Point focal sur Haïti

Chronique d'André Savard

Si on ne fait pas tout pour sortir Haïti de cet enfer, ce n’est pas de tremblements de terre dont parleront les historiens mais bien de génocide. Il faut donc s’attendre et même espérer que ce pays fasse la une au cours des prochains mois. D’abord parce qu’au-delà du plan de sauvetage, on doit savoir pourquoi, en dépit de tous les secours déployés, des mesures des plans d’aide dont on entend parler depuis plus de vingt ans, sont restées pratiquement lettre morte.
Prenons l’exemple de la déforestation. Combien de fois avons-nous entendu que l’allumage des feux de bois perpétue la catastrophe écologique dans ce pays? Combien de fois avons-nous entendu parler de projets pilote visant à fournir des réchauds à la population car cette partie de l’île ressemble à un caillou nu? Et, année après année, on dit le souhaiter comme si c’était une idée nouvelle.
On en est toujours à subvenir aux besoins pressants. Fournir de la bouffe pour le jour d’aujourd’hui; pour les réchauds, l’étape viendra après. Cela se comprend très bien après un tremblement de terre de magnitude sept, moins quand, parler d’éradiquer les causes premières de la famine, est une forme constante du commentaire télévisuel depuis des décennies.
Le pire ennemi c’est le découragement. Lorsqu’on finit par croire que tout un peuple est promis à la mort ou dans le meilleur des cas à un succédané de développement, son cas s’enlise à demi dans l’oubli. On s’était habitué à la famine en Haïti et on se berçait de belles images de solidarité à la petite semaine avant que la secousse sismique ne vienne nous bouleverser dans notre bulle.
***
Tout le monde est ému. En même temps, le point focal sur Haïti est une bénédiction pour ceux qui ont des choses à faire oublier. Nous pensons bien sûr moins à cette commission qui doit enquêter sur les pratiques oligopolistiques dans l’octroi des contrats de travaux publics.
En outre, il y a en 2010 comme en 2009 cette panne de réflexion qui sévit sur le Québec en tant que tel, le Québec comme nation et Etat. Quand on traite du Québec, on ne casse pas la baraque. On connaît ces phrases qui s’écoutent bien, souvent des phrases qui se posent comme un point de vue critique, voire comme une transgression, alors qu’ils entrent dans la ligne de jeu du pouvoir fédéral :
« Les choses ne sont plus les mêmes ». « Sur tel dossier, le Québec a signé une entente particulière. » « Nous ne pouvons plus nous définir selon le vieux paradigme car les clivages anciens sont tombés en miettes. »
Ce genre de propos finit par faire croire que, sans qu’on s’en aperçoive, une mutation de fond a surgi. Le régime fédéral serait devenu un système plurimodal où le Québec est libre de redéfinir son rôle.
On se fait tant dire qu’une évolution nous a projetés ailleurs. On aurait récusé des dogmes, des croyances collectives? Est-ce vrai ou sommes-nous simplement tombés dans des croyances collectives qui ne sont pas celles de notre nation mais celles de l’autre nation?
On se dit que le système fédéral fournit la marchandise mieux qu’un système qui serait fondé par notre nation. On est juste en 2010, dans la monotonie de certitudes implantées et dans un système de choix bornés.
Le temps ne presse pas, en tout cas pas pour nous. N’est-ce pas ce qu’on se répète année après année? Voilà l’éternelle fuite devant les chantiers réels, les véritables occasions de changement.
André Savard


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5 commentaires

  • Fernand Lachaine Répondre

    25 janvier 2010

    De gros doutes m'assaillent !
    Beaucoup de personnes, "amis d'Haïti", s'amènent à Montréal pour dit-on apporter des solutions à la reconstruction de ce pays dévasté.
    Pendant ce temps, les gens meurent là-bas par manque d'eau, de nourriture, de médecins, de toits pour dormir, des petits enfants qui souffrent etc. Ce matin on nous informe à la télévision que l'aide arrive au compte-goutte. Les Haïtiens meurent par manque de cet aide et que fait le Premier Ministre de ce pays. Il est à Montréal sur les invitations de S. (sables bitumineux) Harper et de J. (enquête publique) Charest.
    Habituellement un chef de pays coure à la rescousse de son peuple lorsque le malheur frappe. Nous avons vu monsieur Obama écourter ses vacances dans le temps de Noël dans l'affaire du terroriste à bord d'un avion américain. Mais pour le Premier Ministre d'Haïti, la première priorité c'est de venir à Montréal : Quitter les siens et refuser de les aider sur le terrain où c'est extrêmement urgent d'apporter du "leadership" à chaque minute et heure.
    Troublant !
    Moi, si je faisais partie de ce peuple, je commencerais à craindre pour le pire. Encore une autre fois.

  • Archives de Vigile Répondre

    21 janvier 2010

    Est-ce que quelqu'un peut se pencher sur cet article:
    http://www.metropolehaiti.com/metropole/full_une_fr.php?id=13439
    Crédible? Dans ce monde de fous, je ne sais plus qui croire.

  • Archives de Vigile Répondre

    19 janvier 2010


    En complément je vous invite à une lecture dans le Devoir
    L'impérialisme québécois

  • Archives de Vigile Répondre

    18 janvier 2010


    j'ai deux images pour dire mes mots.
    image 1
    image 2

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    18 janvier 2010

    Le temps presse, en vérité. Et pour nous aussi.
    Sauf que j'ai envie de dire, les Québécois étaient aussi soucieux de leur propre sort, en tant que nation à l'avenir très incertain, que du sort des Haïtiens, récemment éprouvés, nous ferions vraiment ce qu'il faut pour nous donner un pays à nous-mêmes.
    Mais effectivement, nous préférons faire comme si nous avions tout le temps au monde; et tant pis pour ce que Charest est en train de faire au Québec, depuis 2003, déjà...