Je dois avouer que plus rien ne me surprend ou presque. La perte de valeur de 40 milliards de dollars du portefeuille de la Caisse de dépôt ne m'a pas surpris. On voyait venir le trou béant dans nos épargnes collectives depuis des mois, et ce, malgré le «bouche cousue» de Jean Charest et de sa sacoche. Le calme apparent des responsables de la Caisse, leurs réponses plus ou moins évasives, leur absence de contrition m'ont par contre un peu étonné. Légère erreur de diagnostic qui n'affecte pas vraiment la santé du patient. Un peu d'urticaire, une légère fièvre, mais cela passera avec quelques aspirines. Prenez votre mal en patience. Je ne m'attendais pas à une séance d'autoflagellation, mais quelques mea-culpa eussent été dans l'ordre des choses. Mais voilà, ces gens sont des gestionnaires.
Ce n'est pas le cas de Jean Charest et de sa ministre des Finances. Ils sont tenus de rendre des comptes. Durant la campagne électorale, leur silence sur la crise à la Caisse s'expliquait par leur respect de l'indépendance de l'institution, dans laquelle ils ne voulaient pas intervenir. Aujourd'hui, leur décision de se taire, de ne pas parler, de ne pas rendre des comptes sur leur action ou leur inaction est justifiée, disent-ils, par leur refus de se prêter à un jeu de politique politicienne. Il n'y aura donc pas de commission parlementaire spéciale sur les 40 milliards. Il y en aura peut-être une sur les radars photo ou sur le bulletin chiffré, le menu du restaurant du parlement, mais pas sur les 40 milliards.
La ministre des Finances nous dit avec sa désinvolture habituelle et ce curieux mépris qu'elle entretient envers la démocratie (en dehors des élections) qu'elle répondra aux questions à l'Assemblée nationale et que, de toute manière, Henri-Paul Rousseau s'expliquera devant la Chambre de commerce de Montréal. Comme si cette organisation pouvait se substituer à l'Assemblée nationale et que les journalistes qui interrogeront M. Rousseau pouvaient facilement remplacer les élus.
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En fait, M. Charest et Mme Jérôme-Forget nous trompent, nous mentent et nous fuient. Ils nous disent qu'ils apprennent en même temps que nous les résultats de la Caisse. C'est un des plus grossiers mensonges que l'on puisse imaginer. On sait bien que les communications, les informations entrent régulièrement au ministère des Finances et chez les grands déposants, le Régime des rentes, la SAAQ, etc., des organisations qui sont toutes sous la tutelle du gouvernement. M. Rousseau a clairement déclaré qu'il avait mis le premier ministre au courant des difficultés provoquées par les investissements de la Caisse dans les PCAA.
Il est important de savoir comment le premier ministre a réagi et quelle est l'ampleur des informations qu'il détenait pendant qu'il nous demandait de gouverner sans contrainte et qu'il nous rassurait sur la santé financière du Québec. Bien sûr que cela donnerait lieu en commission parlementaire à des échanges marqués par la partisanerie, mais cela fait partie des règles du jeu et ne doit pas servir de prétexte au silence et à la dissimulation dans lesquels le gouvernement s'installe. Si nous étions aux États-Unis, tous ces gens auraient été convoqués en quelques jours devant plusieurs comités du Congrès. Ce gouvernement, il faut insister là-dessus, ne se sent responsable que lors des élections. Cette manière de gérer la démocratie constitue une dérive et une corruption de l'idéal démocratique.
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Jean Charest et ses semblables considèrent le travail politique comme une spécialité professionnelle, telle la cardiologie. Ces gens sont des spécialistes et les citoyens sont leurs patients. Ils possèdent une science infuse et ne voient pas comment les ploucs que nous sommes auraient droit à des justifications, à des explications ou même à des discussions. S'ils se trompent, c'est une erreur médicale et jamais ils n'ont à se justifier, sinon quatre ou cinq ans plus tard. Ils considèrent aussi que la démocratie entre en hibernation dès que Bernard Derome a dit: «Si la tendance se maintient...»
Certains pratiquent la politique avec respect et dignité -- Lévesque, Obama --, ils sentent qu'ils ne font pas la politique seuls mais avec leurs concitoyens. Ils croient que la politique n'est pas seulement le pouvoir, mais le partage des soucis, l'apprentissage commun des difficultés; que c'est la prise de décisions, mais aussi le dialogue avec la population, la consultation et, surtout, l'obligation de rendre des comptes. Responsabilité et pédagogie, voilà les deux piliers de l'édifice démocratique.
Ces gens à Québec ne possèdent aucun de ces soucis et ne ressentent aucune de ces exigences. Ils se comportent comme des comptables qui rendent des comptes tous les quatre ans. Ils ne nous représentent plus dès qu'ils sont élus, ils détiennent le pouvoir. Ils ne nous convient pas à faire face ensemble à des situations difficiles ou à des changements profonds. Ils demeurent dans leurs bureaux et, quand ils en sortent, c'est pour prononcer des discours convenus, composés de slogans. Ces gens gouvernent, décrètent et ne se sentent pas obligés d'expliquer. Au bout du compte, ces gens nous méprisent, nous ignorent et nous insultent. Pour eux, ces 40 milliards sont des «peanuts» que nous, les pauvre ploucs, aurons oubliées lors des prochaines élections. C'est ce que sondeurs et organisateurs leur disent et qui les rassure.
Si 40 milliards ne justifient pas une commission parlementaire, combien de dizaines de milliards vous sembleraient suffisantes, M. Charest? Cent, mille? Je sais, vous ne répondrez pas. Vous n'avez pas encore posé la question à vos sondeurs qui sont vos citoyens.
Deux mains sur le volant
En fait, M. Charest et Mme Jérôme-Forget nous trompent, nous mentent et nous fuient.
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