Une leçon de démocratie

Obama et le Québec

J'ai toujours soutenu que la politique constitue un des métiers les plus nobles du monde. Et je persiste à le croire malgré la médiocrité qui se répand dans nos démocraties occidentales, malgré le manque d'imagination et d'audace que j'évoquais récemment.
Parlons de la noblesse de ce métier. Souvenirs anciens. René Lévesque avec sa cigarette et son tableau noir en 1962 qui fait la tournée de la province pour promouvoir la nationalisation des compagnies privées d'électricité. Nationalisation, à cette époque, évoque socialisme, sinon communisme. Grand pédagogue, il désamorce les mythes et les mots, remet la chose en perspective, patiemment décrit comment la situation piège et pénalise les Québécois. Il explique, décrit, mobilise les citoyens à propos d'un problème extrêmement complexe: grilles qui ne communiquent pas, inégalités des tarifs, rentes exagérées pour des entreprises qui n'innovent pas.
Lévesque ne considère pas le citoyen moyen comme un imbécile. Il croit que, lorsqu'on lui explique quelque chose, le citoyen peut comprendre et s'engager, qu'il soit assisté social ou médecin. Lévesque croyait en la politique, qui dans sa meilleure expression est un dialogue permanent entre le citoyen et son représentant. Il ne parle pas avec les politiciens et les puissants, il discute avec les citoyens. Paul Gérin-Lajoie empruntera la même approche quand il décidera de mettre en oeuvre les recommandations du rapport de la commission Parent. Expliquer, décortiquer, convaincre. Dans ce genre de démarche, il faut croire que le citoyen peut comprendre et il faut trouver le langage, la manière, le style.
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Parlons de la médiocrité de ce métier. Jean Charest en campagne électorale qui nous parle de la crise et du besoin de direction pour y faire face. Un seul discours répété sans variation aucune à chaque occasion. Nulle explication sur la crise, nul exercice pédagogique, pas de conversation avec les citoyens, pas d'effort de mobilisation collective. Juste un «il faut deux mains sur le volant» et «faites-nous confiance». Stephen Harper a adopté la même attitude lors de sa dernière campagne: un seul discours répété à satiété, empli de slogans et de phrases creuses. Une fois réélus, les deux hommes se retranchent dans leur monde intime, celui de la politique politicienne. Ils ne se préoccupent plus des citoyens mais se mettent à parler aux parlementaires et aux «leaders» d'opinion.
Pour ces gens, le lieu de la politique est le Parlement, leur petit monde. Citoyens, laissez-nous la politique, c'est notre métier, le vôtre, c'est celui de voter pour nous. Nous nous reverrons à la prochaine élection. En attendant, restez tranquilles, on s'occupe de vous plus ou moins bien, mais pourquoi irions-nous parler avec vous, vous pouvez écouter la période des questions ou lire nos déclarations dans les journaux. Pour ces politiciens qui donnent de la politique une image désolante et méprisable, le lieu de la politique est la politique politicienne, pas la société.
Barack Obama l'a rapidement compris. Malgré la crise, malgré l'urgence, la menace de faillite des grands de l'automobile, le Congrès américain s'est conduit de manière absolument partisane. Politique de politiciens pour politiciens. Obama a décidé de faire de la politique comme René Lévesque en faisait. Il a pris son bâton de pèlerin et a convié la population. Trois fois en une seule semaine, il a tenu de grandes assemblées populaires en Illinois, au Colorado et en Arizona. J'ai regardé la rencontre qui s'est déroulée à Phoenix, en Arizona, un État où la crise immobilière est particulièrement aiguë.
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Obama ne commence pas son discours par un «nous avons trouvé la solution et faites-nous confiance», il ne dit pas que tout va aller mieux. Il débute en expliquant la gravité de la crise, il en décortique les détails, il donne un cours sur les prêts hypothécaires à risque, comment les grands financiers en ont profité, mais aussi comment les citoyens n'ont pas réfléchi avant d'investir. Il fait de la politique comme elle doit être faite. Il partage les informations qu'il détient, il convie les citoyens à en prendre conscience, il annonce que rien ne sera facile et qu'il ne connaît pas toutes les réponses.
Contrairement à Jean Charest et à Stephen Harper, il ne se comporte pas comme un envoyé de Dieu détenteur de solutions magiques. Il dit: j'ai besoin de vous, parlons-nous, travaillons ensemble. Et il répond aux questions du public, pas aux questions des journalistes qui sont les seuls interlocuteurs de nos politiciens.
Barack Obama a remis la politique là où elle doit être, dans l'arène des citoyens. Je pensais à cela jeudi en regardant Harper et Obama donner leur conférence de presse. Obama qui cherche à comprendre, à entendre. Harper qui veut bousculer, qui ne parle à personne, enfermé dans sa rigueur idéologique.
Jamais je n'ai cru que nous pourrions prendre des leçons de démocratie des États-Unis. Je me trompais. En fait, les leçons ne viennent pas du pays, mais d'un homme. Est-ce que l'homme peut changer le pays? Je ne le sais pas. Pour convaincre les Américains que le gouvernement n'est pas le mal, mais un bien approximatif, que le gouvernement est la somme des biens collectifs, il devra sans cesse poursuivre son oeuvre pédagogique. Au lieu de l'invoquer, nos premiers ministres devraient s'en inspirer et sortir de leur bureau et de leurs communiqués de presse.


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