La Presse
(Paris)
La première ministre Pauline Marois a pourfendu la politique étrangère du gouvernement fédéral dans une allocation devant l'Institut français des relations internationales à Paris, mardi.
Devant un parterre d'étudiants, de représentants d'associations franco-québécoises et de quelques politiciens, elle a critiqué le gouvernement Harper qui, selon elle, adopte des positions contraires aux intérêts du Québec. L'ambassadeur du Canada à l'UNESCO, l'ex-ministre conservateur Jean-Pierre Blackburn, était présent.
«La politique étrangère actuelle du Canada ne correspond ni à nos valeurs ni à nos intérêts», a lancé Pauline Marois. Elle a donné l'exemple des orientations canadiennes en matière de lutte contre les changements climatiques.
«Depuis quelques années, les Québécois ne se reconnaissent plus guère dans la politique étrangère canadienne, qui tourne le dos à sa tradition d'ouverture, de médiation et de multilatéralisme», a-t-elle plaidé.
Selon elle, Ottawa a rompu avec la pensée de l'ancien premier ministre canadien Lester B. Pearson, dont elle a vanté l'action. «Lester B. Pearson, père du concept du maintien de la paix, Prix Nobel de la paix pour son rôle dans le règlement de la crise de Suez, a inspiré la politique étrangère canadienne pendant 50 ans. Ce n'est manifestement plus le cas», a-t-elle dit.
Questionné par des journalistes après la prestation de Mme Marois, Jean-Pierre Blackburn ne voulait manifestement pas sortir les canons contre la première ministre. «Mme Marois fait valoir clairement ses points. On sait que c'est un gouvernement qui veut l'indépendance du Québec», a-t-il affirmé. Il a trouvé Mme Marois «déterminée». Son discours était «intéressant». «Pour ceux qui partagent ses points de vue, ça peut être inspirant», a-t-il dit.
Il a cependant relevé une contraction dans son discours. «Mme Marois a fait valoir que chaque pays européen perdait un peu de sa souveraineté pour faire fonctionner l'Union et que cela semblait bien ainsi. Et de l'autre, elle se présente ici, et dans la même allocution, fait valoir les avantages du Québec qui pourrait être indépendant. Ce sont deux débats qui se contredisent. Elle devait défendre les avantages de l'Union européenne et, de l'autre, faire valoir qu'au Québec, elle souhaiterait le contraire, la séparation», a-t-il expliqué.
Il a vanté l'accord récent qui a permis au Québec d'avoir une place au sein de la délégation canadienne à l'UNESCO. «Le Québec est en mesure de faire valoir ses positions en éducation et en culture. Ça vient compléter la position canadienne. Et jusqu'à maintenant, ça fonctionne très bien», a-t-il noté.
Un référendum difficile à imaginer
Pauline Marois a présenté les grandes lignes de son programme. Elle a abordé aussi bien la gouvernance souverainiste que ses projets de nouvelle loi 101, de charte de la laïcité, de citoyenneté et de constitution québécoises. Elle a cependant reconnu que son statut minoritaire à l'Assemblée nationale lui rend la tâche difficile. Elle avait d'ailleurs indiqué plus tôt, en entrevue à France Inter, que «ce serait difficile de tenir un référendum» puisqu'«on peut difficilement imaginer» que les partis d'opposition appuieraient l'adoption de la question référendaire à l'Assemblée nationale.
«Je vous dirai que nous pouvons présenter ces projets de loi, en débattre. Certains seront adoptés avec l'accord de l'opposition et d'autres ne pourront être adoptés, donc mis en oeuvre. C'est la limite que nous avons dans un gouvernement minoritaire», a-t-elle répondu à un étudiant français au cours d'une période de questions. Il est membre d'une association qui a manifesté à Paris ce printemps pour appuyer les étudiants québécois dans leur lutte contre la hausse de droits de scolarité. Dans son allocution, Pauline Marois a d'ailleurs salué la mobilisation survenue lors du «printemps érable» - l'expression a été créée par Le Monde. «Quel que soit le regard que nous portons sur la nature de leurs revendications, que mon parti appuyait d'ailleurs pour l'essentiel, nous reconnaissons là un engagement politique qui ne laisse planer aucun doute sur la santé démocratique de notre société, ce qui augure bien pour l'avenir», a-t-elle soutenu.
Elle a également plaidé pour le rayonnement du français comme «langue de communication internationale». «Il devrait aller de soi que les pays de l'espace francophone, quand ils ne le font pas dans leur langue nationale, s'expriment en français dans les enceintes internationales. Nous nous attendons à ce que l'élite française donne aussi l'exemple», a-t-elle affirmé avec une pointe d'humour, un commentaire qui a été suivi d'applaudissements.
Pauline Marois a eu un entretien de 45 minutes avec le premier ministre Jean-Marc Ayrault à Matignon. Ce fut une rencontre «plus que cordiale», «amicale et chaleureuse». M. Ayrault fera une visite au Québec au printemps.
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