ans, au delà de la récente ouverture de
nature symbolique sur la reconnaissance de la nation québécoise.
Le Parti Québécois doit faire preuve de pragmatisme. L'objectif politique
est de créer un mouvement favorable à la souveraineté fondé sur la
confiance et sur la tolérance de l'opinion publique qui est faite aussi
d'opinions contraires à son option. Le Parti Québécois progressera dans
cette voie en respectant les attentes des Québécois qui demeurent attachés
au Canada et qui manifestent déjà cet attachement dans le mouvement de
partition. Le Parti Québécois défendra toujours, bien évidemment,
l'intégralité de son territoire mais sera ouvert aux accommodements
politiques susceptibles de rassurer la population, même s'il faut les
trouver dans des concessions au plan du dogme de l'intégrité du pouvoir
souverain de l'État québécois. Il existe des formules qui ont été
appliquées ailleurs dans le monde susceptibles de résoudre les problèmes
relatifs aux aspirations conflictuelles des populations qui ont connu de tels
problèmes afin de réduire les tensions et de supprimer les obstacles à la
réalisation et au fonctionnement des états souverains. À nous de les
définir dans le contexte québécois et de les faire valoir !
La loi sur la clarté référendaire
Les indépendantistes doivent admettre que la loi sur la clarté a eu un
impact politique important jusque dans notre propre camp. La réaction des
indépendantistes qui affirment que la voie référendaire est maintenant sans
issue à cause de cette loi en est une bonne démonstration. Le nombre de
souverainistes qui croient que l’indépendance ne se réalisera jamais en
raison du processus décrit dans cette loi est aussi un effet négatif
important. À la lecture des sondages et des scrutins sur le désir
d'affranchissement des Québécois, rien ne permet pourtant d’afficher pareil
pessimisme puisque l'appui à la souveraineté demeure élevé en dépit de ces
objections. Élevé mais stable, pour ne pas dire stagnant !
Il faut apporter aussi une réponse politique aux objections faites au
moyen de la loi sur la clarté référendaire. Les Québécois sont d’accord
avec plusieurs éléments de cette loi malgré les répliques dogmatiques du
Parti Québécois. La question doit être claire et simple, c’est à dire
porter sur l’indépendance et rien d’autre. Il faut en finir avec la
sémantique et aller droit au but. Le Parti Québécois doit s’engager à
rechercher une réponse sans équivoque. Les Québécois sont d’accord avec
l’idée émise par Robert Bourassa sur la clarté de cette réponse. On ne
défait pas un pays avec quelques milliers de vote au delà de 50 %. tant
qu’il est encore raisonnable de croire qu’un référendum ultérieur est
susceptible de produire une décision différente. Le Parti Québécois doit
admettre la sagesse de cette affirmation et proposer de s’engager à
n’entreprendre aucune démarche en vue d’établir l’indépendance avec un
score égal ou inférieur à 51 %. En délaissant la règle indiscutable de la
majorité démocratique, les indépendantistes s'exposent à un marchandage
avec le camp fédéraliste sur le seuil raisonnable à fixer mais le cadre de
cette négociation de bonne foi demeurera limité à l'aspect de la clarté de
la réponse.
Pour les indépendantistes inquiets d’une pareille concession à la raison
politique, il faut soumettre qu’un résultat référendaire de plus de 50 %
mais qui n’atteint pas 51% constitue tout de même un atout précieux pour
faire valoir les intérêts du Québec qui sera apprécié à sa juste valeur par
toute la population québécoise et qui marquera une avancée indiscutable de
l'option souverainiste. Et rien ne permet de croire qu’une telle réponse,
si elle devait se produire, serait finale et sans appel. Le Canada devra
alors prendre acte de la volonté majoritaire d'une plus large part
d'autonomie et ne sera pas davantage enclin à modifier l'évolution de ses
institutions pour satisfaire les demandes sousjacentes.
Les indépendantistes ont connu le succès lorsqu'ils n'ont pas craint
d'affronter les campagnes de peur dont les fédéralistes québécois semblent
si friands. Il faut faire face et s'encourager dans cette voie parce que
cela démontre, mieux que nous saurions le faire, la vacuïté des arguments
fédéralistes québécois. On ne bâtit pas un pays avec des arguments de peur
! Sans doute en orchestreront-ils de belles autour de ces idées
partitionnistes et de la clarté référendaire. Les indépendantistes ne
doivent plus craindre de reconnaître qu'il y aura une période de
perturbation à la suite d'une victoire claire mais s'appliquer dès
maintenant à démontrer que l'état du Québec indépendant sera en mesure d'y
faire face dans le calme et avec la sérénité d'esprit qui inspire la
confiance.
Gilles Laterrière
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/spip/) --


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