(Québec) Le gouvernement Charest trouvera les quatre ou cinq prochaines années très longues s'il ne se ressaisit pas rapidement. Les citoyens aussi.
Depuis sa réélection, début décembre, le gouvernement de Jean Charest ne communique pas, ne s'explique pas. Au mieux, il est en retrait; au pire, absent. C'est tellement vrai que la journée d'hier fait presque figure d'exception: le premier ministre a pris le temps de s'exprimer publiquement. Il a tenu une conférence de presse pour parler du permis de conduire électronique - un sujet plus administratif que politique, cela dit. Il était en compagnie du consul général des États-Unis à Montréal, Lee McClenny.
Le fait demeure que depuis sa réélection, ce gouvernement ne se donne pas souvent la peine de faire de la pédagogie politique. Il paraît s'enfermer sur lui-même.
S'il ne réagit pas, il donnera raison à ceux qui affirmaient durant la campagne électorale qu'il est meilleur minoritaire que majoritaire. C'est incroyable.
C'est invraisemblable, car en cette période de crise économique, un gouvernement majoritaire devrait être nettement préférable à un gouvernement minoritaire.
Une équipe majoritaire n'est pas constamment menacée de renversement par les partis d'opposition - parfois même pour des motifs fantaisistes. On l'a vu en 2007 lorsque l'ADQ a voulu faire tomber le gouvernement en raison d'un famélique taux de participation aux élections scolaires.
Instruit par l'expérience, et le bon taux de satisfaction qu'il enregistrait alors qu'il était minoritaire, le gouvernement Charest devrait vite se remettre à communiquer, à s'expliquer. La logique le commande.
S'il poursuit dans cette posture de repli après la présentation de son budget, après-demain, il faudra en conclure qu'il ne gouverne à visière levée que lorsqu'il y est contraint par les circonstances électorales.
Le plus grave est que le repli sur soi mène inexorablement à une perte de sensibilité politique, un phénomène probablement déjà à l'oeuvre chez ce gouvernement.
On en a eu un indice avec la nomination de Michael Sabia à la tête de la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Ce n'est pas que ce choix est nécessairement mauvais. On verra. Le temps nous en instruira.
Le problème ne vient pas non plus de ce que la recrue divise plus qu'elle ne rassemble. Là-dessus, souvenons-nous de l'accueil enthousiaste qui avait accompagné la nomination d'Henri-Paul Rousseau. Le degré d'appui ne détermine en rien la qualité de la politique de «gestion du risque» de la CDPQ.
Où déceler un début de perte de sensibilité politique, alors? Dans le fait que les Québécois n'ont eu droit à aucune explication digne de ce nom de la part du gouvernement sur la nomination de M. Sabia. Le premier ministre l'a commentée à la sauvette, vendredi.
N'avait-il pas senti que choisir l'ancien pdg de Bell créerait une controverse? S'il ne l'a pas senti, c'est un signe inquiétant. S'il l'a pressenti, il avait l'obligation politique de tenter de susciter un minimum d'adhésion.
Communiquer, expliquer et informer. Aujourd'hui, ce sont des ingrédients de base dans l'art de gouverner. Étrangement, le gouvernement en fait fi depuis sa réélection.
Est-ce le retour à une forme d'arrogance de sa part, maintenant qu'il a renoué avec une majorité parlementaire? Est-ce le résultat de l'incapacité qu'il a à fixer de nouveaux objectifs clairs et précis, comme l'a démontré le chétif discours inaugural de la semaine dernière? Il faut en effet d'abord avoir quelque chose à proposer si l'on veut convaincre. Est-ce l'usure des années de pouvoir?
Que ce soit l'une ou l'autre de ces explications, ou les trois à la fois, il doit se ressaisir. Il doit vite réapprendre à gouverner.
Pente glissante
N'avait-il pas senti que choisir l'ancien pdg de Bell créerait une controverse? S'il ne l'a pas senti, c'est un signe inquiétant. S'il l'a pressenti, il avait l'obligation politique de tenter de susciter un minimum d'adhésion.
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