Le spectre de la division linguistique plane sur l'Agence de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux de Montréal alors que la direction songe à revoir la structure de l'agence en la partageant en deux entités distinctes, indiquent deux documents internes dont Le Devoir a obtenu copie. L'île serait ainsi scindée en deux: un territoire francophone, attaché au réseau universitaire intégré en santé (RUIS) de l'Université de Montréal, et un territoire anglophone, attaché au RUIS de l'université McGill.
À l'agence, la réorganisation qui se dessine suscite beaucoup d'inquiétude. Dans les coulisses, on juge que l'agence a tort de croire que la division par réseaux universitaires (RUIS) ne sera que territoriale. Cette formule aura des implications linguistiques, que l'agence le veuille ou non, entend-on dans les corridors. La menace d'une ségrégation est-ouest, divisant les plus pauvres des plus riches, fait également beaucoup jaser.
La colère est d'autant plus grande que l'agence sort à peine d'une réorganisation, engagée l'été dernier, qui avait mis fin à l'organigramme bâti par programmes (services de première ligne, services spécialisés, services de santé mentale, etc.). À l'époque, une structure à trois territoires (Est, Ouest, Centre) avait été préconisée, au grand dam des employés qui, en raison du jeu de chaises, avaient déploré une grave «ventilation» de l'expertise.
En dépit de tout cela, l'agence est manifestement prête à reprendre l'exercice, moins de six mois plus tard. Dans une lettre d'information datée du 7 décembre dernier, le président-directeur général de l'agence, David Levine, évoque une prochaine réorganisation interne à la suite de départs annoncés.
«Une des hypothèses consiste à regrouper des territoires de centres de santé et de services sociaux (CSSS) selon leur rattachement aux deux RUIS. Ceci aurait pour effet de créer deux secteurs plutôt que trois», écrit M. Levine. Le p.-d.g. y évoque également la nécessité qu'a l'agence de resserrer ses mécanismes de coordination afin de faire cheminer les dossiers plus rapidement.
Dans un bulletin d'information de la Conférence régionale de l'AHQ de Montréal daté du même jour, la position de l'agence se précise. «La structure actuelle avec trois directeurs ayant comme tâche le développement des réseaux et programmes pour les territoires de l'Ouest, du Centre et de l'Est sera modifiée d'ici la fin de décembre pour faire place à deux directions», lit-on.
Dans ce communiqué, il est annoncé que les directions se diviseront tous les établissements de l'île de Montréal selon leur appartenance à l'un ou l'autre des deux RUIS. Ainsi, les douze CSSS de Montréal seront partagés à raison de sept pour le RUIS de l'UdeM et de cinq pour celui de McGill.
Hier, à l'agence, on tempérait. «Il est beaucoup trop tôt pour parler de réorganisation, a expliqué Laurianne Collins, responsable des communications. C'est sûr qu'avec le départ des deux directeurs, il y a des hypothèses qui sont avancées, mais ce qui risque d'être retenu, c'est l'idée d'un réseau qui regrouperait les territoires de l'Est et un autre qui regrouperait les territoires de l'Ouest.»
Pour ce qui est de l'hypothèse d'une éventuelle ségrégation linguistique, l'agence promet que la formule qui sera retenue tiendra compte de la délicate question de la langue dans l'île. C'est d'ailleurs ce qui explique l'extrême prudence de l'agence dans ce dossier, qui pourrait facilement devenir une véritable boîte de Pandore.
«On a toujours dit que la langue ne devait pas être une barrière à l'accessibilité des services, et c'est une philosophie qui nous tient toujours à coeur. Nous prendrons le temps nécessaire pour évaluer toutes les hypothèses», a répété Mme Collins, qui a refusé de révéler la teneur de ces autres hypothèses.
Cela étant, Mme Collins prétend qu'il est possible de séparer l'île en deux territoires distincts Est-Ouest sans que la langue devienne un obstacle. «Une division est-ouest ne se fera pas nécessairement avec la langue, tout dépendra des centres qui seront regroupés. C'est beaucoup trop tôt pour qu'on puisse se prononcer. On ne sait pas encore quelle formule sera choisie pour partager les CSSS. Est-ce que ce sera sept et cinq ou six-six ? On l'ignore.»
L'agence ne nie toutefois pas être à la recherche de nouveaux directeurs qui se partageraient les deux territoires. Voilà un autre point sensible, inquiétant pour certains employés de l'agence, qui voient se profiler une répétition du bourbier administratif de la Santé publique, où chaque échange de personnel requiert une cascade de paperasseries administratives.
À cet égard, Mme Collins se fait rassurante. «On va tenir compte de ce qui s'est passé ailleurs. Le directeur de la Santé publique fait partie de notre comité de direction. Il pourra nous alimenter pour nous faire prendre conscience de certaines problématiques qu'ils ont vécues.»
En attendant, David Levine entend profiter du temps des Fêtes pour étudier toutes les propositions qui ont été mises sur la table lors des rencontres du comité de direction de l'agence. Sa décision est attendue à la mi-janvier.
Possible division linguistique dans le réseau de la santé
L'île de Montréal pourrait être partagée en deux territoires: un francophone, l'autre anglophone
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