Wikibruits

Potins et évidences

Premier article d'une série de quatre

Chronique de Bernard Desgagné

Pour échapper à la détection, les sous-marins modernes émettent des bruits de fond savamment étudiés pour masquer les sons révélant leur présence. C’est un principe qui est également employé dans les opérations psychologiques de la CIA et du Pentagone et dont nous avons actuellement une belle démonstration avec Wikileaks.
Il ne fait aucun doute dans mon esprit que les «révélations» de Wikileaks ne sont que des bruits de fond. Appelons-les des wikibruits. Le seul fait de les qualifier de «révélations», comme les journaleux à gages de Desmarais l’ont fait, à Radio-Canada et à La Presse, depuis une dizaine de jours, est un acte soit de grande incompétence journalistique, soit de complicité avec les bruiteurs embauchés par le complexe militaro-industriel et bancaire qui gouverne le monde depuis Washington et Wall Street. Il n’y a absolument rien de neuf dans ces révélations, qui sont en fait des énièmes redites de mensonges largement propagés pour servir les intérêts de l’Empire, de son parasite sioniste et de leurs laquais, dont le Canada est l’un des plus serviles.
Où sont les révélations?
Les États-Unis espionnent Ban Ki Moon? Quelle révélation! Tout le monde sait que l'ONU est un nid d'espions, de toute manière, et que Ban Ki Moon n’est qu’une marionnette au service de l’Empire, sans aucun pouvoir réel.
Angela Merkel n'a pas d'imagination, Vladimir Poutine est un mâle dominant, Silvio Berlusconi est un irresponsable et Nicolas Sarkozy est un personnage susceptible et autoritaire. Amid Karzaï dirige un gouvernement ultracorrompu. Voilà autant de truismes qui n’ont rien d’un scandale diplomatique. Ce sont de vulgaires potins sauf aux yeux des martiens et des journalistes qui les qualifient de révélations.
L'Arabie saoudite veut qu'Israël bombarde l'Iran. Mince alors! Les sunnites n’aiment pas les chiites! C’est Mahomet qui doit se retourner dans sa tombe en l’apprenant. Sans blague.
Le royaume de l’Arabie saoudite, où les femmes sont partout couvertes de la tête aux pieds, mais où les civilisateurs occidentaux à cartouchière sont néanmoins absents, est le meilleur allié d’Israël et des États-Unis dans la région. On le sait depuis toujours. Et la population saoudienne en est parfaitement heureuse, elle qui n’a pas levé le petit doigt pour protester contre le saccage de l’Irak, au contraire, et qui verrait tout à fait son profit également dans une attaque contre l’Iran, dont l’emprise sur le détroit d’Ormuz pourrait devenir un sérieux problème pour les exportations de pétrole saoudien.
Tout à coup, les wikibruiteurs font mine de passer aux choses sérieuses. L'Iran aurait des missiles capables d'atteindre l'Europe. Les wikibruits se mettent à ressembler étrangement aux cris d’épouvante qui surgissent des entrailles de l’Empire, depuis les officines où l’on agite le spectre des mauvais clients contre lesquels le Pentagone prépare des opérations militaires. Voilà des fuites qui ont plutôt l’air d’une politique étrangère bien connue.
Il s’agit de la politique qui consiste à prendre pour cible tantôt Al-Qaïda, tantôt l’Afghanistan, tantôt l’Irak, tantôt l’Iran, tantôt la Corée du Nord, tantôt le Soudan, tantôt d’autres pays, en invoquant la défense des droits de la personne, la démocratie, la lutte contre le terrorisme, l’intégrisme religieux ou d’autres motifs fallacieux, mais qui n’en a qu’un seul véritable: freiner l’expansionnisme économique de la Chine et l’établissement d’un nouvel ordre mondial pouvant se passer de la monnaie de singe étasunienne et des marchands d’armes de l’Empire.
Des médias friands de burlesque et de désinformation
Les metteurs en scène des wikibruits ont pu compter, la semaine dernière, sur une distribution impressionnante, mais ils ont confié à la secrétaire d’État Hillary Clinton, au mandarin Tom Flanagan et à l’agent secret Michel Juneau-Katsuya des rôles caricaturaux de curés ou d’ayatollahs priant pour les âmes des diplomates qui allaient mourir et lançant des fatwas contre leurs délateurs inconscients. Avec un scénario aussi peu crédible, le drame ne pouvait que prendre l’allure d’une comédie burlesque, dans laquelle s’est bien gardé de jouer, par exemple, Charles-Philippe David, de l’UQAM, qui, en filigrane, a conseillé aux énervés de Radio-Canada de se trouver, comme prochain topo, un autre sujet que des notes diplomatiques sans intérêt.
Mais Radio-Canada persistait quand même lundi matin, le 6 décembre, à faire des wikibruits son premier sujet de l’actualité, en parlant de la divulgation d’une liste d’installations vitales pour la sécurité de l’Empire. Aussi bien dire une liste de lapalissades. La journaliste, Manon Globensky, ajoute qu’on «ne soupçonnait pas l’existence de cette liste». Vraiment? Pourtant, c’est l’absence de liste qui eût étonné n’importe quelle personne sensée.
