Piège pour journalistes

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À force de crier au loup, la presse va elle-même désensibiliser les lecteurs






Avec l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, un événement qui relevait de la science-fiction il y a encore quelques mois, l’on assiste à une révolution culturelle.




Trump tire à vue. Chaque jour, il détricote les politiques de ses prédécesseurs, il pratique avec frénésie les tweets vengeurs contre ses cibles préférées, journalistes d’abord, il encense ses «amis» et la terre entière est suspendue à ses lèvres. Il est devenu la référence, l’épouvantail, le sauveur.




Nos démocraties ne nous avaient pas habitués à des personnages aussi atypiques, à la psychologie troublante, pour ne pas dire trouble. À l’exception peut-être de Berlusconi en Italie. Alors, comment comprendre pareil homme? Comment expliquer qu’il déclare une guerre sans merci aux journalistes, qu’il qualifie de «gens les plus malhonnêtes de la terre»?




Un coup d’État




Comment expliquer que, sauf sa fille adorée, il ne s’entoure que d’hommes blancs, riches comme Crésus, mais pauvres en expérience politique? C’est que Trump a réussi à kidnapper le Parti républicain pour parvenir à se faire élire. Ce coup d’éclat ressemble à un coup d’État. D’ailleurs, les dirigeants républicains ont rué dans les brancards et l’on peut être sûr qu’en cas de bévues majeures dont ses adversaires même incroyants prient Dieu qu’elles surviennent, cet establishment qui joue selon les règles sera au premier rang pour le bloquer.




Trump s’appuie donc sur son électorat de classe moyenne, qui ne se reconnaît plus dans cette démocratie censée le favoriser.




Le piège des journalistes, qui doivent rendre compte de sa politique, est déjà en train de se refermer sur plusieurs. Trop de confrères ne font pas l’effort de se mettre en distance, préférant plonger tête baissée dans la dénonciation systématique.




Crier au loup




Or, on ne va pas passer quatre ans à parler chaque jour de ses coups de gueule, à répéter qu’on a affaire à un crétin, un homme grossier, un machiste, voire un fasciste. À force de crier au loup, la presse va elle-même désensibiliser les lecteurs avec comme résultat de ne plus les informer correctement.




Déjà des journalistes ont cédé à cette tentation. Un confrère américain a affirmé en début de semaine que Donald Trump avait retiré dès lundi un buste de Martin Luther King que le président Obama avait installé dans le bureau ovale. C’était une fausseté. Il s’est confondu en excuses et la Maison-Blanche les a acceptées. Mais on doit espérer que de telles bavures ne se reproduiront plus, sinon elles risqueront de causer un tort considérable à une profession qui n’est pas nécessairement en odeur de sainteté auprès du grand public.




Le défi que pose Trump avec son style, ses fausses nouvelles, ses demi-vérités, son outrance et son incapacité, à l’évidence congénitale, à fonctionner avec les codes dont il n’est pas l’initiateur, rares sont les hommes d’État en démocratie qui l’ont posé à leur pays. Or, il s’agit ici de la plus grande puissance au monde.




Faut-il alors se surprendre du fait que depuis une semaine la terre se soit mise à trembler?



 




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