Formation de la main-d’œuvre - Ottawa tente de briser le consensus des provinces

Le Québec est toujours encarcané...

Diviser pour régner

Les provinces de l’Atlantique craignent qu’Ottawa ne monte l’Est du pays contre l’Ouest afin de mieux imposer sa réforme de la formation de la main-d’oeuvre.
Alors que le Conseil de la fédération se réunit cette semaine pour sa réunion annuelle, le gouvernement conservateur a fait parvenir à certaines provinces « amies » une ébauche des changements envisagés, ce qui pourrait faire éclater le consensus que Québec avait réussi à bâtir ce printemps.
« C’est intéressant de constater que c’est la bonne vieille méthode du “diviser pour régner”», lance au Devoir un haut placé au gouvernement de Nouvelle-Écosse, qui ne veut pas être identifié. « [Les provinces qui ont reçu l’ébauche] ont des structures économiques différentes. Ce n’est pas un hasard si Ottawa commence à distribuer sa proposition dans ces endroits. »

Selon nos informations, Ottawa a présenté les détails de la nouvelle Subvention canadienne pour l’emploi, qu’il veut instaurer en avril 2014, à la Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan et à un territoire non identifié. L’Ontario, le Québec et la Nouvelle-Écosse, entre autres, n’ont rien reçu. Ce sont les provinces les plus réfractaires aux changements envisagés par Ottawa. Le bureau du nouveau ministre fédéral de l’Emploi et du Développement social, Jason Kenney, n’a pas confirmé ou infirmé l’information.

Dans le dernier budget fédéral, Ottawa a annoncé qu’il réformerait entièrement les transferts versés aux provinces aux fins de la formation de la main-d’oeuvre. Une des enveloppes, de 500 millions de dollars par année, sera ramenée à 200 millions. Les 300 millions qui restent seront encore versés, mais à la condition que les provinces les utilisent pour instaurer des subventions de 15 000 $ chacune. La part d’Ottawa sera limitée à 5000 $, tandis que provinces et employeurs devront avancer chacun une somme équivalente. C’est donc dire que les provinces doivent trouver 300 millions supplémentaires (70 millions pour le Québec à lui seul).

En juin dernier, Québec avait réussi à obtenir des 10 provinces et des territoires un consensus dénonçant l’« approche mur à mur, uniformisée » d’Ottawa. Au terme de sa conférence téléphonique, le Conseil de la fédération avait en outre demandé que les provinces puissent se « retirer, avec pleine compensation » du futur programme d’Ottawa. Québec espère qu’une partie de ce consensus tiendra la route cette semaine à Niagara-on-the-Lake où se rencontrent les 13 premiers ministres provinciaux et territoriaux.

« On s’attend à ce que la possibilité qu’une province puisse se retirer avec droit de compensation fasse l’unanimité. On ne dira pas aux autres quoi faire, mais le Québec veut se gouverner lui-même », a indiqué un membre de l’entourage de la première ministre Pauline Marois.

Les programmes de formation de la main-d’oeuvre des provinces de l’Est visent, dans l’ensemble, à offrir des compétences de travail générales à des chômeurs chroniques sous-qualifiés qui ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi. Les provinces de l’Ouest, où l’économie surchauffe, éprouvent un problème aigu de pénurie de compétences spécialisées. L’idée de former des travailleurs pour des emplois précis, grâce à une subvention ciblée, leur plaît davantage.

L’Ontario, qui préside le Conseil de la fédération cette année, demande d’être consulté. « On ne veut pas abolir le programme, mais on ne veut pas que ce soit une formule uniforme pour toutes les provinces. Et on a déjà de bons programmes qui fonctionnent bien », explique Lise Jolicoeur, la directrice des communications de la première ministre Kathleen Wynne. « On veut être consultés pour le développement du programme. On n’a pas de détails et ils veulent qu’on dépense notre argent provincial sur quelque chose dont on n’aura pas choisi les paramètres. »

Une source de Nouvelle-Écosse indique que la province « ne refusera pas le programme au nom de principes », mais demandera la possibilité de s’en retirer aussi. « On ne veut pas avoir une attitude de confrontation », explique-t-on. L’Alberta, qui n’a pas autant de réticences face à la subvention, s’inquiète quand même de l’impact qu’elle pourra avoir sur les petites entreprises. Celles-ci ne seront peut-être pas en mesure de verser les 5000 $ réclamés d’elles.

Par ailleurs, l’Île-du-Prince-Édouard veut ramener la réforme fédérale de l’assurance-emploi sur le tapis. La province estime que cette réforme a eu pour effet de renvoyer un grand nombre de chômeurs déboutés vers les programmes sociaux qu’elle finance, comme l’aide sociale. « On attend de voir la facture finale, mais on calcule qu’elle pourrait s’élever à 10 ou 20 millions de dollars par année pour notre province », indique un conseiller du premier ministre Robert Ghiz. Une peccadille ? Au contraire : cela représente jusqu’à 1 % du budget annuel de 2 milliards $ de l’Île…

Par ailleurs, l’Alberta reviendra à la charge avec son désir de mettre en place une stratégie « nationale » de l’énergie tandis que l’Ontario réclamera la mise en place d’un fonds fédéral pour l’infrastructure stratégique.

Notons que pour la première fois de son histoire, le Conseil de la fédération réunira presque autant de femmes que d’hommes. Il y a six premières ministres au pays (Colombie-Britannique, Alberta, Ontario, Québec, Terre-Neuve et le Nunavut). L’an dernier, il n’y avait encore que quatre femmes autour de la table.


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