À l’évidence, la première puissance militaire au monde, qui se comporte en brute impitoyable dans les pays qui ne font pas son affaire, doit forcément se douter qu’elle a beaucoup d’ennemis. Ce n’est pas pour rien que ses dépenses militaires équivalent à celles de tous les autres pays réunis. À moins que ses généraux ne soient d’une incompétence impardonnable, la moindre des choses est qu’ils sachent où l’ennemi pourrait faire des dommages.
Remarquez que je ne serais pas étonné si la liste «divulguée» n’était qu’un amuse-gueule pour journalistes crédules et que de l’information beaucoup plus précise existe au Pentagone, non seulement pour parer aux attaques, mais aussi pour concocter des attentats imputables à des terroristes virtuels et justifier plus d’achats militaires.
Quoi qu’il en soit, dans le dossier de Wikileaks, les suivistes médiatiques nous aident plus que jamais à n’y rien comprendre. Ils agissent en véritables instruments du Pentagone, de la CIA ou du Département d’État. Beaucoup de gens se doutent que l’histoire est invraisemblable, mais aucun journaliste des grands médias ne fait sérieusement enquête. Le rocambolesque succède au ridicule. Julian Assange serait le grand maitre du jeu. Accusé d’agression sexuelle, il est traqué par toutes les polices du monde. Il est boycotté par les grands fournisseurs de services de paiement électronique, mais il arrive quand même à financer son site. Arrêté en Angleterre, il aurait suffisamment de collaborateurs et des appuis assez forts pour continuer de diffuser ses «révélations» contre la volonté de la Maison-Blanche, du Département d’État, du Pentagone, de leurs satellites-espions, de leurs assassins et de leurs informaticiens. Quel as, cet Assange!
Wikileaks aussi insaisissables que Ben Laden
Le site Wikileaks nous fait penser un peu à Ben Laden. Après une dizaine d’années de traque, on n’a jamais mis le grappin dessus. Pourquoi? Peut-être parce qu’il est en fin de compte très utile pour les maitres du monde. Ben Laden est une sorte d’épouvantail qu’on peut brandir chaque fois qu’on a besoin de justifier des dépenses militaires et des dépenses de sécurité. Chaque fois qu’on a besoin de donner des permis de délinquance à des militaires ou des policiers, comme en Afghanistan ou au sommet du G20 à Toronto.
Wikileaks semble être devenu une autre nébuleuse qu’on n’arrive pas à arrêter, comme Al-Qaïda. Vous me direz que c’est parce que des gens copient le site. Je sais. Mais l’information, elle, comment se fait-il qu’elle continue de couler? D’où arrive-t-elle? Pourquoi n'arrive-t-on pas à colmater la brèche? Le site Wikileaks est peut-être utile pour renforcer, dans l’esprit des gens, divers préjugés à propos des mauvais clients de l’Empire. Certains ont déjà souligné qu’Israël était complètement épargné par les «révélations». Mais, selon moi, Wikileaks est utile surtout pour détourner l’attention des médias et du public, à l’instar du bruit de fond synthétique permettant au sous-marin furtif d’échapper à ses poursuivants. Des bruits de botte passent inaperçus. J’y reviendrai dans les autres articles de la présente série.
----------
[Commentaire ajouté le 11 décembre à 14 heures] Je comprends très bien le principe Internet de la bête qui est lâchée, qui se multiplie et qui devient insaisissable. Je sais très bien qu’on ne peut pas arrêter la propagation de l’information dans Internet, une fois qu’elle s’y trouve. Néanmoins, il a bien fallu qu’une personne l’y mette au départ. Or, il est pour le moins étrange qu’on sache très bien que cette personne existe, qu’elle figure parmi un petit nombre de responsables ayant un accès privilégié aux systèmes informatiques du Département d’État, que ces systèmes soient protégés par des mécanismes sophistiqués de contrôle et de suivi des accès, mais qu’on n’arrive pas à mettre la main au collet de cette personne, après plusieurs mois.
En outre, ce ne sont ni Wikileaks, ni ses adeptes, ni d’autres sites Internet qui font la force de la rumeur, mais bien les médias. Peu de gens ont consulté le site Wikileaks lui-même, et encore moins examiné son contenu en détail. La très vaste majorité des gens ont entendu parler des notes diplomatiques à cause de ce qu’en disent les médias. Ce sont les grands médias, avec leurs énormes moyens de diffusion, qui sont le catalyseur essentiel de la propagation de l’information et qui lui donnent sa résonance. Dans ce cas, les médias ont accordé une énorme importance à des secrets de polichinelle.

