Aberration québécoise

Il est évident aussi que tant que le Canada demeure officiellement bilingue, aucun unilingue ne doit accéder à la direction d’un parti

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«Si les Québécois n’étaient pas si colonisés, ils ne toléreraient pas de subir pareille insulte»






Qu’est-ce donc que cette société québécoise qui tolère que les politiciens qui ne maîtrisent aucunement le français, donc qui le massacrent, prétendent le parler?




Le débat mardi dernier à Québec des candidats à la direction­­ du Parti conservateur a été lamentable. Dans la seule capitale française en Amérique du Nord où siège l’Assemblée nationale des Québécois, dont près de 80 % sont francophones, il est carrément­­ inadmissible d’avoir laissé les candidats anglophones baragouiner de cette façon.




Je diverge fortement d’opinion avec mon jeune ami et confrère de La Presse François Cardinal, qui affirme en éditorial que l’on aurait dû plutôt­­ féliciter les candidats­­ qui ont tenté de parler en français.




Je crois bien qu’il n’y a qu’au Québec que l’on s’agenouille devant des politiciens qui ignorent notre­­ langue et qui ont le toupet ou l’outrecuidance de bégayer­­ quelques mots qui nous écorchent­­ les oreilles, mais qui surtout­­ nous humilient.




Faux bilingues




Ça n’est pas d’hier que des Canadiens­­ unilingues s’attribuent le titre de bilingue alors qu’ils comprennent difficilement le français, possèdent quelques dizaines de mots fourre-tout et évidemment ne savent pas l’écrire.




Il n’y a que chez nous que la langue française ne commande pas le respect voire la fascination qu’elle exerce encore à travers le monde. Car cette langue que les Québécois maltraitent aussi à longueur d’année n’est pas qu’un instrument de communication. C’est le véhicule d’une culture millénaire.




«C’est une langue belle à qui sait la défendre», chante Yves Duteil. C’est une langue difficile, exigeante, capricieuse, qui piège facilement le locuteur même le plus lettré. C’est une langue riche avec ses exceptions qui confirment la règle, avec ses nuances à l’infini, sa précision et la musicalité de ses nombreux accents.




Les étrangers qui la parlent vont souvent s’excuser de peur de la parler mal. Il est inconcevable que nos compatriotes anglophones, politiciens au premier chef, se présentent devant tous les francophones du Canada en ayant cette prétention d’être compris.




Des colonisés




Bien sûr, éructer quelques mots de français est un geste politique démagogique dans un pays officiellement bilingue. Mais si les Québécois n’étaient pas si colonisés, ils ne toléreraient pas de subir pareille insulte.




Nombre de Canadiens parlent un français convenable, c’est-à-dire un français qui s’entend, avec un voca­bulaire juste et une syntaxe qui peut être chancelante, certes, mais acceptable. Comme nombre de Québécois qui parlent un anglais plus ou moins approximatif. Mais se faire comprendre n’est pas parler une langue.




Il vaut mieux utiliser les interprètes que de laisser des politiciens s’aventurer dans l’autre langue du pays. D’autant plus que toute langue contient des pièges qui sont autant de chausse-trapes pour ceux qui en usent.




Il est évident aussi que tant que le Canada demeure officiellement bilingue­­, aucun unilingue ne doit accéder­­ à la direction d’un parti. Pas plus un bloquiste qu’un conservateur, un membre du NPD, qu’un vert.




Enfin, il est gênant sinon dérangeant qu’une majorité des ministres du cabinet Trudeau ne parlent pas la langue des fondateurs du pays que sont et demeurent les Français.




À quoi bon? diront plusieurs. Et c’est là l’aberration.



 




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