Le pipeline 9B d’Enbridge a subi des réparations à plus de 60 reprises depuis qu’il transporte du pétrole jusqu’à Montréal, dont 22 au Québec. C’est ce que révèlent les données obtenues par Le Devoir à la suite de demandes répétées à l’Office national de l’énergie (ONE). Une situation qui démontre que l’entreprise connaît des problèmes de dégradation de son pipeline, conclut un expert de ce type d’infrastructures.
Ce pipeline construit en 1975 transporte du pétrole brut de l’Ouest canadien jusque dans l’est de Montréal depuis décembre 2015, après avoir obtenu le feu vert de l’ONE. L’organisme fédéral a jugé que le sens d’écoulement du pétrole dans le pipeline pouvait être inversé, mais aussi qu’Enbridge pouvait augmenter la quantité transportée quotidiennement, et ce, en toute sécurité.
Depuis le début de 2016, l’entreprise a toutefois dû multiplier les travaux d’excavation et de réparations sur le pipeline 9B. Les données officielles compilées par Le Devoir à partir des « notifications » déposées par Enbridge à l’ONE révèlent en effet que l’entreprise est intervenue directement sur son pipeline 9B à 63 reprises, dont 41 fois en Ontario et 22 fois au Québec.
Selon ce qu’on peut lire dans les 22 documents portant sur la portion québécoise, Enbridge a signifié à chaque fois son intention de mener des travaux d’excavation, une « évaluation » des résultats d’une « inspection interne » de l’oléoduc, puis la « réparation appropriée ». Ces inspections internes, précise la pétrolière, sont menées pour recenser des « défauts », comme de la « corrosion », des « déformations » ou encore des « fissures ».
Huit municipalités
Un total de huit municipalités ont été touchées par des travaux, dont Rigaud, Blainville, Sainte-Anne-des-Plaines et Sainte-Justine-de-Newton. La plus touchée a été Mirabel, avec neuf opérations de réparations. Quatre d’entre elles ont été menées près de secteurs habités, précisent les notes descriptives d’Enbridge.
Au moins une intervention réalisée à Mirabel l’a été à moins de 10 mètres des maisons, en plein coeur d’un quartier résidentiel où le pipeline 9B longe plusieurs résidences unifamiliales. L’entreprise indique d’ailleurs qu’elle a distribué une « brochure » dans le secteur en guise de « notification de courtoisie ».
Près de secteurs habités
La quasi-totalité des notifications ont été produites pour des travaux devant débuter entre les mois d’août et de novembre, pour se terminer au plus tard au cours des premiers mois de 2017.
Les notifications déposées à l’ONE pour la portion ontarienne du pipeline 9B concernent en majorité la même période, mais aussi le même type de travaux. Un total de huit municipalités sont touchées et dans 27 des 41 documents, l’entreprise pétrolière précise que les travaux de réparations se dérouleront près de secteurs habités ou hautement fréquentés.
Fait à noter, Le Devoir a dû demander des détails sur les travaux menés sur ce pipeline à trois reprises à l’ONE avant que l’organisme transmette les informations nécessaires pour retrouver les documents recherchés, parmi plus de 190 éléments comprenant toutes les notifications de l’entreprise pour tout le pays.
Avant de transmettre les informations demandées, l’ONE a aussi répondu à deux reprises qu’il s’agissait d’opérations de maintenance, invitant à contacter l’entreprise. « L’exploitant pourrait sûrement vous donner plus de détails si vous voulez des statistiques », a notamment fait valoir l’organisme chargé de la réglementation des pipelines au Canada.
Selon Richard Kuprewicz, un expert qui compte plusieurs années d’expérience dans l’industrie des pipelines, les multiples travaux menés en seulement quelques mois démontrent qu’Enbridge connaît des problèmes de dégradation avec le pipeline 9B.
« Il existe suffisamment d’information pour qu’on comprenne qu’avec le pipeline 9B, ils ont clairement un problème de corrosion, de craques et de déformations. Il n’y a pas de doute à ce sujet », explique celui qui a produit un rapport sur les risques associés à ce pipeline dans le cadre des audiences de l’ONE portant l’inversion du flux de pétrole.
Spécialiste de la réglementation et de la sécurité des pipelines, M. Kuprewicz qualifie même l’utilisation actuelle de ce pipeline de 41 ans d’« expérience de recherche ». Selon lui, l’ONE aurait dû exiger davantage de tests « hydrostatiques », qui consistent à injecter de l’eau dans le pipeline afin d’évaluer de possibles problèmes d’étanchéité. Ceux-ci ont été exigés seulement pour trois tronçons du tuyau, dont un seul situé au Québec, à Mirabel.
Richard Kuprewicz juge en outre qu’il est « risqué » d’augmenter la pression dans le tuyau. Conçu à l’origine pour transporter 240 000 barils par jour, il en transporte aujourd’hui 270 000. Le flot devrait même passer à 300 000 barils quotidiennement d’ici un peu plus d’un an.
Appelé à commenter la nature des travaux menés par Enbridge, il déplore le manque de transparence de la part de l’entreprise dans les notifications. « Ce n’est pas public, donc le public ne peut pas mesurer le risque et évaluer les problèmes et leur type. [Enbridge] n’est pas précise dans l’information et évoque seulement de possibles problèmes. »
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