[En 2003, Jean Charest clamait haut et fort->4636], la main sur le coeur, que lorsqu'on est malade, on n'a pas besoin d'une carte de crédit - une seule carte suffit: la carte d'assurance maladie! L'effet était spectaculaire.
Pourtant, son budget "historique" propose de faire payer plus qu'on ne le fait déjà par le biais de l'impôt basé sur les revenus. D'ici 2012, chaque adulte gagnant plus que la mirobolante somme de 14 040 $ devrait payer une "taxe santé" annuelle de 200 $. Que son revenu soit de 15 000 $ ou de 500 000 $. Inéquitable? C'est peu dire.
S'ajouterait ensuite un ticket modérateur par visite médicale tournant autour des 25 $ selon le "type" de visite. L'art de "modérer" le nombre de visites des moins nantis. Quant à ce que serait le montant "plafond" annuel, ça reste à voir. D'ailleurs, tout ce qu'on sait, c'est que M. Charest laisse maintenant entendre qu'une des deux mesures serait peut-être modulée selon le revenu. Mais on ne sait pas trop encore. Lui non plus, d'ailleurs, semble-t-il.
Tout dépendra, on imagine, des prochains sondages...
Ces deux mesures sont néanmoins des ponctions proprement scandaleuses. Parce qu'elles seront faites en partie indépendamment des revenus des particuliers. Ce qui réduira encore plus l'accessibilité aux soins. Et parce qu'on le fera pour amasser 945 millions de dollars après que le gouvernement lui-même eut privé l'État de plus de 10 milliards de dollars en revenus depuis 2003 en baissant taxes et impôts par entêtement idéologique. Cherchez l'erreur.
Pour calmer le pompon de la population, on lui chante un refrain connu: les plus pauvres seront dédommagés par un "crédit de solidarité". La belle affaire. Mais on sait d'expérience que pour être "dédommagé", il faut être pauvre en bibitte. Et que ça risque de ne couvrir qu'une partie de ces nouvelles taxes déguisées.
Imposer le principe de l'"utilisateur-payeur" en santé est carrément un piège pour les travailleurs à petits revenus et la classe moyenne. Dont surtout ceux et celles qui auront la "malchance" d'avoir un cancer, une maladie chronique ou tout autre état nécessitant un suivi médical répété.
Le tout, bien sûr, si l'annonce du gouvernement Charest passe le "test" de la Loi canadienne sur la santé, laquelle garantit plutôt le caractère universel et public des soins de santé au pays. C'est à suivre.
La "nature humaine" selon Jean Charest
Vous me direz qu'il n'y a rien de surprenant à ce qu'un premier ministre aux idées conservatrices les applique. Vous avez raison. Mais il y a un os: à l'élection de 2008, il n'a PAS demandé le mandat d'imposer une kyrielle d'augmentations de tarifs, ni de créer de nouvelles "taxes" régressives en santé.
Le 17 avril, en entrevue au Devoir, M. Charest se disait toutefois convaincu d'avoir "enrichi" les Québécois depuis 2003. "Ils ne le sentent pas, on le sait très bien, la nature humaine étant ce qu'elle est." Bon. Restons polis et contentons-nous de dire que cela n'est pas une question de "nature humaine", mais plutôt de réalisme.
Et ça ne va pas s'améliorer. Du moment où, en plus de ses impôts, un couple à revenus modestes ou moyens paierait 400 $ par année pour sa taxe santé, quelques autres centaines de dollars pour les visites médicales, de même que, s'il en a besoin, pour un nombre croissant de "services" donnés au privé, certains se demanderont si, tout compte fait, ce ne sera pas moins cher d'aller chez le vétérinaire?
Sans compter que si on a un cancer, une étude récente en place le coût "moyen", mais sous-évalué, pour un patient et sa famille, à 19 000 $ par année. Au rythme où l'iniquité se glisse dans ce système - sans compter que 30 % des dépenses globales en santé au Québec sont déjà de nature privée -, il faudra peut-être mettre une nouvelle maxime sur nos plaques: Bienvenue au Québec. Mieux vaut être riche et en santé que pauvre et malade!
"Changer" le Québec
Si rien ne change dans les prochaines années, les soins risquent d'être encore moins accessibles et plus coûteux en frais privés. Comme si le tort déjà fait au système sous Lucien Bouchard avec le déficit zéro et les fermetures d'hôpitaux ne suffisait pas.
Ce faisant, on se prépare un réveil collectif brutal et un problème majeur de santé publique. Pourquoi? Parce que la pénurie de médecins de famille est loin de se résorber. Ce qui rend la prévention et l'accès aux soins déjà bien assez difficiles. Parce que la population vieillit et que les maladies chroniques se multiplient. Dans un tel contexte, ajouter un obstacle financier supplémentaire revient à risquer de fragiliser encore plus la santé publique.
Dans cette même entrevue au Devoir, Jean Charest disait espérer ceci: "j'aimerais qu'on puisse dire que j'ai changé le Québec". Souhait exaucé, en effet.
Mais quelqu'un devrait peut-être lui susurrer à l'oreille que l'important pour un premier ministre responsable est de "changer" sa société pour le mieux. Et non pour le pire...
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