----------
Prochain article: Les rouages de la désinformation et le façonnement des croyances


Laissez un commentaire



10 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    11 janvier 2011

    Wikileaks : un entourage qui soulève des questions
    http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=22725

  • Archives de Vigile Répondre

    14 décembre 2010

    Merci pour votre commentaire assidu ;
    Je dois vous avouer que vous m’avez devancé !
    J’ai eu le même questionnement âpres avoir rentré dans le site de Wikileaks. Posant un regard inquisiteur sur les « révélations » relatives aux pays des Grands lacs de l’Afrique, l’étonnante réalité issue de cet investigation des bases des données « authentiques » , telles que présentées, et publiées ou « coulées » par Wikileaks et ses principales institutions d’information contractées, en est qu’il n’y avait pas grande chose a se mettre sous la dent, c’est une montagne qui a couchée un souris, excepter des miettes de colportages tout a azimut, toutes au plus, des bribes d’information apparentées a l’intox, or, considérant les raisons avancées des immixtions des puissances économiques, militaires et politiques dans ces contrées la, il s’y passent des myriades des choses inédites mais connues par leurs chancelleries que Wikileaks devrait garnir ses pages a nous mettant pleines sur nos visages !
    En ce qui me concerne, je vous félicite pour votre doigté (Food for Tough ) analyse ; tant mieux pour moi, mon concerne est quasi inexistant ou minime a propos de ces « révélations » de votre confrère Wikileaks, il y a d’autres chats à fouetter qui mérite notre attention soutenue.
    Anthony Onakoy _ (Toronto, ON CANADA)

  • Archives de Vigile Répondre

    13 décembre 2010

    Excellent article. J'ai bien hâte de lire la suite de cette série. Merci, M. Desgagné, de nous éclairer de votre lanterne afin de nous guider vers certaines pistes de réflexion que les médias à la solde du NWO sont peu enclins à emprunter.

  • François Munyabagisha Répondre

    13 décembre 2010

    Excellent éclairage cher Bernard. Que des gouvernement manipulateurs comme ceux d'Obamots et Harpeur utilisent le bruitage pour vendre à des populations non avisées des programmes criminels, c'est "nor mal" !
    Ce qui est troublant, et tu fais bien de le souligner, c'est l'état de compromission, de corruption ou d'incompétence des médiats. C'est d'autant troublant que ca ne semble concerner que des "énergumènes" genre Bernard ou François.
    Nos démocraties sont en péril, et avec eux l'humanité. Le peuple est rassasié, malgré le bruitage de crises économiques, et dort inconsciemment dans le sofa douillé au sous-sol. Comment le réveiller? Ici sur vigile, ne viennent que les éveillés!

  • Archives de Vigile Répondre

    12 décembre 2010

    Très intéressant cet article. Heureusement qu'il y a des milliers d'individus qui se donnent à fond pour combler le vide, la complaisance ou l'incompétence des médias officielles. Effectivement, de ces fameuses révélations (aussi vides qu'elles soient), j'attends avec impatience ce qui va filtrer sur les fidèles alliés de l'administration américaine. Non, mais, sans blague ! On s'achemine vraiment vers le scénario des fameuses tours. Heureusement toute manipulation a une fin. A force de prendre des gens pour des imbéciles, on finit par se tourner en ridicule. Esprits avertis, merci, pour toutes ces analyses qui nous aide à y voir un peu plus clair pour ne pas tomber chaque dans ce salle jeu, qu'est la manipulation. J'ai hâte de lire la suite.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 décembre 2010

