(Québec) Il est toujours un peu gênant pour un premier ministre du Québec de réclamer plus d'argent d'Ottawa. Jean Charest en sait quelque chose : au gouvernement fédéral et ailleurs au Canada, tout le monde estime que le Québec reçoit plus que sa part et se comporte en enfant gâté.
C'est dans ce contexte que le débat sur la péréquation prend toute sa signification. Parle-t-on ici d'une injustice envers le Québec, ou d'un manquement à la parole donnée de la part du gouvernement Harper?
Le premier point à élucider concerne le manque à gagner réel du Québec dans les changements imposés par Ottawa.
Le fameux milliard de dollars
Mercredi, Jean Charest a soutenu que la nouvelle formule créera un manque à gagner de 75 millions $ pour l'année budgétaire 2009-2010, par rapport aux montants prévus par le ministère des Finances. M. Charest résiste à l'argument de Pauline Marois qui prétend que le manque à gagner sera de 1 milliard $ dès cette année. En fait, il joue sur les mots, ou plutôt... sur les chiffres.
C'est vrai que le manque à gagner ne sera que de 75 millions $ par rapport aux prévisions de mars dernier du ministère des Finances. On anticipait alors des paiements de péréquation de 8,43 milliards $, alors que le fédéral annonce maintenant un transfert de 8,35 milliards $.
Mais ce que M. Charest ne dit pas pour éviter de donner raison à Pauline Marois, c'est que la situation a changé radicalement depuis les prévisions de mars dernier. L'arrivée de l'Ontario dans le club des provinces récipiendaires a fait sauter les projections d'Ottawa. Mardi, au huis clos du budget, deux fonctionnaires fédéraux ont déclaré à la journaliste Fannie Olivier de La Presse Canadienne, tableaux à l'appui, que les paiements de péréquation au Québec auraient été de 9,35 milliards $ en 2009-2010, n'eut été des changements décrétés en novembre par le ministre Flaherty. C'est très précisément 1 milliard $ de moins que le 8,35 milliards $ consenti.
Jeudi, le porte-parole des Finances, Jack Aubry, a refusé de confirmer ce chiffre, prétextant qu'il s'agit d'informations confidentielles. Mais vérification faite auprès de la journaliste, le chiffre vient effectivement des fonctionnaires qui avaient même des données concernant les autres provinces.
La parole donnée
D'un point de vue fédéral, on insiste sur le fait que les paiements de péréquation au Québec sont passés de 4,8 à 8,3 milliards $ de 2005 à 2009. C'est une augmentation significative qui fera dire à bien du monde que le Québec se plaint, le ventre plein...
Mais ce que Jean Charest n'accepte pas, c'est que Stephen Harper change unilatéralement la formule de calcul sous prétexte qu'elle lui coûte trop cher, après avoir conclu une entente avec les provinces à la suite de longues études et des négociations complexes.
Jean Charest n'a pas tort. La parole donnée devrait être respectée. Ou à tout le moins, le gouvernement Harper aurait dû avoir la décence de consulter les provinces avant d'agir. Le problème, c'est que même Michael Ignatieff n'est pas en mesure de promettre qu'un gouvernement libéral respecterait la formule utilisée jusqu'à maintenant.
Les p'tits cadeaux
L'autre frustration du gouvernement du Québec est de voir Ottawa s'engager dans des négociations secrètes avec l'Ontario. On a vu Stephen Harper consentir un traitement de faveur au gouvernement McGuinty, la veille de Noël, concernant les revenus versés par Hydro One à la province. Le Québec toucherait 250 millions $ s'il jouissait du même traitement.
Autre dossier, on a appris, au huis clos du budget, que le fédéral avait fait une offre aux provinces comme l'Ontario qui n'ont pas encore harmonisé leurs taxes de vente avec la TPS. Le Québec a été la première province à le faire, sans aucune compensation. Or, Ottawa a compensé ensuite les provinces de l'Atlantique pour les convaincre d'emboîter le pas, et s'apprêterait à offrir le même avantage à l'Ontario. Les fonctionnaires fédéraux interrogés au huis clos du budget ont refusé d'élaborer, se contentant de dire qu'on avait «fait une offre» aux autres provinces... Quelle est la nature de cette offre? Est-ce que le Québec se verra offrir une compensation rétroactive? Autant de questions qui sont restées sans réponse.
On aura beau penser à Ottawa que le Québec agit en enfant gâté, mais il respecte les règles établies. Si Stephen Harper contourne ces règles pour punir Jean Charest ou améliorer ses chances de réélection en Ontario, il cède le Québec aux souverainistes, ou à Michel Ignatieff.
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