    Vous êtes très explicite. "Potins et évidences", je suis encline à vous donner entièrement raison. Ce qui me choque et m'humilie c'est de constater combien ces fourbes(les GROS de ce monde) se rient de nous! À leurs yeux nous sommes de pauvres imbéciles. Des naïfs qui avalent tout ce qu'on leur jette aux nouvelles nationales et internationales.
    Dans ce cas-ci, ce qui est probable c'est que la majorité des auditeurs se moque des secrets diplomatiques. Rien à cirer!
    Secrets de Polichinelle ou pas, vous n'oubliez pas que ce personnage est bossu du devant et du derrière.
    Merci d'être vigilent.
    Je vous lis toujours et il me tarde de prendre connaissance de vos 3 autres articles sur ce sujet. Inquiétant.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 décembre 2010

    Chose certaine, Assange n'est qu'un personnage. C'est une sorte de mascotte, genre Ronald MacDonald ou Ben Laden.
    À mon avis, c'est une campagne publicitaire élaborée par la compagnie ISP en Suède dont utilise wikileaks afin de démontrer sa haute sécurité.
    Même la CIA et tous les gouvernements n'arrivent pas à fermer Wikileaks, alors ils cherchent à neutraliser Assange !
    Pendant que l'auteur cours, le site est en sécurité et roule toujours !
    Un grosse pub.
    http://www.vincentabry.com/bahnof-pionen-datacenter-abri-anti-atomique-suede-10374
    http://www.bahnhof.net/
    Gébé

  • Archives de Vigile Répondre

    11 décembre 2010

    Comment expliquez-vous le presque silence d'Obama ? Curieux tout de même. Son silence confirmerait-il votre hypothèse ?

  • Lise Pelletier Répondre

    11 décembre 2010

    M.Desgagnés
    Tout comme vous, je crois que c'est une fumisterie.
    Il est évident, que pour garder la peur toujours vivante, les USA sont passés maîtres.
    Je vais suivre vos propos dans la suite de cette histoire.
    Lise Pelletier

  • Gilles Verrier Répondre

    11 décembre 2010

    Article intéressant qui nous met sur de bonnes pistes de réflexion. Vous souvenez-vous qu'on nous a presque fait avaler à un moment donné qu'un groupuscule de barbus, équipés de moyens rudimentaires comme des «cutters», avait réussi à faire s'effondrer jusqu'au ras du sol, non pas deux, mais bien trois tours construites pour résister aux tremblements de terre ? Aujourd'hui, il n'y a pas de preuve pour l'affirmer encore, mais comment croire qu'un simple soldat (Bradley) et un autre individu (Assange) agissent seuls, sans que des pouvoirs dissimulés derrière eux ne les soutiennent ? Le mythe du héros solitaire peut rendre le public consommateur de nouvelles admiratif devant ce qu'il lui est présenté comme la prouesse individuelle de Julian Assange. Mais est-ce bien vrai tout ça ? N'est-il pas un peu naïf de croire que dans notre monde où les jeux de pouvoir sont partout, que Bradley et Assange aient pu pousser leur projet là où il est, dans une relative impunité, sans bénéficier de puissants appuis au sein d'au moins une faction de la classe dominante ? À considérer la disparité des réactions à Wikileaks, au sein même de la classe politique américaine, la question mérite d'être posée.
    Pour le contenu de Wikileaks, effectivement c'est du «buzzz». Du bruit de fond, comme vous dites. Que les médias proclament qu'il s'agit là de nouveautés jamais révélés ne fait que mettre en évidence leur propre indigence journalistique. En effet, tout ce qui a été rendu public jusqu'à présent par Wikileaks, sous forme d'indiscrétions et de faits divers, sans ordre, sans hiérarchie et apparemment sans dessein, était déjà accessible depuis longtemps. Il l'était et l'est toujours, en effet, sous une forme déjà mieux organisée et plus compréhensible. Il l'était par nombre d'articles publiés dans la presse spécialisée ou indépendante, de même que dans nombre de rapports gouvernementaux et de publications officielles que néglige de rapporter la presse à grand tirage. L'«étonnement» des médias face aux pseudo-révélations de Wikileaks apparaît comme un procédé qui sert à entretenir un «buzzz» vendeur, mais il démasque en même temps la sélectivité orientée des médias de masse dans la divulgation de l'information.
    À qui sert Wikileaks, vous commencez à en parler à la fin de votre première partie...
    À vous lire / GV